La neige s'était abattue sur le Titanic recouvrant le parquet ainsi que l'île mystérieuse d'un épais manteau blanc. Une liesse étrange s'était emparé des passagers, c'était l'hiver, c'était la période de Noël et pourtant, l'atmosphère était morose. Peut être parce que les gens de ce bateau s'apercevait finalement que l'île n'avait rien d'un Paradis, que la libération tant attendue ne viendrait jamais. Ils étaient condamnés à y rester, à croiser toujours ces mêmes personnes. Quelque part, tout perdait son sens, et la joie finissait par s'estomper. Pour Jack Cooper, le bonheur avait été de courte durée. Lui qui avait été si heureux de découvrir l'île  la regardait désormais avec une immense tristesse dans ses yeux. Il était maudit et devait croiser à tout jamais ces gens qui, un jour, avaient pu le blesser. Petit à petit, l'amertume s'était mêlée à cette colère grondant en lui. Il n'avait jamais cessé d'avoir en tête ce qui s'était produit dans cette cabine des troisièmes classes, dans celle d'Heloise, de ces paroles qu'il avait pu dire et ce qu'elle avait pu lui répondre. Encore une fois, il était pris pour un idiot et cela, il ne le supportait plus. Son erreur avait été peut être d'aimer une personne dont le monde était tout à fait différent du sien. Elle était une comtesse quand il n'avait pas un sou en poche. Il ne l'avait jamais su auparavant. Malgré tout, il avait toujours voulu faire d'elle une reine, celle qui illuminerait sa vie pour le restant de ses jours. À l'époque, il l'avait terriblement aimé alors que désormais il la haïssait. Elle éclairait sa vie désormais mais pas dans le bon sens: Jack souffrait comme jamais il n'avait souffert. Et pourtant, il essayait de faire bonne figure. Lorsque l'on pouvait croiser le troisième classe, quiconque pensait que tout allait bien. A la différence près, que désormais, il ne voulait plus entendre parler d'Heloise de Neuveille.

Ses journées, il les passait surtout avec sa sœur. Lydia semblait s'accommoder de la nouvelle situation. Enfin, en réalité, elle était la plus heureuse du monde. Toutefois, Jack ne pouvait qu'approuver sa manière d'agir: depuis le début, elle l'avait toujours prévenu. Depuis toujours, Lydia lui avait toujours dis qu' Héloise n'était pas sincère. Au final, elle ne s'était pas trompée. Et désormais, il en payait le prix fort: elle lui avait brisé le cœur, ses sentiments étaient en miette. A cela, s'ajoutait ce sentiment de culpabilité: celui d'avoir fait mourir son enfant. Et ça, c'était pire que tout, pire que de n'avoir pu sauver Heloise d'une mort atroce. C'était la chair de sa chair. Jamais, il ne verrait le visage de son fils ou de sa fille. Jamais, il ne l'entendrait émettre des gazouillis, sourire, puis un beau jour, se lever et marcher. Non, jamais cet enfant, ce cadeau du ciel, ne verrait le jour. Et c'était là un sentiment incroyablement dur à conserver au fin fond de soi. Heureusement, qu'il y avait Lydia. Sa sœur chérie, non il n'était pas seul. Quelqu'un était là pour veiller sur lui et s'inquiéter de son état. Se dire qu'il serait aimé avec tant de force: cet amour l'avait rendu euphorique et désormais, il était la cause principale d'une souffrance sans limite. Tout était de sa faute. Tout venait de lui et de ses dettes. Cela partait d'un bon sentiment pourtant et plus que jamais, il avait cette impression d'avoir assassiner Heloise et Lydia.

Non... Ils les avaient tuées, ce n'était plus une impression mais une réalité.

