Une journée comme une autre. Une journée rythmée par ton rendez-vous dans le jardin exotique avec Désdémone. Ta meilleure amie. Tu l’as de suite appréciée à bord du Titanic, deux premières classes pleine de grâce et très glamour. Même éducation, même vie, une blonde, et une brune. Tu es amoureuse de sa fille que tu chérie, pour elle tu es son modèle. Tu n’es peut-être pas le meilleur mais pas le pire non plus. Tu es sereine, l’arrivée surprise de ta sœur te réjouie. Ses retrouvailles ont remplis ton cœur de joie, et d’amour. Hélène, elle te manquait tellement. Désdémone a toujours été là lorsque tu avais besoin et en l’absence de ta sœur. Tu te préparais tranquillement dans ta cabine, parlant tranquillement avec celle-ci. Tu avais mis une petite robe couleur saumon, tes cheveux étaient noués en nattes autour de ta tête, et tu portais un fin bandeau plissé fushia dans ta chevelure. Sans oublier, le médaillon qui t'avait coutée la vie autour de ton petit cou. Tu embrassais ta sœur, et sortie de la cabine A38 pour rejoindre le jardin exotique.

Tu aimais bien cet endroit un jardin d’hiver, avec des plantes qui abondaient dans tous les coins. La verdure, tu aimais être entourée de plantes vertes. Tu t’assis à une table, Désdémone te rejoignit. Tu avais commandé au préalablement une orangeade que tu sirotais en sa compagnie, par ce bel après-midi ensoleillée point de thé mais une boisson fraiche et rafraichissante. Tu portais une robe légère, et des chaussures à talons ouvertes, on se serait crus en été même si, ici, le temps était très changeant. Vous discutiez de tout et de rien, longuement d’Appolline, la petite se plaignait souvent d’être trop seule. Elle allait se renfermer sur elle, s’inventer des amis imaginaires ou que sais-je encore, il fallait remédier à cela et vite. Tu avais raconté à ton amie, le repas que tu avais eut avec Appolline d’ailleurs, un repas très agréable où tu étais retombée en enfance. Toi aussi, tu aurais tant voulu avoir une enfant comme Appolline. Vous aviez parlé des revenants également, et ce phénomène inexplicable même si tu n’allais pas te plaindre, tu avais retrouvé ta bien aimée sœur ainée. Puis, des hommes, toi tu avais parlé de James Spencer, l’homme qui faisait battre ton cœur depuis maintenant plus d’un an. Votre relation commençait tout juste à se concrétisait, tu racontais tous les détails croustillants à Désdémone.

Vous étiez assez bruyantes, rigolant sans retenus à vos commérages et cancans, potins en tous genres. Vous n’étiez pas seules dans le jardin exotique pourtant, mais une journée entre filles était comme cela. Journée sans retenu. Tout se passait bien entre vous, et vous vous entendiez à merveilles. Rarement en désaccord l’une envers l’autre, tout était limpide, tout était évident. C’était agréable d’éviter les prises de têtes. Vous respiriez la bonne entente et la bonne humeur. Une bonne ambiance régnait à votre table. Cette journée était splendide, et rien ne pouvait venir salir cet idyllique tableau. Ici, sur le Titanic tu avais bien appris une chose l’imprévisible est le roi. Tout pouvait arriver, et cet après-midi, à ton grand désarroi, ne serait pas seulement un après-midi entre copines. Quel dommage…

« Comment être une femme bien élevée. »
(La Comtesse, Elisabeth E. Cavendish & Desdémone P. Miller)

Une fleur dans les cheveux, un sourire aux lèvres, des pensées vagabondes et joyeuses, un temps superbe... Une belle après-midi s'annonçait pour la jeune dame, ce jour-là. Elle devait se rendre au jardin exotique pour y retrouver une amie qui lui était chère, et même certainement celle à qui elle tenait le plus sur ce bateau de rêve : Elisabeth. Les deux femmes, issues du même milieu social, partageant divers centres d'intérêt, et ayant eu un passé similaire à quelques moments, ne purent que s'entendre au mieux lors de leur première rencontre. Dès cet instant, une amitié était née entre elles deux, et elles n'avaient eu de cesse de se voir et de discuter de tous les sujets possibles et imaginables, allant du plus futile au plus sérieux.

