Que pensez-vous du Titanic?
Des merveilles, tu en avais vu beaucoup avec tes employeurs, eux vivaient dans l’opulence, dans leur magnifique château du bord de la Loire. Tu avais vu de beaux endroits, des objets magnifiques, des bijoux, de l’or. Toute cette richesse avait défilé sous tes yeux, te rendant fort peu impressionnable. La première fois que tu vis ce paquebot, celui que tous disaient être le plus grand du monde, tu ne clignas même pas des yeux, tu restas neutre. Pour toi, le Titanic était une immense masse, un géant des mers, une chose monstrueuse sur laquelle tu allais embarquer. Tu n’avais pas osé dire à tes employeurs que tu avais peur de l’eau, tu ne voulais absolument pas les quitter et encore moins la petite fille dont tu avais la garde. Tu avais pris sur toi, tu étais monté dedans. Tu n’avais pas esquissé un sourire en découvrant ta belle cabine, on se moqua même de toi face à ton manque d’émotions. Cependant, tu t’en fichais, après tout, personne ne pouvait te juger, tu n’obéissais qu’à deux personnes : au baron et à la baronne De Vaubernier.

Comment avez-vous réagis en voyant que vous étiez mort, mais toujours sur le Titanic?
Ta mort, tu t’en souviens toujours, elle apparait dans tes cauchemars, à chaque moment de ta vie. Toi qui a peur de l’eau, mourir noyer était la pire chose qui pouvait t’arriver. Tu ressens encore l’eau, entrer dans tes poumons, les mouvements que tu faisais pour te dégager de là. Tu avais eu peur de monter dans les canots, tu étais parti, ce fut ta plus grande erreur et tu en es morte. Quand tu t’es réveillé dans ta cabine, tu as cru à un mauvais rêve, mais ce n’était pas le cas, il manquait des passagers et seuls les morts étaient restés à bord du Titanic. Encore une fois, tu restas neutre, à l’extérieur, intérieurement, tu te posais des questions, tu pensais que cette situation était une punition. Cependant, au bout de quelques heures, tu acceptas, si le destin avait souhaité que tu restes à bord du Titanic, il y avait bien une raison pour.

Aimez-vous fréquenter les autres classes du bateau ou préférez-vous rester avec votre groupe? Pourquoi?
Tu n’aimes pas vraiment être seule. Autrefois, avant ta mort, tu étais toujours en compagnie de la petite fille que tu gardais, tu aimais cette enfant et tu t’étais aussi lié d’amitié avec les autres domestiques du château. Tu appréciais vraiment tous ces gens et tu es triste de ne plus les revoir, surtout la jeune Emilie. Pendant la traversée du Titanic, tu étais avec tes employeurs, leurs filles, mais aussi avec les autres domestiques du paquebot, puisqu’une pièce avait été faite spécialement pour vous. Tu aimais passer du temps dans cet endroit, parlé aux autres personnes et même si tu étais très réservé, tu adorais leurs conversations. Aujourd’hui, dix mois après le naufrage, tu restes avec tout le monde, le personnel du paquebot ainsi que toutes les autres classes. Tu te sais apprécier et tu sais que ta douceur et ta gentillesse est accueillie avec joie par tous. Tu ne fais aucunes différences en ce qui concerne les classes sociales, tu aideras volontiers un troisième classe, s’il a besoin de toi. Par contre, tu aimerais que le baron soit de nouveau comme avant, tu ne supportes plus son ivrognerie.

Si tu avez la possibilité de quitter cet endroit pour réellement mourir, le feriez-vous? Pourquoi?
Tu ne souhaites pas penser à la mort, après tout tu es déjà morte, mais seulement dans un autre monde. Ici, même s’il y a l’eau, tu te sens en paix et tu ne regrettes rien, le destin a fait son choix pour toi, tu préfères suivre ta voie. Enfin presque, tu restes toujours très dévoué à ton ancien employeur et tu ne voudrais pour rien au monde, le laisser seul sur ce bateau. Tu ne penses pas accepter la mort, si on te donnait la possibilité, tu es peut-être égoïste, mais tu redoutes tout de même, ce qui pourrait bien y avoir de l’autre côté. Pour toi, le Titanic vaut n’importe quel endroit et comme tu te retrouves ici avec des personnes que tu connais, tu préfères bien être ici.

Prologue: Une destinée de souffrance.
Aussi loin que tu te souviennes, tu ne connais pas ton histoire, tu ne sais rien de ta vie, sauf les quelques images que ton esprit t’indique. Tu es comme une orpheline, tu n’as ni père, ni mère, ni frères et sœurs. Ta mémoire n’est que néant, un trou de souffrance et de malheur. Tu es telle une poupée de porcelaine, froide, jolie, sans saveur. Tu n’es qu’une image, celle que tu tentes de construire et de montrer aux autres. Pauvre petite poupée, penses-tu pouvoir connaître le bonheur ? Seul ton destin connait ta misérable existence et lui seul peut t’aider à découvrir ton sombre passé. Un passé de mystère que tu as bien fait d’oublier.