Et cette réalité lui faisait mal, le faisait hurler, le faisait pleurer et rendre cet homme incroyablement faible. Il devait s'en sortir et aller de l'avant mais comment? Comment pouvait-on s'en sortir quand l'amour de sa vie s'en était allé dans les bras d'un autre. La situation redevenait ce qu'elle était auparavant. Il y a un an et demi, c'était si loin et à la fois si prêt.
" Tu ne m'écoutes pas frangin. " La voix de Lydia le ramena à la réalité. Il était assis sur un des transats de la promenade des troisièmes classes. Elle le regardait, inquiète, soucieuse de savoir ce qui se tramait dans sa tête. " Désolée sœurette, j'avais la tête ailleurs. " la rassura t-il lui faisant un sourire rassurant. Il prit la main de sa sœur et la serra. La chaleur se transmettant lui faisait du bien. Parfois, il suffisait de gestes et non de mots pour pouvoir rassurer. Le frère et la sœur restèrent ainsi durant un moment jusqu'à ce que Lydia voulut rentrer dans sa cabine. Le froid s'accentuait au fur et à mesure que le ciel s'assombrissait. La journée touchait à sa fin. " Pars devant, je te rejoindrais. " ajouta t-il lui faisant un sourire sincère. Déposant un baiser sur sa joue, sa sœur partit à l'intérieur tandis que Jack resta assis sur ce transat, regardant le soleil se coucher petit à petit. Désormais qu'il était seul, les masques pouvaient tomber et seule la tristesse se lisait dans son regard. Il était plus facile d'aimer que d'oublier et il avait tellement mal. La douleur lui brisait sa poitrine et il se sentait presque mourir à petit feu. Il n'attendait qu'une chose: que la mort puisse l'emporter définitivement afin que toute cette souffrance cesse.

Le cœur était peut être cette partie de l'homme dont les émotions ressenties étaient à la fois les plus belles et les plus douloureuses. Le cœur enhardissait l'amour, s'insufflant dans l'être entier tout comme il pouvait véhiculer une haine profonde et tenace. De l'amour qu'il transmettait, il devenait un symbole, une histoire mais également une des plus grandes blessures. Perdre un être cher de par la mort ou par le rejet de l'être aimé provoquait alors une souffrance sans nom. Chez les hommes comme chez les femmes, le mal qui le rongeait ne se guérissait pas de la même manière. Et pour Jack, c'était pour le moment inguérissable: il n'y avait pas de solutions possibles mis à part, trouver une autre demoiselle capable de lui faire oublier cette histoire. Mais tout avait été si fort avec Heloise qu'il aurait fallu une histoire similaire. Ne serait-ce que la rencontre. Il y avait eu un tel coup de foudre le premier soir ou leurs regards s'étaient croisés : il s'en souvenait comme si c'était hier. Elle dansait et lui jouait aux cartes avec des amis. Leurs yeux bleus s'étaient accrochés pour ne plus se quitter. Tout autour d'eux, le monde s'était figé et il n'y avait plus que l'un et l'autre se dévorant des prunelles, sentant le cœur s'affoler, découvrant l'amour dans le reflet de l'autre. Une telle sincérité dans cet instant là restait difficile à trouver aussi le Troisième Classe nourrissait peu d'espoir quand à la possibilité de remonter la pente. Il ne savait même pas par ou commencer. Peut-être aurait-il du s'exiler vers l'île mais ce petit bout de terre ne lui inspirait pas confiance. Alors tel un condamné trainant sa boule de fer, il restait là et subissait cette souffrance qui lui entaillait le cœur si profondément. Il préférait rester loin des autres, aimant presque trop la solitude. Et sur ce pont rempli de neige et de froid, Jack appréciait cet instant pour se réfugier dans des souvenirs, se rappelant ce qu'il avait été autrefois, combien il avait été heureux. Il voulait se rappeler pour mieux oublier: se dire que la personne chère à ses yeux était morte avec le Titanic en 1912. Elle avait fait apparaître une pâle copie de celle qu'il avait aimé dans le seul but de lui reprocher pour l'éternité ses méfaits. Pourquoi tout était si compliqué ? N'y aurait-il jamais de solution?
Peut être qu'il n'y en aurait pas tout simplement...
Des bruits de pas résonnèrent sur le pont faisant bouger imperceptiblement la tête de Jack vers le nouveau venu. Ce n'était que ce membre de l'équipage  dont il ne connaissait pas le prénom mais qu'il avait vu dans le fumoir et dans le manoir. Ce même homme qui l'avait littéralement agressé verbalement l'accusant de ne pas être l'ami d'Ambre, de ne pas connaître son histoire. A cela, Jack s'était entendu des reproches vis à vis d'Heloise dont il avait eu des rapports plus courtois durant ce laps de temps, bien trop court à ses yeux. Le jeune homme se souvenait de l'avoir rabroué et que même, son ami Elliott s'en était mêlé jugeant l'agressivité de Dimitri inutile.  Cet homme là s'était trompé sur toute la ligne. En temps normal, Jack se serait sans doute permis de le lui rappeler en affichant un sourire moqueur. Mais aujourd'hui, tout était différent. Il n'avait plus envie. Son être entier était tout aussi glacé que la température extérieure. Il ne voulait plus se mêler aux autres et encore moins avoir des ennemis. C'était bien trop dur à supporter.
Pourtant, cela ne sembla pas être le cas du nouveau venu qui, dans un premier temps, passa à côté de Jack sans même le calculer. Le joueur de poker remarqua qu'il tenait un violon: ainsi donc, il devait être musicien pour le paquebot. Mais bon, qu'importe, il s'en moquait éperdument. Puis, les pas qu'il entendait s'éloigner revinrent alors vers lui et Jack entendit cette voix qui encore une fois s'adressait à lui sur un ton des plus agacés. Après avoir sursauté car il ne s'y attendait pas, Jack releva la tête et regarda le nouveau venu se tenant devant lui. Ses paroles stupéfièrent le blondinet qui le regarda complètement incrédule. Sans dire mot, il écouta ses sornettes sortant de sa bouche. Mais que lui voulait-il? Sa dernière phrase fit ressurgir sa colère mais il se mordilla la lèvre inférieure préférant se faire mal plutôt que de réagir à ses paroles fort bien désagréables. Ne répondant toujours pas, il regarda le jeune homme repartir tandis qu'il n'avait toujours dit mot.
Parfois l'ignorance était la meilleure des réponses. Et c'était exactement ce qu'il faisait avec Heloise: il ne voulait plus lui. parler, elle ne faisait plus partie de sa vie, de son univers.
A contrecœur, il fut forcé d'admettre, cependant, que le violoniste avait raison. Rester dans son coin à se morfondre n'arrangerait la situation. Il devait se ressaisir et redevenir cet homme fort qu'il avait été jadis. Celui qui avait sorti Lydia de sa maison close, celui qui avait offert un foyer à Héloise en lui faisant redécouvrir le véritable sens du mot famille. A défaut de pouvoir chérir un rêve désormais mort, il allait montrer à la blonde qu'il ne fallait pas le prendre pour un imbécile. Il l'avait ignoré pendant un an. Désormais, elle allait morfler. Et ce violoniste aussi. Tous allaient s'en prendre plein la figure en dehors de ceux en qui il avait de l'affection. Désormais, c'était fini le temps des gentillesses. Place à l'impartialité et l'absence de pitié. A cette pensée, Jack se leva d'un bond de son transat et marcha en direction du violoniste assis sur le bastingage du bateau: ce dernier s'était mis à jouer de son instrument. Malgré sa rage apparente, la mélodie lui apporta un peu de réconfort faisant descendre sa colère. Imperceptiblement, sa cadence s'était adoucie bien qu'il continuait à aller vers sa direction. Jack aurait très bien pu le pousser pour qu'il bascule en arrière mais ça n'aurait pas arrangé la situation. Pire, cela lui aurait créé des ennuis.
Arrivé devant Dimitri, le jeune homme s'exclama froidement: " Vous avez un problème? " Lui demanda t-il tout en se postant devant lui. " Dans le fumoir, vous me regardez de travers, dans la manoir, vous me sautez littéralement dessus. Et maintenant là, vous venez vous mêler de ce qui vous regarde pas, vous jugez sans même savoir. "
S'avançant d'un pas, Jack le toisa avec la plus grand répugnance du monde tout en ajoutant d'une voix glaciale: " Qu'est ce que vous me voulez? "