Pour cette petite sortie entre amies, Desdémone n'avait pas usé des grandes robes et des parures étincelantes. En effet, cette après-midi là, elle portait un tailleur en coton beige, pourvu d'une ceinture noire pour souligner sa taille fine, et de petites chaussures assorties au bandeau agrémentant sa robe. Elle avait, en entrant dans le jardin, ramassé une fleur tombée d'un arbre. Elle avait encore d'éclatantes couleurs, et un agréable parfum. Souriant, la femme l'avait placée dans ses longs cheveux blonds relevés en un chignon peu travaillé.

Le jardin exposait des plantes luxuriantes. La verdure recouvrait la quasi totalité des sols et des murs, jointe parfois de touches de couleurs : bleu, rouge, orangé, rose...
La jolie femme aperçut son amie assise à une table, un peu plus loin. Elle s'empressa de la rejoindre, la salua, et aussitôt qu'elle posa son séant sur la chaise, la conversation commença. Elisabeth buvait tranquillement son orangeade, tout sourire, tandis que son amie venait de commander un cocktail sans alcool. Elles parlèrent d'Apolline, l'enfant chérie de sa mère. Elle s'entendait très bien avec Elisabeth, qu'elle considérait comme son modèle. Ainsi, elle s'était confiée à elle : la petite se sentait excessivement seule sur ce navire, et la confidente de Desdémone lui fit comprendre qu'il fallait agir vite, avant qu'elle ne devînt une fillette trop réservée et taciturne. Effectivement, la jeune mère ne pouvait pas consacrer tout son temps à Apolline... De surcroît, elle rencontrait sur ce navire bien d'autres soucis... Cependant, elle préféra ne pas en faire part de suite à son amie.
Puisque les deux dames discutaient de famille, le sujet dériva sur la sœur qu'avait retrouvée Elisabeth. Desdémone était particulièrement heureuse pour son amie, même si le fait que les anciens passagers du Titanic revenaient sur le paquebot était un évènement plutôt inquiétant. De ce monde si terre à terre qu'elle avait toujours connu, on basculait dans le surnaturel. Pourtant, elle qui s'était toujours plainte de ne tomber que sur des gens trop peu fantaisistes et d'évoluer dans un monde grave, se voyait appréhender cette arrivée inattendue. Bien heureusement, Karl était mort avant même que le Titanic ne fut construit. La discussion évolua ainsi vers les hommes. Ah, les hommes ! Ils leur faisaient tourner la tête, les rendaient parfois horriblement jalouses, avaient le pouvoir de briser leur cœur d'un seul geste, d'une seule parole, et néanmoins, il semblait qu'elles ne pouvaient s'en passer. Elisabeth, cependant, paraissait avoir trouver l'élu de son cœur. Il s'agissait de James Spencer, un homme de première classe qu'elle avait déjà croisé ici ou là, de temps en temps. Ils se couraient après depuis plus d'un an, et désormais leur relation se révélait suivre un chemin plus certain. Desdémone souriait devant l'air enjoué et guilleret d'Elisabeth, parlant peu, puisqu'elle n'avait aucune envie d'assombrir la journée en introduisant ses retrouvailles avec James Parker dans la conversation. Certes, elle se sentait coupable de cacher tant de choses à sa meilleure amie... mais, en ce jour ensoleillé, tout devait être parfait, tous les problèmes devaient être éloignés, et les belles aventures mises en avant !

Nous étions là, parlant de tout et de rien, de nos préoccupations, de ce que l’on avait sur le cœur, une note de joie, une senteur de gaieté régnait aussi. Désdémone était pour moi, un souffle d’air frais, une bouffée d’oxygène – nous pouvions nous parler, nous confier, on ne se jugeait pas l’une de l’autre. Les autres pouvaient nous juger, deux premières classes qui cancanent, qui se font remarquer, se donnent en spectacle. On pouvait nous trouver une superficielle, moi en la personne de Désdémone j’avais trouvé une amie, une meilleure amie même. Une blonde. Une brune. Une peinture dans le jardin d’hiver avec une touche de douceur, c’était sans compter la vieille mégère qui venait ternir voir gâcher ce fabuleux tableau.

« Pourriez-vous cesser de rire et de parler comme des dindes mesdemoiselles, c'est vraiment indigne de deux jeunes femmes comme vous! »

J’étais très respectueuse des personnes âgées, habituellement. La Comtesse, c’était quelque chose d’assez phénoménale. La première fois que j’avais rencontré la Comtesse, c’était lors de la tempête lorsque nous étions tous enfermés dans la même pièce. Si mes souvenirs sont exacts, elle m’avait traitée d’épouvantails si bien que, je ne la portais guère dans mon cœur.

