« Un petit déjeuner pas comme les autres. »

Assise seule à une table au Café-Véranda, je pensais à notre vie sur le Titanic. A comment sortir de ce cercle infernal, cette tornade qui nous avait emmenés, à ce tourbillon d’événements. J’avais devant moi une tasse de thé aux saveurs surprenantes et exotiques, à base d’orange et de pamplemousse. J’adulais le thé, et je m’arrêtais très souvent boire une tasse de thé. Cup Of Tea, l’un de mes passe-temps favoris. Je soupirais, las de cette situation. Je n’en voyais pas la fin, le bout et si nous étions bloqués là pendant le reste de l’éternité qu’allions-nous devenir ? La folie me rongeait doucement, et ça irait en empirant. Une petite princesse me sortit de mes pensées macabres, je reconnu Apolline très joliment vêtue. Je regardais un peu plus loin pour voir où était sa mère, mais je ne la vis nulle part. Elle était donc seule ? Comment était-ce possible ? De laisser une enfant seule ainsi … Une triste pensée arriva dans ma tête, je ne pourrais jamais avoir une jolie enfant comme celle-ci, jamais je ne pourrais pouponner dire que cela avait été mon rêve de petite fille.

« Bonjour Apolline, bien sur assis-toi avec moi. Tu es toute seule ? Ta maman n’est pas avec toi ? » Cette petite était très polie, mon amie Désdémone l’avait très bien éduquée. Quant à moi, je la considérais presque comme ma fille cette jeune poupée. « Il te regarde peut-être car tu es jolie comme un cœur, et que c’est surement la première fois qu’il voit une si jolie petite fille. Tu ne crois pas ? » Je me levais pour lui éloigner la chaise qu’elle puisse s’asseoir. J’allais la laisser faire mais je serais là si elle avait besoin d’aide. Une petite surprotégeait certainement, et je n’étais surement pas la première à vouloir la protéger. Un joli minois qu’on ne veut pas voir abîmer. Une envie de préserver ce qui n’a pas pu être sauvé. Et en l’absence de sa mère, la protégeait pour qu’il ne lui arrive rien. Sait-on jamais le mal est à tous les coins de rues… Je ne me pardonnerais jamais s’il lui arrivait malheur.

J’ignorais pourquoi tous ces gens la regardaient, mais une petite fille seule attirait l’attention. Généralement, les enfants surtout de première classe étaient accompagnées par leurs parents. De nombreux enfants n’avaient pu être sauvés du Titanic, je trouvais cela regrettable, ils auraient du être les premiers à s’en sortir. Eux, méritaient plus de vivre que certaines personnes à bord… La jolie Apolline avait toute sa vie devant elle, et sa vie lui avait été volée. Aujourd’hui, elle ne s’en rendait pas encore compte mais dans quelques temps cela lui manquerait. Elle ne pourrait jamais vivre comme une petite fille normale de son âge, et les regards des gens le montraient bien. Finalement, nous étions comme des bêtes de foires mis en cage.

« Elle est jolie ta poupée, tu l’emmènes partout où tu vas ? » Je fis signe au serveur pour qu’il vienne prendre la commande d’Apolline, je pris une nouvelle gorgée de mon thé et me resservit de l’eau chaude avant que mon thé soit totalement infusé ce que je détestais.

Chapitre 1 ¤ Apolline Miller.
Entre filles. Lien : Modèle.
Café Véranda.
Pont A.

« Un petit déjeuner pas comme les autres. »

« Tu sais Apolline, quand j'étais une petite fille j'avais moi aussi une poupée. Je pleurais sur sa jolie robe rose en dentelle, elle était brune, un visage angélique un peu comme toi. Je l'emmenais partout autant que je le pouvais, elle était ma première confidente et celle qui était toujours là pour sécher mes larmes. Je me souviens, je la serrais contre moi quand j'étais triste. »

Un peu de douceur dans ce monde tyrannique et imprévisible. Petit moment nostalgique, moi aussi j'avais été enfant. Une petite fille toujours bien habillée me baladant avec des ombrelles pour faire plus grande dame. Apolline me faisait de la peine d'être seule ainsi. Quoi que pas plus haute que trois pommes mais très débrouillarde. Elle était l'enfant que je n'ai jamais eut. L'enfant que je n'aurais jamais. Mais, je ne m'identifiais pas à elle. Elle n'était pas l'enfant que j'avais été. Toujours entourée par ma soeur, le réconfort d'une poupée pour une enfant était inévitable mais j'avais Hélène comme épaule sur laquelle m'appuyer.