Quand il avait quelque chose à dire, Jack ne se gênait jamais pour dévoiler le fond de sa pensée. Il était ainsi: sincère et authentique. Avec le blondinet, le faux semblant n'existait pas, on l'aimait ou on le détestait, il ne pouvait y avoir de "peut-être". Et de toute évidence, le violoniste ne l'aimait pas. Pourquoi? Le troisième classe avait bien quelques idées derrière la tête bien qu'il avait l'impression de se tromper. Aussi, gardait-il ses suppositions pour lui même. Toutefois, à en juger le comportement de ce musicien, il soupçonnait une profonde jalousie à son égard. C'est durant la soirée survenue au manoir qu'il en avait eu l'intime conviction. Et notamment ses paroles laissant clairement entendre l'envie d'avoir une femme dans sa vie. Peut être avait-il remarqué les rapports harmonieux avec la blonde fougueuse qu'était Héloise? C'était fort possible pourtant Jack n'était même pas resté avec elle durant cette fête catastrophique. Aussi avait-il du mal à trouver le fondement de cette envie d'être dans sa situation. Et puis, il y avait l'impression que le violoniste ne pouvait se le sentir tout simplement pas. C'était chimique, parfois, deux personnes ne pouvaient s'appréciaient pas sans que quiconque puisse y trouver une cause rationnelle. A moins qu'il ne s'agissait d'un ami de Peter. Ah ce vaurien! Jack rien qu'en songeant à son ennemi, imaginait alors les pires sévices et souffrances envers ce Lord de pacotille. Il était l'une des causes de l'éclatement de son couple. Si seulement, il n'avait pas existé.... Mais c'était désormais du passé. Héloise et lui c'était fini, leur histoire avait coulé avec le Titanic: il n'y avait plus de raison de croire et d'espérer. Aussi, Jack jugeait-il mal que ce musicien, si doué soit-il, s'immisçait encore une fois dans sa vie.
Le blondinet, énervé, lui avait demandé avec fougue ce qu'il lui voulait. Il nota également qu'il avait surpris cet inconnu qui manqua d'un peu de tomber par dessus bord. Intérieurement, Jack se surpris à se l'imaginer tombant dans l'eau. Espérons que l'eau sera empli de requin! songea t-il. Et cette pensée s'amplifia tandis que le violoniste lui répondit qu'il se croisait trop.