« Je la connais. » dis-je doucement à Désdémone, en m’approchant de celle-ci. « Une langue de vipère qui n’a pas sa langue dans sa poche, et qui ne supporte rien. »

Je me retenais que rétorquer. Si la Comtesse n’était pas satisfaite, et que nos commérages la dérangent, rien ne l’empêchait d’aller plus loin. Nous étions là, avant, après-tout. En pleine journée. Rien ne nous empêcher de parler, et de nous faire remarquer. Je lui lançais un regard noir, tout me détournant d’elle afin de poser mon attention sur Désdémone. Ce fut plus fort que moi, lorsque je me remémorais ses mots à l’oreille, elle avait osé dire de nous que nous étions des dindes…

« Et vous, veuillez garder vos remarques pour vous, Madame. C’est très mal élevé de comparer quelqu’un à une dinde. » Imperturbable. Je plongeais mes prunelles dans les yeux Désdemone, en lui demandant : « Et toi alors, comment vas-tu ? »

Je ne laisserais pas la Comtesse gâchait cet après-midi en compagnie de Désdemone, nous avions besoin de parler et non, nous occuper d’une langue de vipère qui n’a pas sa langue dans sa poche, et qui ne jure que par piquer les gens, et leur fait du mal volontairement. J’avais beaucoup de mal à supporter ce personnage, on ne peut plus irritable qu’était la Comtesse depuis l’épisode de la Tempête. Comment gardait son calme lorsqu’on vous agresse tout en finesse pour le plaisir de montrer sa manière de penser ? C’était insupportable. Toute ma vie l’on m’avait dictée comment je devais me tenir, ce que je devais faire, ce que je devais dire. Je m’étais jurée, en me retrouvant seule, il y a un an sur le Titanic que plus personne ne me donnerait d’ordres. J’étais indépendante désormais, et cette Comtesse n’avait rien à dire. Je me retins de lui rabattre son caquet une bonne fois pour toutes. Je n’osais pas trop tout de même l’attaquer à mon tour. J’aurais pu m’excuser mais, elle nous avait traité de dinde, elle ne s’était pas regardée visiblement. C’était le genre de personnes à donner des leçons à tout le monde, hors le temps avait changé, et il était temps que la Comtesse se mette à jour.

« Comment être une femme bien élevée. »
(La Comtesse, Elisabeth E. Cavendish & Desdémone P. Miller)

La conversation suivait son cours, comme s'écoule gaiement un ruisseau de sa source, sans rencontrer ni heurts ni barrages. C'était aussi cela que Desdémone appréciait chez Elisabeth. Elle avait toujours une conversation intéressante, souvent un avis précieux à apporter, un conseil généreux à donner. Leur tranquillité fut pourtant interrompue par une voix aigre qui s'éleva d'un banc non loin d'elles.

« Pourriez-vous cesser de rire et de parler comme des dindes mesdemoiselles, c'est vraiment indigne de deux jeunes femmes comme vous ! »

Ah, parce qu'elles parlaient comme des dindes à présent ?
La jolie blonde tourna la tête vers la source de la voix. Une femme d'un certain âge était assise sur un banc entouré par les feuillages, et les fixait d'un air réprobateur, teinté de mépris et de répugnance. Sa figure lui était inconnue, aussi, elle préféra l'ignorer, quoi que l'envie de la remettre à sa place en mettant en valeur son éducation, son nom et son mariage ne lui manquait pas. Mais pourquoi gâcher cette belle journée ? Si leurs bavardages importunaient cette dame, elle n'avait qu'à s'éloigner. Les bancs, chaises et tables ne manquaient pas en ce lieu plutôt spacieux.
Un léger froncement de sourcils trahi pourtant son agacement. Son amie se pencha vers elle et lui souffla :

« Je la connais. Une langue de vipère qui n’a pas sa langue dans sa poche, et qui ne supporte rien. »

Desdémone hocha la tête, ne pouvant retenir une expression fugace d'ironie et un sourire fugitif. En effet, la vieille femme avait l'air de s'emporter assez promptement et pour bien peu.

