C'était une soirée, une simple soirée très fastueuse mais une soirée tout de même. Et deux demoiselles allaient chanter ce qui était totalement habituel quand on savait le temps fou que passait les jeunes femmes bien élever à apprendre à chanter.

Ce qui l'était moins c'était les crises de nerfs d'un homme souffrant et probablement fou. Noah aurait vraiment voulu s'écarter de la demoiselle qui venait de s'agripper à lui pour aller calmer l'énergumène mais Rosabelle semblait être sur le point de faire un malaise. Il était donc hors de question qu'il la laisse seule rien qu'une seconde.

Et puisqu'elle semblait si effrayée, l'irlandais abandonna l'homme à son délire pour se concentrer totalement sur sa compagne qu'il attira contre elle pour l'éloigner de l'homme et du grondement sourd même si cela semblait bien impossible.

Comment expliquer ce qui se passait ? Ils avaient beau être morts sur un bateau ayant coulé, Noah n'avait pas la moindre idée, la moindre piste pour tout ça. Est-ce que les cris de ce passager était responsable de ce bruit insupportable ? Ils étaient tous effrayés, lui y compris mais ce n'était pas la fin de leur monde, il fallait juste qu'il s'en aille et qu'il les mette à l'abri.


« Suis moi d'accord ? »

Rosabelle ne répondit rien, se comportant presque comme une enfant apeurée incapable de dire quoi que ce soit. Et d'un côté c'était préférable à une hystérique incapable de se tenir qui aurait fini par lui mettre des coups avant de se jeter par dessus bord. Elle ne mourrait pas mais cela était peut-être douloureux, comment savoir ?

Il avança en soutenant la demoiselle contre lui, ignorant les cris des autres personnes autour d'eux et s'immobilisa dans un recoin près d'une des grandes tables accueillant divers alcools. Ils étaient assez loin de l'homme, de son feu et de ses cris qui semblait rendre Rosabelle hors d'elle. Noah l'attrapa par les épaules et planta ses yeux dans les siens en se forçant à sourire.


« Regarde moi bien, ça va aller, je reste avec toi. »

Un regard en direction de l'homme et la propagation de ce fameux feu. Il y avait la possibilité de sortir sur le pont comme tant de monde tentait de faire mais qu'en était-il de l'extérieur ? Serait-il vraiment plus intelligent de sortir ? Ce n'était pas bien sur autant ne pas bouger et se contenter de serrer Rosa contre lui en attendant que ça passe.

Une soirée dans la salle de réception des premières classes, un lieu que je n'avais pas encore eut le privilège de voir, dix mois s'étaient écoulés sans que je ne puisse encore visiter le navire entier. Je n'avais pas l'intention de rester toute la soirée dans un milieu où l'on ne ferait que de me regarder de travers, pourtant j'avais fait l'effort grâce à Edward Carlton qui avait eut l'aimable attention de me prêter un costume qui était trop étroit pour lui, mais à ma taille. Edward Carlton était mon bienfaiteur, c'était grâce à lui qu'aujourd'hui je savais aligner plus de trois mots d'anglais, bien que mon accent soit absolument horrible... J'avais décidé de me rendre à cette réception, je me fichais bien de ce que l'on pourrait dire de moi. Je me perdis plusieurs fois avant de trouver enfin mon chemin, bien qu'on me l'avait gentiment indiqué, je n'avais rien compris. C'est en passant devant une salle blindée de riches que j'avais compris être enfin arrivé à bon port. J'entrais la magnifique sale, jamais je n'avais vu telle richesse dans une pièce, j'avais l'air d'un grain de sable dans le désert, je me sentais vraiment bien sans me sentir à ma place. A vrai dire je n'avais pas vraiment ma place à bords du Titanic, pas même en troisième classe, mais j'étais là. Et j'avais le privilège d'être sur le pont D. Je restais un peu en recul de tout cela, les gens parlaient entre eux, je n'arrivais à suivre aucune de leur conversation, je me sentais totalement spectateur de la situation, c'était comme si je n'étais pas vraiment là, je songeais que personne ne me voyait, qu'ils étaient tous ravis d'être là. J'en observais des moins ravis malgré cela, des personnes qui semblaient se sentir mal à l'aise. Je ne comprenais peut-être pas ce qu'ils disaient (probablement parce qu'ils parlaient trop rapidement pour moi) mais je pouvais les observer et c'était un exercice fascinant.