Cela eut le don d'agacer le joueur  de poker qui lui fit un sourire mauvais tout en lui répondant sur un ton agressif: " Dans ce cas là, quand vous me voyez, regardez ailleurs! "
Le violoniste avait, sans doute, du se sentir en danger. Car alerte et souple, il descendit du bastingage en poussant Jack légèrement. Certes la poussée n'était ni méchante, ni violente, mais elle rendit le blond furieux qui écouta à moitié ce qu'il ajouta y compris quand il se présenta et lui fit des excuses pour son impolitesse. Non, tout ce que voyait Jack c'est cette impression d'être encore une fois pris pour une imbécile. Aussi, alors que le violoniste s'était retournée, le blondinet, hors de lui, s'approcha à vive allure et lui saisit le col de sa chemise à deux mains. Le forçant à le regarder droit dans les yeux, Jack s'exclama sur un ton menaçant: " Touchez moi encore une fois! Et je vous jure que votre violon, je vous le ferais..." Et alors qu'il s'apprêtait à finaliser sa phrase en ajoutant le mot "manger", le joueur de poker se tut, son cerveau réfléchissant à ce que le violoniste lui avait dit. Son prénom: Dimitri...

" Dimitri... " Ou avait-il déjà entendu ce prénom... Les engrenages se remirent en place à une vitesse effrayant. Oui, il se souvenait maintenant. De la bouche d'une femme, oui. De Ambre...
Non ce n'était pas possible! Il ne s'était pas trompé, il y avait bien un Dimitri sur ce bateau. Hasardeuse coincidence ou non? Cela ne pouvait pas en être ainsi? Après tout, cet homme connaissait Ambre aussi. Jack l'avait remarqué quand il s'était fait "agresser" verbalement par le violoniste dans le manoir.
Immédiatement, il lâcha le col du musicien, continuant à le regarder, une mine curieuse s'affichant sur son visage. " Dimitri...? " L'interrogea t-il comme s'il espérait obtenir une confirmation, comme s'il n'était pas certain d'avoir bien compris. Il recula d'un pas afin de conserver une distance suffisamment respectueuse entre les deux hommes. " Vous êtes le Dimitri dont Ambre est amoureuse? Vous êtes cet homme cher à son coeur qu'elle croit mort, n'est ce pas? "
Il termina sa phrase par cette interrogation. Car il y avait une part d'ombre dans cette histoire. Après tout, cela faisait un an et demi qu'ils étaient ici et Jack avait déjà croisé le visage du musicien sans forcément savoir comme il se nommait. En outre, il n'était pas atteint de cécité comme son amie. Alors, pourquoi ne s'être jamais manifesté? Pourquoi l'avoir laissé aux mains d'Edward? Pourquoi ne pas l'avoir sauvé tout simplement? Tant de questions dont Jack voulait des réponses parce qu'Ambre était une personne chère à ses yeux. Elle méritait d'être heureuse quand d'autres ne méritaient que de profondes souffrances. Mais avant de se lancer dans un débat, il préférait être certain qu'il ne se trompait pas.