« Hum... voyons le menu ! Tu es là pour déjeuner ? Tu veux prendre comme moi ? Tu as déjà gouté à du saumon ? Un peu de poisson pour une jolie sirène comme toi. Tu aimes ? Essayons de te faire découvrir de nouvelles saveurs. Faisons ton éducation de jeune fille de bonne famille qu'en dis-tu? »

Je lui souris tendrement, je voulais lui apporter un peu de chaleur dans son petit coeur si vide. Manquait-elle d'amour ? De tendresse ? De présence de la part de sa mère ? Etre avec Apolline, c'était un peu comme jouer la poupée mais en vrai. Je rêvais au plus profond de mon être, de moi d'avoir une petite fille. Je n'aurais jamais cette chance. Comme elle n'aura jamais la chance de grandir. Nous étions prisonnières de ce corps à tout jamais. Pour l'éternité. Elle ne pourra jamais voler comme un oiseau. Nager dans les eaux profondes telle une sirène.

Je plongeais mon regard dans ses prunelles. Je voulais la réconforter d'un simple regard, lui faire passer ma chaleur. J'allais bien en cette matinée, la petite m'apaisait. Un enfant, tout les biens faits de celui-ci. Apolline représentait la grâce et la joie de vivre. L'innocence, tout le monde devait la juger trop petite pour comprendre ce qu'il se passe à bord mais les enfants sont parfois surprenants. La vérité sort de leur bouche après tout.

Le serveur arriva à nos côtés, et attendit suite à un sourire amicale de ma part. J'attendais que la petite fasse son choix, je l'aiderais. Être éduquée par une gouvernante, je savais trop bien ce que c'était. Mère était loin d'être omniprésente dans ma vie, néanmoins déjà beaucoup trop à mon gout. Elle devait se sentir si seule, et pourtant il y avait d'autres enfants à bord - peu de premières classes avaient du mourir. Cela ternissait mon moral de la voir ainsi, morte si jeune... elle n'avait pas encore vu la vie, elle ne l'avait pas encore vécue. Elle n'avait pas vu les changements de saisons, c'était malheureux mais c'était ainsi. Il fallait accepter notre destin, et agrémenter d'un brin de folie pour rêver notre vie en couleur.

Chapitre 1 ¤ Apolline Miller.
Entre filles. Lien : Modèle.
Café Véranda.
Pont A.

Appolline me sourit, et me parla doucement. Quelle charmante compagnie pour ce déjeuner, une bouffée d’air frais cette petite princesse.

« Oh … Je ne me souviens plus. Rosie, peut-être. J’en avais une brune et une blonde. Une à ma sœur, l’autre à moi. Il t’aurait fallu une petite sœur ou un petit frère pour ne pas être seule, ainsi. »

La petite pour son âge était lucide, se rendait-elle véritablement compte ce que cela signifiait ne plus jamais pouvoir grandir ? Elle aurait surement le syndrome de peter pan. Rester enfant toute sa vie, enfermé dans ce corps, ne connaitre rien d’autres… Après tout, moi non plus, je n’aurais jamais la joie de devenir mère. Chacun portait son fardeau. La vie de luxe… oui cela faisait rêver quand même, ce côté vivre pour la vie à bord de ce paquebot de rêve. On commanda de quoi manger, et nous mangions tout en discutant telles deux copines. Je pesais mes mots à chaque phrase, et essayais de lui faire découvrir ce qu’avait pu être ma vie. Elle ne devait pas cesser de rêver, Appolline même si la réalité était un enfer qui n’en finissait jamais. Elle était curieuse à l’art culinaire, un bon point. Il ne fallait jamais se fermer des portes, toujours ouvrir un éventail de choix. Cela commençait par découvrir le monde et ses saveurs. Appolline ne grandirait plus, mais rien ne lui empêchait de devenir quelqu’un de très mâture. A force… elle grandirait mentalement. Elle me faisait de la peine, tellement de peine. Moi aussi, j’avais souffert de l’absence de mon père – souvent en voyage et d’une mère plus qu’absente… j’avais souffert de son manque d’amour, heureusement que j’avais ma sœur. Je n’osais imaginer ce que pouvait ressentir Appolline, elle, elle était seule. Pourtant, il y avait des enfants à bord mais si elle ne pouvait pas aller leur parler. Je devrais en toucher deux mots à Desdémone. Appolline devait jouer avec des enfants de son âge, désormais. Pour son bien, il le fallait. Elle devait s’éveiller, et vivre comme une petite fille de son âge. Les adultes étaient trop grands pour qu’elle soit amie avec l’un d’entre eux. Appolline était trop mignonne avec sa poupée, mais elle devait se sentir terriblement seule. Etait-ce sa seule amie cette petite poupée ?

« C’était bon n’est-ce-pas ? » Je terminais d’essuyer la commissure de mes lèvres avec ma serviette après cet excellent repas. Je me levais de ma chaise. « Allez viens, je te raccompagne à ta cabine, on va aller voir ta maman. » Je lui tendis la main pour qu’elle la saisisse et qu’on parte ensemble faire une petite promenade à bord du Titanic pour rejoindre les cabines de premières classes.