« Je vois ça. Mais si Madame est dérangée par notre discussion, elle peut s'en aller, ce n'est pas comme s'il n'y avait qu'un banc dans tout le jardin. »

La jeune femme, elle non plus, n'avait jamais été du genre à se taire et à se laisser faire. Elle avait de la répartie, était douée d'un certain franc-parler, et son caractère impulsif la poussait souvent à répondre, parfois de manière acerbe ou sarcastique. Elle entoura son verre de ses doigts fins, comme si elle souhaitait contenir un excès d'irritation.
Elisabeth sembla vouloir en faire de même, mais un élan d'énervement la fit se redresser, et elle clama haut et fort :

« Et vous, veuillez garder vos remarques pour vous, Madame. C’est très mal élevé de comparer quelqu’un à une dinde. »

Ces quelques paroles sous lesquelles grondaient les flots tumultueux de la colère arrachèrent un sourire à la femme blonde. Son amie ne changerait jamais ; et c'était bien mieux ainsi.
Reprenant un ton serein et plus enjoué, elle reprit la discussion là où elles l'avaient laissée avant cette fâcheuse interruption.

« Et toi alors, comment vas-tu ? »

Desdémone se redressa dans sa chaise, relâcha l'emprise qu'elle exerçait sur son verre en levant les mains et esquissa un petit sourire.

« Oh, eh bien, je ne peux pas dire que je vais mal. » Son sourire s'étira. « Non, en réalité je vais très bien. Peu de choses se sont passées depuis notre dernière entrevue. Mise à part le fait que... »

Desdémone s'interrompit. Elle avait réellement envie de raconter à Elisabeth ses retrouvailles avec James, et elle désirait que son amie lui prodiguât quelques conseils avisés. Cependant, l’œil de rapace de la Comtesse la mettait mal à l'aise ; elle se sentait observée et écoutée - d'une oreille bien trop attentive. Ainsi, cela la dissuadait de continuer.
Elle secoua la tête et enchaîna :

« Apolline, comme tu le sais, continue de faire des progrès phénoménaux en études comme en musique. »

La jeune mère aurait tant aimé voir la femme que son enfant aurait dû devenir... La vie était injuste, mais la mort l'était encore plus.

Spoiler:

Une amie.
Une confidente.
Une complice.

Les personnes ne supportaient de moins en moins les autres. Les gens râlaient, se plaignaient, tout les énervaient. Nous étions perpétuellement en conflit, et jamais ô grand jamais nous ne trouverions le repos. Du moins, c’était mal partie. Désdémone ignora, simplement, la Comtesse qui venait de nous faire une remarque. La Comtesse devait être une personne bien seule, qui s’ennuyait, et qui ne trouvait rien de mieux que de critiquait et faire des remarques à tout va. Quoi de mieux pour passer son temps, n’est-ce-pas ? Désdémone n’avait pas tord, il y avait d’autres bancs dans tout le jardin, mais à cela la Comtesse nous aurait certainement dit que c’était une vieille femme, et qu’il fallait préserver ses vieux os, de ce fait que c’était à nous de nous déranger et de nous éloigner. Je me rassis donc, comme si la Comtesse n’était qu’une illusion funeste, et reprit le cours de la conversation. Je restais en haleine pendant un court moment lorsque Désdémone lança « Mise à part le fait que… » J’attendais une révélation, quelque chose de croustillant, quelque chose qui pourrait assouvir mon amour des potins pour plusieurs jours. Rien. Elle parla d’Apolline, comme quoi elle faisait des efforts. En effet, cette petite était surprenante.

« Tu as trouvé un professeur pour Apolline ? Je sais que parmi les troisièmes classes de nombreux talents se cachent. Sinon, Victoria Lockwood me semble-t-il fait du piano, notamment. »

Je m’arrêtais net, alors que je réfléchissais à d’autres noms qui pouvaient me venir en tête d’éventuels musiciens qui pourraient faire office de professeur pour la jeune Apolline. La Comtesse, telle une jeune fille de vingt ans se leva de son siège et s’approcha de nous. Je fis un mouvement de tête pour en avertir, immédiatement Désdémone. Cela se voyait dans son regard, dans sa gestuelle – elle était exaspérée par notre comportement. Comportement normal pour de jeunes aristocrates comme nous, mais pas au gout de certaines personnes visiblement. La décadence était en marche alors, et l’émancipation des femmes aussi. La Comtesse était restée dans les vieilles mœurs. Elle nous regarda de haut, un regard haineux – nous la dérangions à ce point là ?

« Vous ne savez rien de nos vies, Madame la Comtesse. »

lançais-je à la Comtesse alors qu’elle quittait la pièce, après nous avoir sermonné. J’étais indignée par un pareil comportement, comment osait-elle ? Nous n’étions pas en train de nous dévergonder sur les tables, ou que sais-je encore… J’étais une jeune fille de bonne famille, et si nous n’étions pas ici j’aurais eus un bon mari, et des enfants, une maison et des domestiques. Ses paroles étaient erronées, à bord du Titanic, il n’était plus question d’avoir un époux. J’étais indépendante, désormais. Je n’étais plus sous la coupe de mes parents. J’étais libre, et personne ne me dicterait ma conduite, pas même une vieille Comtesse aigrie qui ne supporte pas le bruit des autres passagers. Qu’elle reste enfermer dans sa cabine, alors, si elle veut du calme et de la sérénité – en venant dans les pièces communes il est clair que la tranquillité ne s’y trouve pas.