Tout à coup, le capitaine du navire tapota délicatement sa coupe avec un couvert pour annoncer que deux demoiselles allaient pousser la chansonnette. Je souriais très fier d'avoir compris ce qu'il avait dit. Puis celui-ci fit un discourt où je n'avais su capter le moindre sens, certains mots venaient à mon oreille qui avaient une signification, mais le tout n'avait aucun sens. Soudain tout le monde se mit à applaudir, je fis de même ignorant totalement le pourquoi du comment, et à vrai dire je m'en fichais. Puis les deux demoiselles prirent place pour chanter. J'apercevais James qui applaudissait les demoiselles d'un air vraiment encourageant, je l'observais quelques secondes avant de porter mon intention vers un homme de corpulence assez spectaculaire qui était entouré à ma grande surprise de deux créatures de rêves... Puis les deux femmes se mirent à chanter pour le bonheur de nos oreilles, il fallait l'avouer elles avaient du talent.

Soudain, quelqu'un se mit à hurler quelque chose que je ne comprenais absolument pas. Des flammes virent laper un rideau de la salle, alors que tout le monde commençait à s'agiter, nous tombions tous à terre sans rien comprendre, je me pris un coude en plein dans les cotes et je poussais un juron dans ma langue maternelle ce qui ma valut quelques regards noirs. Je compressais mes deux mains sur chaque oreilles, d'où venait ce bruit infernal ? Je tentais de me relever uniquement par la force de mes jambes, mais cela ne fut pas une mince affaire, mon père me l'avait bien assez reproché, je n'étais pas le plus fort de ses fils. Mais cela ne voulait pas dire que je n'avais pas de force ! Alors que je tenais sur mes deux jambes dans un équilibre peu stable, je parcourais la salle de mon regard bleu azur dans l'espoir de comprendre ce qu'il se passait.

la reception

De la scène, j’apercevais Noah mon dieu qu’il était séduisant… Je détournais mon regard de vers lui pour les plonger dans ceux d’Eléonore avec qui je faisais le duo. Il ne fallait pas que son charme me déconcentre, et en aucun cas que je repense à nos nuits passaient ensemble. Mon attention se porta sur James, tout aussi charmant le garçon mais je n’éprouvais pas les mêmes choses à son égard ! C’était un ami avec qui je faisais preuve d’une grande retenue et d’une sympathie sans faille. Son visage serein me rassura, et je pu continuer ma chanson avec un grand sourire. Sourire qui masquait mon stress, et ma panique. Oui, première fois que je montais sur scène, le chant n’étant pas ma passion de prédilection mais mon amitié avec Eléonore m’avait amenée à prendre des cours de chant avec. Je chantais comme je pouvais, toujours anxieuse en me disant que ce que je chantais été peut-être faux. Les autres passagers n’avaient pas des têtes désastreuses, et ne lançaient pas encore des tomates ! Parbleu, ils n’avaient pas intérêt à faire une chose pareille.