Jack avait lâché Dimitri dès lors que cet homme effronté s'était présenté et excusé pour son insolence d'il y a quelques instants. Il était vraiment bizarre... Il n'y avait pas d'autres adjectifs pour qualifier ce violoniste. Tantôt énervé, tantôt calme, il était encore plus impulsif que Jack et bien plus imprévisible que n'importe quelle autre personne que ceux rencontrés au cours de cette année.  Mais une chose était certaine, il avait bien le Dimitri dont Ambre lui avait parlé en face de lui. Il y avait des signes qui ne trompaient pas. A peine, Jack l'avait saisi au col puis lâché, son prénom était sorti de sa propre bouche et la surprise s'était lue sur le visage du musicien. Puis le blondinet avait évoqué la chanteuse aveugle abordant le vif du sujet. Jack se souvenait encore de leur entrevue dans la cabine de la jeune rousse. Elle avait tenté de lui mentir mais avait fini par dévoiler la vérité sur Edward, sur Dimitri qu'elle croyait mort: il avait été tué par son manager. Pourtant, cela s'était déroulé le soir du naufrage et il était mort comme beaucoup de passagers. Aussi c'était obligé qu'il soit ici à nouveau , Jack en avait eu l'intime conviction, cette intuition ne le quittait plus. Et il ne s'était pas trompé concernant cette supposition. Il vit le visage du jeune violoniste se modifier, la surprise se lisant dans ses yeux. Même son poing qu'il venait de se lever pour le frapper, s'était soudain rabattu.

La paix semblait se faire entre les deux hommes et elle portait le doux prénom d'Ambre.

Pourtant, la question de Jack plongea le musicien dans un véritable trouble. Le joueur de poker eut bien de mal à suivre le cours de ses interrogations. Se parlait -il à lui même ou bien lui répondait-il? Le blond était perdu mais essayait de prêter une oreille attentive. Jusqu'à temps que ce fut à son tour de lui répondre :

" Je n'ai pas tout saisi dans vos paroles.. " Jack prit une inspiration et jeta un regard flamboyant à l'encontre de Dimitri " Mais je sais qu'elle vous aime parce que c'est elle même , en personne, qui me l'a dit. Il n'y a pas de comtesse ou dieu ne sait quoi qui me l'a révélé. "

Jack lui fit un sourire empreint de compassion, la tristesse faisant ressortir le bleu de ses yeux : " Elle dit qu'elle vous détestait mais je ne peux le croire. Car elle vous croit mort, elle pense que vous êtes mort le soir du naufrage. J'ai beau lui dire que toute personne morte sur le bateau pouvait revenir, elle ne me croyait pas. Alors je lui avais dit que je chercherais pour elle "

Et je vous ai trouvé tout à fait par hasard! " ajouta t-il, son sourire s'élargissant. Puis, sa mine redevint sérieuse: l'affaire n'était pas finie. Il y avait encore tant de choses à faire pour la jeune chanteuse: " Elle se meurt à petit feu, Dimitri. Elle ne peut pas vivre sans vous. Et puis il y a ce fumier qui s'octroie le droit de diriger sa vie! " s'exclama t-il avec véhémence évoquait son manager, Edward, dont la haine à son égard était toujours aussi tenace.

Jack regardait Dimitri avec toute la sincérité dont il était capable. Il se sentait surtout heureux en ce moment même à l'idée d'avoir pu retrouver le jeune homme, à l'idée de pouvoir apporter un peu de lumière dans la vie de la jeune femme à la voix de velours. Quand il regardait le violoniste, il se rendait compte que la chanteuse et ce dernier étaient deux âmes sœurs pour rester ensemble. Ils se complétaient tout simplement. L'aveugle était parfaite pour le fougueux jeune homme. À ses côtes, il devait être plus apaisé, plus calme et Ambre devait trouver en lui cette force pouvant lui permettre d'avancer et de se battre contre la vie et ses instants difficiles. Il était peut être temps que ces deux personnes puissent être réunies et heureuses pour l'éternité: la chanteuse le méritait. Elle avait preuve de tant gentillesse et de compassion à son égard. Jack se souvenait encore de leur rencontre par le fruit du hasard, il venait de se disputer avec Lydia au sujet d’Héloïse (pour ne pas changer...) et cette douce voix mélodieuse avait su lui faire voir ce qu'il avait enfoui au fond de lui. Elle lui avait démontré qu'ignorer Héloise n'était pas la meilleure des solutions, bien au contraire, s'il l'aimait, il devait le lui dire et tout faire pour la récupérer. Ses paroles avaient été un déclencheur pour le jeune homme: il avait ouvert les yeux mais c'était trop tard: le temps avait fait son ravage et rouillé à jamais son histoire d'amour : elle était fini. Malgré cela, Jack n'en avait pas oublié pour autant sa promesse pour la chanteuse. Il ne l'avait même pas revu depuis la dispute avec la blonde incendiaire. Tel un enfant, il avait peur de lui apporter de la déception, de ne pas être à la hauteur des espérances de la jeune chanteuse.
Aussi, un soupçon de joie lui avait été donnée à l'idée qu'il ait pu retrouver l'homme qu'elle aimait. Homme qui sembla soupçonneux et demanda ce qu'il faisait avec Ambre. Fronçant les sourcils, Jack lui répondit