« Quelle comportement.. Je n’en reviens pas ! »

« Comment être une femme bien élevée. »
(La Comtesse, Elisabeth E. Cavendish & Desdémone P. Miller)

Victoria Lockwood... Ce nom lui disait vaguement quelque chose ; sûrement avait-elle déjà eu des échos de l'expertise musicale de la jeune femme, ou de tout autre chose à son sujet, d'ailleurs. S'il était vrai qu'elle jouait du piano aussi bien que cela, Desdémone irait se renseigner auprès d'elle, en espérant qu'il était possible qu'elle fût d'accord pour enseigner cet art à Apolline. « Oh ? Dans ce cas, j'essaierai d'obtenir son aide. » fit-elle dans un sourire. Elle eut presque envie de couler un regard vers la Comtesse pour lui adresser un sourire mesquin. La musique... quel art ! Tout le monde ne pouvait pas se vanter de savoir manier les notes d'un instrument, n'est-ce pas ? Cela était souvent réservé à une minorité ; souvent et pas toujours, certes, mais l'on associait généralement la musique à un certain degré d'éducation. Pourtant, elle se retint. Elle ne souhaitait pas rentrer dans son jeu ; il y avait longtemps qu'elle avait cessé ces enfantillages. Au contraire de la Comtesse, visiblement, puisqu'elle ne put s'empêcher de leur lancer une énième pique avant de partir l'air courroucé.

Un bon mari... Elle en avait eu un. Pas dans tous les sens du terme, évidemment. Mais par « bon mari » elle devait entendre « bon parti qui vous traite de manière respectable », et non pas « homme qui comble tous vos désirs, toutes vos attentes et avec qui vous partagez un amour hors du commun scellé par les liens du mariage ». Alors oui, Karl Miller avait été un bon mari. Riche, intelligent, galant et élégant, à défaut d'être réellement intéressant. Desdémone aurait parié qu'il aurait été le genre d'homme que la Comtesse aurait tout à fait bien considéré. Quoi que... elle semblait être une femme fortement difficile à contenter. Enfin, il s'agissait là de son problème, et qu'elle crût ce qu'elle souhaitât, la jeune veuve s'en moquait éperdument. Elle savait qui elle était et ce qu'elle valait. Elle secoua la tête en souriant, tout en suivant des yeux la femme qui s'éloignait. « Tu sais, Elisabeth, je me disais quelque chose. L'avantage de notre condition présente, c'est que nous ne nous retrouverons jamais dans son état et n'importunerons jamais personne avec notre attitude déplaisante de vieilles femmes aigries... » lança-t-elle avec ironie.

« Cela dit, à propos de comportement... J'ai quelque chose à te dire... à te demander... enfin... » Tout embrouillée, elle faisait plein de gestes avec ses mains, comme si elle désirait pouvoir se faire comprendre de cette manière. « Tu te souviens de James ? Je t'en ai déjà parlé je crois... C'est un des hommes que j'ai fréquentés lorsque j'étais encore avec Karl, mais aussi après son décès. Un prostitué qu'une amie m'avait fait connaître... Eh bien, il... » Elle hésitait. Par où commencer ? C'est le père d'Apolline. Non, ce serait trop précipité. Pas maintenant... Mais quand alors ? C'était un aveu qu'elle devait faire, en vertu de leur amitié, mais aussi et surtout pour elle. Elle avait besoin des conseils et de l'aide d'Elisabeth pour adopter une conduite optimale et maximiser ses chances. Par conséquent, il fallait aussi qu'elle lui dît ce qu'elle souhaitait pour sa fille, qu'elle évoquât le problème que représentait cette Grace, la fiancée de James... Autant commencer par le plus simple. « Il est à bord du Titanic. Il a embarqué parmi les troisièmes classes. » En réalité, cela faisait longtemps que Desdémone le savait, puisque cela avait été le motif principal de sa venue à bord. Mais elle avait tu ce détail à sa confidente, préférant le garder pour elle encore un moment. Aujourd'hui, le temps était venu de lui faire part de la vérité trop longtemps masquée...