Mais ce qui allait me tomber dessus n’était pas des tomates, ce serait bien pire surement. Un discours incompréhensible d’un homme vint couper la chanson, j’essayais avec ma voix de masquer cela mais impossible. Je du subitement arriver de chanter, quand les rideaux prirent feux l’orchestre cessa de jouer. Prise de panique, je ne savais plus quoi faire. Les autres passagers commençaient à s’agiter, je restais tétaniser sur la scène. Les flammes commençaient à se propager, et les passagers à faire n’importe quoi. Les membres de l’équipage du navire essayaient de calmer la situation, mais un instant la fête était devenue un vrai bazar. Je ne bougeais pas, restant sur scène, immobile. J’avais peur, j’étais limite en train de revivre le naufrage… Le bateau qui vacille, les meubles projetaient sur les murs, l’évacuation, le dernier regard que j’ai lancé à ma sœur. Tant de choses que je ne voulais plus revivre, mais là voir les flammes qui allaient brûler la salle de réception qui venait à peine de commencer si l’on ne faisait rien… La chanson même pas terminait que j’avais mis des heures à répéter et à apprendre. Des larmes me montèrent aux yeux, je pensais au rêve de monter sur scène à New York d’Eléonore… la pauvre.

Elisabeth, tu dois bouger. Elisabeth, bouge. Elisabeth, ne reste pas là. Mais des fois, on se retrouve bloquer sans trop comprendre pourquoi. Mais vous devez être là, c’est votre destin de voir ces passagers se piétinaient, de lire la panique sur les visages. Tant de violence, car dans ces moments-là beaucoup ne pensent qu’à leurs vies. Je ne savais pas quoi faire, j’essayais de balayer la salle du regard cherchant Alice des yeux… L’instinct maternel sans doute ! J’aperçus Constance, une petite première classe vers qui j’apportais une certaine attention. Je voulais aller vers elle pour l’aider, pour la protéger. Mais moi qu’étais-je parmi cette foule ? Une petite goutte d’eau, je n’étais pas épaisse et je ne ferais pas le poids contre des passagers paniqués. J’étais désemparée, je ne savais plus quoi faire…

Se sentir hors de son milieu.

Sacha connaissait cette Élisabeth, elle la trouvait gentille, mais Georgiana apprit rien de plus. Elle ne savait que penser de cette situation vraiment inattendue, elle ne pouvait pas croire que cette Élisabeth Cavendish pouvait être la sienne, non cela devait être une simple coïncidence, après tout les Cavendish étaient nombreux et dans la famille, il ne devait pas y avoir qu'une seule Élisabeth. Les notes de musiques commencèrent, la douce voix de rossignol d’Éléonore emplit la salle, mais celle de sa collègue était toute aussi belle, quoique anxieuse. En tout cas, Georgiana prit plaisir à écouter la chanson. Elle avait d'ailleurs complètement oublié de répondre à Sacha, ce qu'elle s'empressa de faire tout de suite.

« J'ai connu autrefois, une Elisabeth Cavendish, mais ça ne doit pas être la même, après tout il ne devait pas y en avoir qu'une seule en Angleterre. Dit la jeune femme. En tout cas, elle a une très jolie voix. »

Georgiana se mit à sourire et se laissa bercer par la chanson, mais une chose inattendue se passa lors de la réception, une chose qu'elle n'aurait jamais pu croire arriver. En effet, même si elle savait que beaucoup regretté leur vie de vivant, ainsi que de ne pas être au royaume des morts, elle pensait que tous s'étaient habitués à cette situation, mais elle se trompait. Alors que la chanson continuait toujours, elle entendit un homme un peu trop agité, parler, comme un fou. Que se passait-il chez lui ? Elle ne le savait pas, cependant l'homme l'inquiétait, elle n'avait jamais vu un tel état de folie chez quelqu'un. Georgiana était comme pétrifiée face à cette scène, elle secoua le bras de Sacha pour lui montrer l'homme. Elle murmura alors à sa compagne de soirée qu'elle le trouvait fort inquiétant. C'est durant ce même moment que l'effroyable se passa. En effet, l'homme attrapa un bougeoir et il mit le feu aux lourdes tentures qui décorées la salle de réception. Pourquoi faisait-il cela, les passagers n'ont-ils pas eu assez de chaos à bord de ce bateau ? Georgiana ne comprenait pas et elle ne savait pas quoi faire. Comme le jour du naufrage, la panique étreignait les passagers, certains s'enfuyaient de la salle, mais l'hystérie totale fit que la situation devint vite ingérable pour personne. La brune attrapa alors le bras de Sacha et la fit reculer vers le mur. Au moins ici, elles ne seraient pas piétinées. Effarée, la jeune femme regarda tout autour d'elle, Élisabeth se trouvait toujours sur scène ne sachant que faire, la musique était arrêtée et tous semblaient penser que leur vie était bien plus précieuse que les autres. Que faire dans pareille situation ? La flamme enveloppait maintenant le rideau, mais personne ne pouvait agir, tout n'était que chaos. Georgiana se voyait mal éteindre un feu avec un seau de glace.