Chapitre I: Comme dans une boîte noire.
Tu étais comme dans une boîte noire, une pièce sombre, sans fenêtre, tu avais peur, très peur. Tu ne comprenais pas ta situation, tu ne savais pas pourquoi tu étais toute seule dans cet endroit effrayant, tu entendais des cris, des pleurs, tu avais peur. Tu n’étais qu’une enfant, une pauvre petite fille sans défense, dans cette pièce sombre. Ta mémoire ne t’offrait que le souvenir de cet endroit. De ta vie avant, tu n’en avais aucun, pas une seule bride de mémoire, pas un visage, ni une parole. Cette boîte noire, tu ne sais plus à quoi elle correspond, tu ne pouvais t’en rappeler, où tu ne le voulais pas. Pour retrouver tes souvenirs, tu avais tenté une visite chez un psychanalyste, mais rien n’en était ressortie, on te disait que tu ne voulais pas te rappeler, que tu avais eu un passé bien trop difficile.
Même si c’était bien trop difficile, tu aimerais comprendre, savoir pourquoi tu avais été dans cette boîte noire et aussi pourquoi elle revenait dans tes cauchemars. Tu la voyais toutes les nuits, elle te hantait. Tu te voyais enfant, seule. La porte s’ouvrait, un homme approchait, tu ne comprenais pas, tu avais mal. C’était flou, bien trop flou, que faisait cet homme ? Pourquoi tu avais mal ? Pourquoi tes membres se retrouvaient endoloris ? Pourquoi n’avais-tu plus de voix ? Trop de questions et pas une seule réponse. Tu souffrais. Tu voyais des bleus sur tes bras, ton visage. Qui avait bien pu te frapper ? Tu avais peur, tu pleurais. Seule, dans cette boîte noire.
Comme bien souvent, après ce terrible cauchemar, tu te réveillais. Tu ne hurlais plus, tu avais l’habitude. Tu te sentais vide d’émotion, les larmes étaient les seules à couler, mais tu ne savais pas pourquoi. Tu étais comme une poupée, vide, sans âme, sans passé.
Comme bien souvent, après que tu te sois réveillé, tu buvais un verre d’eau, tu te levais pour regarder par la fenêtre : Paris était si belle. Tu voyais au loin la Tour Eiffel, tu aimerais pouvoir monter tout en haut et apprendre à voler. Tu voulais être un petit oiseau et t’envoler au loin. Tu admirais toujours pendant quelques minutes le tout Paris, la vie était si calme la nuit, surtout dans les quartiers riches. Après ta contemplation, tu retournais dans ton lit et tu dormais, le cauchemar n’était plus là.

Chapitre II: Le commencement de ta vie.
Ton souvenir le plus récent, c’est cette pluie atroce sous laquelle tu te trouvais. Pourquoi étais-tu là ? Tu ne t’en souvenais pas, mais ce fut à partir de ce moment-là que ta véritable vie commença. Tu avais horriblement froid et tu étais vêtue d’une pauvre petite robe, la pluie avait quant à elle ravageait le chapeau que tu portais. Dans tes mains se trouvaient une petite valise, tes affaires sûrement, tu ne savais pas, tu ne comprenais rien. Tu ne perdis pourtant pas ton sang-froid. Tu te sentais bien sous cette pluie, même si tu n’aimais pas, au fond de toi, tu sentais comme un air de liberté. Tu marchas longuement, tu ne savais pas vraiment où aller. Tu profitais de la ville, de regarder Paris, tu te sentais libre. Tu marchais gaiement, tu te sentais pousser des ailes, tu aimais ce sentiment, tu ne l’avais jamais ressenti avant. Tu finis après de nombreuses heures par t’arrêter devant un petit hôtel, il était miteux, mais tu n’avais pas beaucoup d’argent. Il suffirait bien pour une nuit.
Le lendemain tu quittais l’hôtel, il te fallait un travail, mais tu ne savais pas quoi, tu te sentais perdu, tu ne connaissais pas Paris et tu ne voulais encore moins devenir fille de joie. Il fallait que tu te dépêches. Cette nuit, dans ta valise, tu avais découvert un peu d’argent, mais aussi ton identité. Esther Mélodie Delmas, tu avais 21ans et tu étais né un premier janvier de l’année 1891. Tu ne savais pas cela, mais tu le découvrais, au moins tu pouvais donner ton vrai nom. Tu cherchas longuement ta voie, mais tu finis par la trouver. Tu serais gouvernante. Tu entras dans une maison assez connu de la capitale et tu passas divers entretient, cela dura plusieurs semaines. On te forma, on te testa. Quelques mois plus tard, on te trouvait une famille, les De Vaubernier, des barons de la ville. Tu les rencontras par une après-midi de printemps, on t’invita à entrer dans le salon. La baronne t’accueillit, elle paraissait sévère, mais tu ne fus pas troubler, tu gardas un visage neutre et tu souriais toujours au bon moment. Il sembla que tu fasses l’affaire et tu fus accepter. Tu aurais à l’avenir la charge de la petite Emilie, une enfant de cinq ans. Tu découvris ta chambre, elle se trouvait au deuxième étage du manoir, elle était petit, mais confortable, cela te suffisait pleinement. Au soir, tu rencontras le maître des lieux, le baron de Vaubernier. C’était un homme froid, mais il aimait par-dessus tout, sa petite fille et rien que pour cela tu apprécias cet homme. Tu remarquas bien vite que le couple n’était pas des plus uni, mais il se respectait pour le bien de leur fille. Tu passeras quatre ans en compagnie de cette famille, tu fis tes marques et tu ne fis aucunes fautes. Tu étais la gouvernante parfaite aux yeux du baron et de la baronne. Pourtant tout changea lors de la nuit du 14 au 15 avril 1912.

