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 Oh Sinnerman, where you gonna run to ? The Lord said, go to the devil | Dorian

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RPG
Oh Sinnerman, where you gonna run to ? The Lord said, go to the devil | Dorian Empty
MessageSujet: Oh Sinnerman, where you gonna run to ? The Lord said, go to the devil | Dorian   Oh Sinnerman, where you gonna run to ? The Lord said, go to the devil | Dorian EmptyJeu 2 Jan - 22:22

Oh Sinnerman, where you gonna run to ? The Lord said, go to the devil | Dorian Franz_10 Oh Sinnerman, where you gonna run to ? The Lord said, go to the devil | Dorian Dorian11
Franz & Dorian
« Toute révélation d'un secret est
la faute de celui qui l'a confié.  »
- Jean de La Bruyère






Face à l’océan, Franz attendait patiemment son rendez-vous. Certes, avec l’hiver venue, un pont promenade n’était pas forcément le premier endroit auquel on aurait songé pour une rencontre : le ciel bas et uniformément gris n’avait rien d’esthétiquement attirant, le vent marin avait eu le mauvais goût depuis plusieurs semaines de se faire glacé, et à cause de toutes ces excellentes raisons, bien peu de monde osait encore s’attarder face à la mer et à l’hiver qui telle une chape de plomb l’avait emprisonnée en un dégradé d’anthracite et de froid. Pourtant, l’homme demeurait là, accoudé au bastingage, un manteau de laine même pas additionné d’une écharpe ayant la lourde charge de le préserver de la bise.

Toute victoire nécessitait des sacrifices. Et sans se perdre dans d’inutiles références historiques, sachez seulement ceci : i toutes les conditions météorologiques se voyaient réunis pour faire fuir les promeneurs, le pont devenait de ce fait un lieu pour le moins désert, dépourvu e toute oreille indiscrète. Vous suivez la logique ? Il valait le coup de frissonner un peu, et d’ainsi éviter les fumoirs surpeuplés, les coursives passantes, ou tout autre lieu où il aurait été étrange de voir deux hommes parler. Il fallait avouer que son interlocuteur ne lui facilitait pas tant que cela les choses : un majordome ne s’aventurait que rarement dans les bas-fonds du vaisseau où séjournaient les troisièmes classes ; on le retrouvait plutôt auprès des deux autres castes du Titanic, qui théoriquement se voyaient plus ou moins hermétiquement closes aux « rats de calle ». Conclusion : des compromis devaient être faits, et pour l’heure, Franz comptait mesurer si ces derniers valaient la peine d’être acceptés.

Dorian Cayne, membre de l’équipage, et parfaite incarnation de ce que Dreinberg attendait d’un domestique : un talent inné pour être apprécié de celles et ceux qu’il servait, une pseudo-discrétion assuré lui valant le privilège d’écouter des confessions en ayant l’air de faire partie des meubles, et surtout un caractère assez retors pour ensuite partager ses découvertes avec d’autres amateurs du genre. Le cliché de l’employé de maison mal intentionné rattrapant tous les instants dégradés causés par sa fonction via la toute-puissance gagnée grâce à des secrets volés ? Sans doute. En tout cas, l’éclat dans son regard ne trompait pas, et en ce jour-là encore, Franz se félicitait d’avoir suivi le conseil de cette lingère, informatrice inconsciente de l’être, lui ayant assuré que plus attentif que Dorian, il n’y avait pas ! Dorian, Dorian… Ce prénom lui rappelait à chaque fois l’œuvre d’Oscar Wilde, incompréhensiblement. Et bien que le majordome n’ait rien de maudit aux dernières nouvelles, des vérifications s’étaient imposées : recueillir l’air de rien divers avis à son sujet auprès de ses collègues assez aveugles pour converser avec l’Allemand sans réaliser son intéressement, puis l’observer de loin, le croiser et enfin… L’aborder. Le courant était passé très bien de suite entre eux, tant les cœurs sombres savent reconnaître et apprécier un semblable lorsqu’ils se rencontrent. Un petit pari avait ainsi vu le jour : trouver le squelette habitant le placard d’une délicieuse jeune mariée de seconde classe, plus innocente et discrète qu’un angelot. L’archétype-même de la personne blanche comme neige… Ou pas, comme vous vous en doutez. La difficulté résidait dans le décèlement de ce que cachait ce ravissant minois parfaitement soumis à son époux. Bien évidemment, Cayne ne serait pas cru sur parole : l’espion se trouvait d’ores et déjà au courant, et ne ferait que vérifier les talents supposés de celui qui ferait un très bon partenaire, si du moins il s’en révélait digne.

Quant à l’excuse que Dorian trouverait pour s’esquiver de son service et le rejoindre, il l’en laissait pleinement juge : pause cigarette ou autre s’avérait utile, plus qu’une course particulière pour un hypothétique passager l’ayant pris comme homme de confiance, ce qui aurait pu déclencher certaines jalousies parmi le reste du personnel. Ah, quel plaisir de côtoyer un autre esprit averti… De suite, votre propre sens du raisonnement se voyait motivé à aller plus loin, à pousser ses analyses et à enchevêtrer maintes possibilités, pour prévoir au mieux ce qui adviendrait, au cœur du canevas du destin. Lukas serait peut-être un peu jaloux, mais bien évidemment, ce type n’arriverait jamais à la cheville de son frère, du moins au niveau de la confiance accordée par Franz. Au mieux lui-même laisserait-il filer quelques infos croustillantes, histoire de donner le change, et l’impression que ce jeu n’allait pas que dans un seul sens ; impensable cependant de se mettre inconsciemment en position sensible, là où ses propres mystères risqueraient d’être percés à jour. Non, cela resterait un petit match amical et collaboratif entre deux hommes trompant l’ennui, et par là-même une bonne partie du navire… Et rien qu’en songeant au discret plaisir l’électrisant à chaque petite victoire dans l’ombre, l’Allemand sourit, fantôme qui glissa sur son visage presque aussi lugubrement que la brume à la surface acérée des vagues.










(c) songstressicons & first_inline
Titre : Sinnerman, by Nina Simone
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