" C'est juste une amie qui se confit à moi parce qu'elle souffre et qu'elle en a gros sur le cœur! " Et puis parce qu'il avait l'impression que le jeune homme ne le croyait, Jack décida alors de prendre le taureau par les cornes. C'est de manière très directe qu'il lui déclara que la chanteuse l'aimait, qu'elle se mourrait sans lui. Il vit le violoniste accuser le coup et se mettre à rougir. Puis soudain, il lui tourna le dos préférant regarder l'horizon. Il semblait perdu et Jack ne pouvait que le comprendre. Le musicien lui posa une question au sujet de son manager auquel le blond lui répondit : " Oui, c'est cet homme là. Il s'appelle Edward et, pardonnez ma vulgarité, c'est un véritable salaud! " s'exclama t-il avec fureur en repensant à cette enflure qui prenait Ambre pour sa poupée.

Il regarda Dimitri se retourner et l'écouta attentivement.
Ainsi donc c'était pour cela qu'il ne s'était pas manifesté durant cette année: beaucoup de passagers avaient eu des amnésies partielles suite à leur réveil sur le bateau. Cela expliquait pourquoi Dimitri ne s'était pas manifesté. D'ailleurs, qu'est ce qui avait pu permettre de lui rappeler le souvenir d'Ambre? Jack était curieux de tout savoir mais d'abord, il préféra rassurer le jeune homme :
" Je pense surtout qu'elle vous croit mort et qu'elle refuse l'idée que vous puissiez être en vie. Pourquoi? Je ne saurais vous l'expliquer. " Disait-il en hochant la tête. "Tout ce que je sais c'est que vous êtes en vie et que vous seul, êtes en mesure de la sortir des griffes de cet homme. Il est temps pour elle de la ramener à la réalité et à la sortir de l'enfer dans lequel elle vit. Croyez moi, elle m'a dit qu'elle vous aimait et tout son être en cet instant respirait la vérité.
Les dernières paroles furent douloureuses pour Jack. La vérité. Oui, la triste et cruelle vérité. Cet homme là avait dans ses mains, l'amour, sentiment aussi incroyable que destructeur, aussi éternel qu'éphémère, aussi beau que douloureux. " Si vous le souhaitez, je pourrais vous aider à la convaincre que vous êtes réellement en vie. Si elle ne veut vous croire et vous dit qu'elle vous déteste. Je sais que moi, elle me croira. " Ajouta t-il pas certain que la folie régnant dans la tête de la chanteuse ne se soit aggravée. Tout dépendrait alors de ce que Dimitri lui répondrait...

Jack réalisait petit à petit l’impact de ses paroles envers le violoniste. C’était étrange de constater toutes les émotions auxquelles Dimitri avait traversé : de la moquerie à la surprise passant par la colère et maintenant la tristesse. Peut-être se rendait-il compte de certaines choses ? Jack n’en savait rien et ne se trouvait pas dans sa tête pour le savoir. Toutefois, il le comprenait,  car avec du recul et beaucoup de remise en question, le joueur de poker s’apercevait qu’il était passé par là, avait rencontré les mêmes émotions que le musicien ressentait en cet instant même. Si l’amour n’avait pas la même force pour tous, il conservait néanmoins la même importance et également vous chamboulait la tête comme jamais. Le petit prétentieux arrogant qu’il avait croisé au début de leur rencontre avait complètement disparu et Dimitri lui demanda même comme il s’appelait non sans avoir dit précédemment dit qu’il voulait aider la chanteuse aveugle.
Avec un doux sourire, Jack lui répondit alors : « Je m’appelle Jack. » Désormais leurs identités étaient dévoilées et quelque chose avait considérablement changé dans leurs rapports : ils étaient bien plus courtois. Ce pourquoi, le blondinet avait alors proposé son aide, parce qu’au fond, il souhaitait de tout son cœur et de toute son âme qu’Ambre puisse être heureuse. Elle le méritait, elle l’avait toujours traité avec respect, avec gratitude. Elle, qui était Première Classe, ne l’avait jamais pris de haut et puis, elle avait su voir au fond de lui ce qu’il refusait d’admettre… Cette souffrance et ce besoin d’Héloïse dans sa vie, qu’il avait enfoui dans sa tête. Jack savait que la chanteuse refuserait de le croire, il savait que seule la présence de Dimitri et de sa volonté de faire changer les choses, pouvaient tout faire changer. Encore fallait-il que le violoniste puisse accepter…