« Sacha qu'allons-nous devenir ? Nous sommes déjà mort, on ne peut pas mourir à nouveau. N'est-ce pas ? »

Ainsi, c'était l'unique chose qui vint à l'esprit de la jeune femme, demander à Sacha s'ils allaient tous mourir à nouveau. La brune s'intéressa de nouveau à Elisabeth qui se trouvait toujours sur scène. Et si elle était vraiment son amie d’antan ? Cela serait vraiment bête de mourir, sans découvrir la vérité avant.

Lizzie et Eléon' chantaient donc en coeur sur la petite scène de la pièce, tout semblait bien se passer jusqu'à présent, tout semblait se passer comme prévu, comme si nous étions à une fête de première classe, sauf que tout ne continua pas dans cette direction là. Alors que nous avions les yeux rivés sur la scène, quelques choses se produisit dans notre dos. Georgiana me disait qu'elle avait connu une certaine Elisabeth Cavendish dans son passé, mais que ce ne devait probablement pas être celle qu'elle avait connu. Je pense que si cela avait été le cas, elle l'aurait reconnu, non ? Parce que si elle l'a connu alors qu'elles n'étaient qu'enfant, nous ne changeons pas autant que ça, si ? Mais, après tout, peut être ne voulait-elle pas la reconnaitre puisqu'elles semblaient être issues de deux milieux différents, la richesse et la pauvreté semblait formé un fossé énorme entre les deux, pour Elisabeth était loin d'être de celles qui se moquent des moins riches. Sans doute faudrait-il organiser une petite rencontre, ça serait bien je pense, mais plus tard, car nous allions avoir d'autres chats à fouetter.

En effet, dans notre dos, un homme proféra des propos totalement incohérents, dans une autre langue peut être, je ne savais pas du tout. En tout cas, la fête qui semblait être si parfaite jusqu'à présent commençait à sentir le roussi. Et c'était littéral puisque l'homme avait mis le feu à un rideau de la pièce dans le fond de celle-ci me semble-t-il. Sur scène, les musiciens avaient arrêtés de jouer, les voix des chanteuses s'étaient donc tues dans la panique générale. Le bruit qu'il y avait était insupportable, je me bouchais les oreilles, mais ce n'était guère suffisant malheureusement. Georgiana me prit alors le bras pour me pousser contre le mur afin que nous ne soyons pas écrasées par les autres passagers qui commençaient à courir dans tout les sens. Elle me demanda alors ce que nous allions devenir mais que lui répondre ? Je n'en savais rien moi-même. Si nous étions déjà mort, pouvions nous mourir à nouveau ? Une mort définitive ? C'était possible, ça ne me dérangerait pas plus que ça à vrai dire même si j'avais fait quelques belles rencontres ici. Mais, jamais je ne pourrais être heureuse, ça me paraissait impossible, et cette soirée semblait me le confirmer ... Et si j'étais restée dans ma cabine à broyer du noir plutôt que d'être venue ici ... Je regardais donc mon amie à côté de moi, le regard dans le vide, avec un petit haussement d'épaule comme pour lui dire que je ne savais pas par rapport à ce qu'elle me demandait, comme si mes lèvres étaient cousues de fil blanc à ce moment là sans que je ne puisse parler.