Chapitre III: A bord du cauchemar.
Tes patrons voulaient voyager pour montrer le monde à leur fille, mais surtout, ils avaient investi dans l’immobilier à New-York et ils souhaitaient découvrir leurs acquisitions. La famille devait donc faire le voyage vers l’Amérique. Tu ne voulais pas, tu avais peur de l’eau, mais tu capitulas face aux regards suppliants de la petite Emilie, tu ne voulais surtout pas lui faire de la peine. Vous deviez embarquer à bord du Mauritania le 12 janvier 1912, mais le voyage fut remis à plus tard, Madame venait de tomber malade et on craignait pour sa vie. La baronne s’en remit, et une nouvelle date fut fixé, vous alliez donc prendre le Titanic le 11 avril à Cherbourg. Le baron tenait absolument à prendre ce tout nouveau navire qui semblait être le plus luxueux. De ton côté, tu ne moquais du luxe, tu le savais, tu passerais la traversée à avoir peur. Tu ne comprenais pas ta peur de l’eau. Ton cœur commençait toujours par s’emballer, tu avais des sueurs froides et tu entendais des hurlements dans ton esprit. Tu préférais t’en éloigner, mais à bord du Titanic, tu n’aurais pas le choix. Vous vous rendiez le 9 avril à Cherbourg, vous y passeriez deux nuits avant de pouvoir embarquer à bord du paquebot. Pendant ce laps de temps tu découvris la ville avec la baronne et Emilie. Tu le savais, tu faisais presque partie de la famille, pour la baronne tu étais indispensable, tu étais sa confidente, la gouvernante de sa fille, mais aussi une présence. Parfois tu faisais la lecture à la mère et à la fille. Tu aimais ces moments, tu avais l’impression d’avoir toi-même une famille.
Le 11 avril, vous arrivez tous de bonne heure pour embarquer, mais le Titanic semblait être en retard. Vous attendiez alors un moment dans un transbordeur qui allait vous acheminer par la mer au Titanic. Tu aurais dû passer le voyage parmi les secondes et troisièmes classes, mais les de Vaubernier réclamèrent ta présence avec eux pour la petite. Tu t’occupas de cette dernière, restant à ta place face à toutes ces riches personnes. Vers 18h, le Titanic arriva, il est vrai qu’il était immense. Tu embarquas à bord, la peur au ventre, tu avais un mauvais pressentiment. Tu accompagnas Emilie à sa cabine et tu t’occupas de ses bagages. Tu rejoignis bien plus tard ta cabine de seconde classe. Seule tu pensas à ce bateau, il t’effrayait vraiment.
La suite du voyage se déroula normalement, tu passas ton temps auprès de la petite pour l’occuper pendant ces longues journées. Tout changea durant la nuit de dimanche à lundi. Le Titanic finit par toucher un iceberg et tous les passagers étaient en perdition. Tu préparas la petite et monta sur le pont des embarcations. Les de Vaubernier étaient prêts à prendre un canot de sauvetage, mais étant un homme le baron ne put monter. Arriva ton tour, mais tu refusas, on te força, tu te mis à hurler, griffer et gifler le steward, si bien qu’on te lâcha. Tu t’enfermas dans ta cabine et tu attendis. Les minutes s’écoulèrent, tu les laissais défiler en chantant une comptine que tu avais toujours en tête. Tu avais peur. L’eau finit par arriver. Tu ne pus l’éviter. Tu mourus cette nuit, comme beaucoup de personnes et comme Monsieur le baron.