Ce n’était pas gagné mais le joueur de poker voyait qu’il avait vraiment envie de la sauver des griffes d’Edward. La question était de savoir comment ? Et Dimitri semblait vouloir vraiment faire son possible. Ce dernier se mit à marmonner des propos que Jack écouta attentivement sans parvenir à saisir. Encore une fois, il parlait d’un « être méchant ».. ? Etait-ce Edward ? Son intuition lui disait que non. Par la suite, la dernière phrase du membre de l’équipage fit sourire le blondinet aux yeux d’azur. Il se sentit immédiatement concerné par ces « problèmes » que les hommes rencontraient avec la gente féminine et Jack aurait même pu en écrire un livre qui se serait sûrement étaler en plusieurs chapitres. Si l’atmosphère s’y serait prêtée, le jeune homme aurait pu en rire mais là… Son être entier était glacé et portait encore les stigmates des souffrances subies.

« Dimitri… La question n’est pas de savoir quel est le problème aujourd’hui, mais bien de trouver une solution. » Lui répondit Jack en le regardant d’un air grave. « Et la solution, elle existe… Elle est là devant vous, elle vous observe et elle attend que vous la saisissiez. » Se doutant que ses propos étaient un brin énigmatiques, Jack ajouta alors : « Soyez honnête Dimitri. Soyez franc si vous l’aimez. Si vous éprouvez de l’amour pour Elle, alors il faut le lui dire, si vous avez des choses à lui avouer et à lui expliquer, dites lui. » Jack s’approcha du bastingage restant à côté de Dimitri mais ne le regardant plus, préférant se reporter sur le paysage. Etrangement, il avait l’impression de se parler à lui-même plus qu’au violoniste et sa voix vibra de vérité quand il parla de nouveau, d’une voix bien calme :

« Soyez honnête et n’attendez pas trop longtemps pour réagir… Parce que plus vous attendez, et plus l’amour vous échappe et s’éloigne de vous. Ne laissez pas le mensonge vous emprisonner parce que la solution vous l’avez… N’attendez pas qu’il n’y ait plus de possibilité d’arranger les choses, n’attendez pas que le mot « espoir » ait disparu de votre vocabulaire et du sien. N’attendez pas qu’il soit trop tard. » Sa voix s’éteignit dans un murmure. Se tournant vers Dimitri, Jack ajouta d’une voix douloureuse : « Croyez moi, je sais de quoi je parle… »

Puis il détourna les yeux à nouveau vers l’horizon : « Ambre aura peut être du mal à vous croire parce qu’elle vous croit mort et qu’elle ne peut vous voir… C’est pourquoi, je peux vous aider à la convaincre qu’elle se trompe. » Poussant un soupir, le joueur de poker conclut ainsi : « Tout dépend de vous. »