Entre le feu, l'hystérie collective, le grondement sourd qui risquait de tous les rendre fou et la rouquine dans ses bras qui semblaient au bord de la crise cardiaque, l'irlandais n'en menait pas large. Mais pas une seconde il ferma les yeux, ce serait se laisser happer par la peur et il était hors de question que cela arrive. Que se passait-il ? Il n'en avait pas la moindre idée mais il n'allait pas se laisser aller au moindre cri ou quoi que ce soit dans le genre.

Rosabelle se raccrochait à lui comme à une bouée et ses ongles commençaient à se faire sentir dans sa peau mais c'était le prix à payer. S'ils ne sortaient pas bientôt, ils allaient suffoquer mais cette pensée le fit presque sourire quand il repensa au fait qu'ils étaient déjà morts. Que craignaient-ils donc ?

Et en y songeant d'un peu plus près, il fallait admettre que Noah avait une angoisse terrible de disparaître pour de bon, d'arrêter d'être sur ce paquebot et d'être envoyé en enfer. Lui n'était pas un grand croyant comme ses parents avaient pu l'être mais si le paradis et l'enfer existaient, il savait bien où il allait finir.

Il serait puni pour ses excès en tout genre et particulièrement pour son amour des femmes dont celle qu'il tenait entre ses bras et qui lui donnait envie de se dépasser, de bouger de cet endroit coincé et de se diriger vers le coin des cuisines un peu plus éloigné du feu. Il pouvait même voir un renfoncement près d'une des portes et c'est là qu'ils trouveraient refuge en attendant que tout cesse car cela allait bien finir par arriver.


« Suis moi. »

Le blond tenta de bouger mais la prise de la demoiselle se raffermit sur lui et il se retint de détacher ses mains de ses épaules pour qu'elle cesse de le serrer si fort. Et le seul moyen qu'il trouva pour la faire bouger fut de passer un bras sous ses cuisses pour la porter contre lui et enfin pouvoir se déplacer.

Bien heureusement, elle ne se débattit pas et se laissa faire comme une poupée bien trop bruyante. Bientôt, il atteint l'endroit et se laissa tomber glisser dos au mur jusqu'à ce que ses fesses atteignent le sol. Là seulement, il força la jeune femme à la fixer en relevant son visage vers le sien et tenta de sourire avant de se pencher à son oreille.


« Fais moi confiance, tout va bien se passer. »

Et il espérait ne pas avoir tort.

Des concepts philosophiques et scientifiques, Jean-Victor en connaissait des tas depuis qu'il était enfant, à l'époque où il passait ses journées plongé dans des livres bien trop gros et compliqués pour l'âge qu'il avait. Toutefois, il y avait un concept qu'il ignorait même après toutes ces années, ou du moins il ne parvenait pas à le mettre en application : celui d'arriver à l'heure. C'était dans la vie de Jean-Victor, arriver en retard ; cela exaspérait sa mère et ses professeurs, et faisait beaucoup rire Hellie. Et s'il n'avait jamais été fichu d'être à l'heure quand il était encore vivant, il n'y avait aucune raison pour qu'il s'y mette maintenant, alors qu'il était mort et avait l'éternité devant lui. Tout ça pour dire que Jean-Victor était donc en retard à cette réception, à laquelle il ne s'était rappelé qu'à la dernière minute avoir été invité. Effectivement, il avait bien trouvé cela un peu étrange qu'il n'y ait personne pour lui interdire l'entrée du salon de lecture comme c'était le cas d'habitude, mais cela n'avait pas particulièrement attiré son attention et il s'était installé confortablement dans un fauteuil, un bon livre sur les genoux. Comme c'était agréable d'avoir un peu de tranquillité dans cette belle bibliothèque ! Malheureusement, la raison de cette tranquillité n'avait pas tardé à lui apparaître : il avait oublié cette fichue réception, évidemment. Alors il s'était relevé précipitamment, laissant le livre en plan, grand ouvert. Tant pis, il reviendrait le ranger après... Enfin, sauf si on le le laissait pas rentrer. Eh bien si on ne le laissait pas rentrer ce serait tant pis pour eux, ils n'auraient qu'à le ranger eux-mêmes.

Il en était là de ces réflexions lorsqu'il arriva dans la salle de réception, qui fort heureusement n'était pas bien loin. La salle était déjà pleine, évidemment, et il dut se glisser subrepticement sur un siège en espérant que personne ne l'ai remarqué. Non, tout le monde regardait les deux charmantes jeunes filles qui chantaient. L'attention de Jean-Victor se tourna d'ailleurs vers elle : elles chantaient drôlement bien. Leur visage ne leur était pas inconnu... à ce qu'il lui semblait. De toute façon, il ne se rappelait jamais du nom de personne, alors... Il ne savait même pas celui de la personne à côté de qui il s'était assis, et ce n'était pas bien grave non plus.

Ce fut à ce moment là qu'il entendit un hurlement qui le fit sursauter et renverser la coupe de champagne qu'il s'apprêtait à porter à ses lèvres. Puis une odeur de brûlé envahit la pièce : l'homme qui venait de crier avait mis le feu. Jean-Victor voulut crier, mais il n'en eut pas le temps : un grondement sourd insupportable se fit entendre. Il tomba à terre en se bouchant les oreilles. Bien sûr. C'était trop beau. Ils ne pouvaient pas vivre éternellement sur un bateau aussi paradisiaque. Ce bruit, c'était sans doute celui des Enfers qui allaient les engloutir, les faire mourir pour de bon cette fois. Et dire qu'il n'avait même pas fini le livre qu'il était en train de lire !

Pourtant, le bruit cessa. Stupéfait, le jeune homme se redressa, et par un réflexe presque stupide alla se réfugier sous une table. Il n'avait pas la moindre idée de ce qui venait de se passer, mais cela ne lui disait rien qui vaille, et il avait besoin de se sentir protégé par quelque chose, même si, rationnellement, une pauvre table en bois ne pourrait rien pour lui contre une injonction divine. Au moins était-il toujours en vie... ou plutôt toujours mort... enfin toujours dans le même état que dix minutes auparavant.

Se sentir hors de son milieu.

Sacha ne répondait pas et Georgiana s'inquiétait de plus en plus, ainsi la mort était là ? Après neuf mois d'existence sur le Titanic, ils allaient donc tous mourir. A quoi bon les faire souffrir, eux ces pauvres âmes à la dérive, si ce n'était que pour les torturer encore et encore. La jeune femme ne comprenait pas, mais au fond d'elle, elle espérait que la mort soit douce, pas comme durant le naufrage où elle sentait l'eau lui envahir les poumons. La douleur avait été insupportable et le froid si mordant. Un frisson parcourut tout son être, elle agrippa le bras de Sacha pour se donner contenance. Mais le bruit arriva, sourd, entêtant. Georgiana ne put le supporter plus longtemps et comme bien d'autres passagers, elle se laissa choir au sol. Avec beaucoup de mal, elle boucha ses oreilles avec les mains, mais il était bien trop intense. Le troisième classe eut l'impression que tout cela dura une éternité, des heures, des minutes, elle ne pouvait le dire. Puis tout s'arrêta, comme par miracle. Elle était toujours sur le bateau, Sacha à ses côtés, tout était comme auparavant. Georgiana se releva alors, elle regarda autour d'elle, comme tous. Un détail lui sauta aux yeux, l'homme n'était plus là. Sinon le reste des passagers étaient bien présents, l'étonnement était marqué sur leurs visages. La brune se tourna alors vers Sacha.

« Tu vas bien ? » De simples mots, mais Georgiana était choquée parce qui venait de se dérouler sous ses yeux, elle voulait donc savoir dans quel état se trouvait son amie.

Des murmures s'élevèrent dans toute la salle, par petits groupes, puis ils gagnèrent chaque recoin. Un homme fit pourtant taire l'assemblée:le capitaine. Georgiana regarda attentivement l'homme pour détailler la moindre de ses attitudes, elle voulait voir comment le maître de la situation allait réagir face à ce chaos.
L'homme se montra humble, bienveillant et normal. Il semblait troublé, mais tentait de le cacher aux passagers. Il demanda après sa tentative pour rassurer les passagers que tous retournent à leurs cabines. Encore groggy, Georgiana ne savait que faire, obéir ou bien rester là et demander des explications ? Cependant, elle n'avait pas le courage de se battre, elle voulait dormir et passer une bonne nuit de sommeil, dans sa cabine, bien au chaud sous ses couvertures.

« Je pense qu'il est temps d'aller dormir. Je te raccompagne à ta cabine ? » demanda t-elle à Sacha.

[Début du Flash Back]

Je revoyais la panique, la peur se lire sur tous les visages. Les familles séparaient, les gens qui se battaient pour avoir une place dans les canaux. Quand il s’agissait de survivre il n’y avait plus d’humanité. Je revoyais ma sœur me hurlait de ne pas y retourner, de rester avec elle, de monter dans ce canaux. Je ressens encore nos deux mains qui se séparent, la chaleur de sa main, sa main si réconfortante qui me disait que tout irait bien, qu’on allait s’en sortir. Je me revois allant à l’inverse du sens de la foule, perdant de vue ma sœur, qui avec les bousculades avaient du être poussée dans le canot de sauvetage je ne voyais que ça. Je me revois ouvrir la porte de ma cabine, alors que le navire tanguait dangereusement. Je me revois saisissant le médaillon de ma mère restait sur la table de chevet. J’entends encore les chiens restaient enfermer dans le chenil hurlaient à la mort. J’entends encore les craquèlements de la coque sur l’iceberg. J’entends encore les gens criaient de peur. Je revois les meubles valsaient, tombaient contre le mur. Je revois le bateau sombrait peu à peu au fond de l’eau. Je me revois tomber inconsciente au sol. Je me revois le médaillon à la main. Le reste … je ne revois rien. J’entends encore ma sœur me criait de revenir, crier mon nom au milieu de la foule. Son regard, son regard déchirant, son regard remplie de larmes…

[Fin du Flash Back]

Je clignais deux fois des yeux, tout était silencieux je n’avais pas bougé de la scène, restant tétaniser alors que les autres passagers allaient et venaient dans tous les sens. Je descendais discrètement de la scène, toute chamboulait manquant de trébucher et tomber. Je me retins à une table. Le Titanic, notre refuge. Un cadeau du ciel. Il nous prenait pour qui ? Mon seul refuge était dans les bras de James, ou bien d’un de mes amants. Un cadeau du ciel, le seul cadeau du ciel qui pourrait me combler serait de retrouver ma sœur. Mais peut-être que le Titanic m’avait offert Alice en cadeau du ciel. Je n’en doutais pas. Mais je trouvais mal venue de la part du capitaine de nous dire cela, certes c’était pour calmer les passagers. Enfin, tout de même ! Nous n’étions pas naïfs à ce point-là. .Peut-être que si, après-tout.

Je m’appuyais pour marcher tout doucement. Cela pourrait faire un bon rebondissement dans l’un de mes romans un homme fou qui crie, un violent bruit, et le feu partout. Même si tout cela était inexpliqué… A petit pas, je m’éloignais des autres passagers m’appuyant contre les murs. Je ne me voyais pas arriver jusqu’à ma cabine. Je me giflais mentalement pour me remettre de mes émotions. Je faisais preuve d’une grande sensibilité, et là j’avais été seule par rapport à cette épreuve. Action qui n’avait aucunes conséquences mais on avait évité le pire. Beaucoup avait du se demander si nous pouvions mourir alors que nous étions déjà mort ? En effet, c’était une question que je me posais parfois. Où était passé cet étrange individu ? Il s’était dans les abysses lui aussi. Je marchais telle une âme en peine sans vie, je ne voyais même plus les autres passagers.

Petit pas par petit pas, j’arriverais à ma cabine. Je m’effondrerais sur mon lit et j’oublierais cet incident qui avait avouons-le gâché ma prestation.

Les évènements de ce soir étaient tout simplement stupéfiants, même carrément abracadabrantesque ! C'était simplement du grand n'importe quoi, ce passager fou, le début de l'incendie, ce bruit qui nous avez écrasé au sol. Que comprendre de tout cela ? Personnellement, j'avais du mal à comprendre ce que nous venions de vivre. Pourquoi cet homme avait-il mis la pagaille ? Pourquoi avait-il aussi disparu de devant nous ? Où se trouvait-il ? Et encore tout un tas de questions que je me posais, sur moi mais sur les autres aussi. Puis, tout d'un coup ou presque, tout cela se stoppa, la salle retrouvant le silence mais pas forcément le grand calme qu'il aurait du y avoir. Nous n'avions finalement pas pu avoir notre chanson en entier puisque le capitaine intervenait à présent. Non, mais j'avais du mal à me situer après tout ce que nous venions de vivre. Je savais que c'était une mauvaise idée de venir à cette soirée, mais si j'avais su qu'il se passerait tout cela, je serais resté dans ma cabine à me morfondre sur mon sort. Le capitaine nous dit donc que la soirée était finie et qu'il était temps pour nous de rentrer nous coucher. C'est tout ? Pas plus de gentillesse ou d'explication à cela ? Non, parce qu'apparemment, il ne savait pas lui-même ce qu'il venait de se produire ce soir à en croire ces propos. Ce navire était une véritable énigme à lui tout seul, et je n'avais pas la force mentale de chercher et de trouver de possibles réponses à ce qu'il venait de se produire ce soir, mais aussi à de nombreuses choses qui n'étaient pas là lorsque nous avions tous embarqué à Southampton. En tout cas, cette vision de l'éternité me paraissait bien folle par rapport à ce que nous aurions pu vivre si seulement nous n'étions bloqués sur ce fichu bateau. Mais cela ne servirait à rien de s'énerver. Georgiana me demanda alors si j'allais bien. J'ai répondu positivement par un signe de la tête mais ma langue semblait être comme liée, je n'arrivais pas à prononcer un mot, sans doute l'émotion d'avoir vécu cette mort peut être définitive pour ce passager fou. Il était temps de rentrer dans nos cabines donc, comme pour faire semblant, comme pour oublier déjà ce qu'il venait de se produire. Et si le bateau avait une âme ? Georgiana me demanda alors si elle me raccompagnait à ma cabine.

" Non, merci, ça va aller. "

J'essaye de lui faire un maigre sourire pour lui dire qu'elle pouvait y aller. Je voulais attendre que tout le monde quitte la salle pour constater de mes propres yeux ce que j'avais vu. Ils partirent pratiquement tous, et je me suis mise à regarder là où il y avait eu l'incendie, là où l'homme avait disparu, mais il n'y avait plus rien, aucune trace de l'homme, aucune trace de l'incendie. Je me posais encore plus de questions qu'avant, et pourtant, je ne cherchais pas tellement les réponses, puisque je n'étais pas sensées les savoir à mon humble avis. Si je devais les savoir, ce serait en temps et en heure pour le moment, tout cela resterait mystérieux pour chacun d'entre nous, mais quelques choses me dit que des réponses devraient arrivées sous peu, des réponses qui engendrerais sans doute d'autres questions, un cercle vicieux sans fin, un engrenage implacable que nous allions tous vivre, sans doute pour l'éternité. Qui a dit que l'éternité était un long fleuve tranquille ? Pas moi, assurément.