Les paroles de Jack s'étaient éteintes dans un murmure. Son cœur s'était gonflé d'orgueil, de regret et de peine face à ce qu'il venait de conseiller à Dimitri. Parce que cela le ramenait à sa propre situation, à ce qu'il ressentait chaque jour, à cette douleur vive et ardente qui ne s'éteignait pas pour l'instant. À ce visage, cette personne, cet être qu'il avait tant aimé pour finir par haïr du plus profond de son âme. À ces révélations entendues depuis qu'il avait embarqué sur ce bateau de malheur. A croire qu'il portait en lui une malchance sans nom, à croire que toutes les personnes qu'il avait côtoyé avaient jugé qu'il n'était pas digne de confiance. Il avait proposé son aide à Dimitri parce qu'il ne voulait pas que cet être puisse souffrir comme il souffrait déjà lui même. Le violoniste en bavait mais pour le joueur de poker, il n'était pas trop tard pour qu'il puisse changer le cours de son destin, pour qu'il puisse aller droit vers un avenir bien meilleur auprès de la personne qu'il aimait. Parce que la solution, si difficile soit-elle à prendre, était là, devant lui. Le jeune homme devrait insister auprès d'Ambre, un brin trop têtue, mais tôt ou tard, le bonheur finirait par venir et par ne plus repartir. Il ne fallait pas que le musicien réitère les mêmes erreurs que Jack. Parce qu'au final, qu'avait le joueur de poker maintenant ? Plus rien. Sa raison de vivre s'était révélée ne pas en être une, la seule chose qu'il lui restait était l'éternité pour regretter, pour se dire qu'il aurait fait telle chose de cette manière et non pas d'une autre. Le seul point positif c'était que tout cela, l'avait fait mûrir, il voyait les choses sous un autre angle. Et si Héloise avait été le plus grand amour de toute sa vie, elle n'en serait pas la femme qui la partagerait jusqu'à la fin de ses jours. Elle ne serait pas cette âme sœur auquel il avait cru dur comme fer. Non elle ne serait qu'un vague souvenir, l'adage d'un nouveau départ.

Soudain, il avait envie de pleurer. La boule dans sa gorge gonflait trop, il avait mal de garder tout cela enfoui au fond de lui. Accoudé sur le bastingage, il serra les poings s'obligeant à se faire mal au point d'en ressortir la douleur, d'en arriver à sortir de cette spirale négative et de se recentrer sur cette conversation. Dimitri semblait encore plus perdu au fur et à mesure que Jack parlait. Il ne comprenait pas vraiment les paroles du joueur de poker en comparaison du comportement qu'Ambre adoptait avec elle.

Poussant un soupir, Jack lui répondit: " Elle vous croit mort parce que le soir du naufrage, vous avez été abattu par Edward au moment ou vous vous étiez retrouvés... " Il prit une pause essayant de se remémorer avec précision les paroles de l'aveugle : " Ambre m'a raconté cela, elle m'a dit qu'elle est restée à vos côtés jusqu'à ce que la mort se soit emparée d'elle. Et puis, elle s'est réveillée et vous n'étiez plus là. Maintenant, je comprends mieux pourquoi. Ça fait un an qu'elle a espéré que vous puissiez être en vie. Je pense qu'elle a fini par se convaincre que vous ne reviendrez pas. Ses craintes se sont avérées quand Edward est revenu. Désormais, moi je sais pourquoi vous n'êtes pas revenu... Votre mémoire, vous l'avez perdu à moitié et cela Ambre ne le sait pas.. " Jack regarda Dimitri : " Si je vous propose mon aide c'est qu'elle me croira. Après pour ce qui est d'Amy. C'est son nom de scène. Toutefois, Edward la brime tellement qu'elle est convaincue qu'elle est Amy et qu'Ambre est morte le jour de votre supposé mort... "
Il pivota alors afin de faire face au violoniste et ajouta d'une voix sombre : " Elle se meurt sans vous et ça finit par lui faire perdre la tête. La première fois que je l'ai rencontré, elle m'a prise pour vous.. "

Jack laissa le silence planer entre eux. Dimitri semblait tout à fait perdu, ce qui n'avait rien d'étonnant après une telle conversation. Désormais, il était capital pour lui de saisir les rênes de sa vie, de saisir les chances qui s'offraient à lui. Dimitri ne serait pas seul, Jack était prêt à l'aider parce qu'Ambre était une amie, si chère à son cœur. Le violoniste ne s'en apercevait peut être pas mais il avait gagné l'amitié et le respect du joueur de poker. Et ça, c'était quelque chose d'inestimable. Parce qu'il pourrait compter sur le blondinet quand il le souhaiterait. Jack s'était alors juré de n'aider que ceux qui en valaient la peine. Et Dimitri venait de rencontrer cette courte catégorie.

La conversation transita vers un sujet que Jack n'aurait pas aimé aborder. Les paroles de Dimitri le firent tressaillir et presque il eut envie de partir, de couper court à ce dialogue. Mais il ne le pouvait pas. Pas quand le violoniste venait de lui ouvrir son cœur. Le joueur de poker avait soudain peur de parler d'Heloise, il ne savait même pas s'il arriverait à ne pas s'énerver, à ne pas craquer. Alors il tenta de refouler cette souffrance et tenta, d'une voix nouée, de répondre le plus succinctement possible au musicien:

" J'ai cru en un mensonge, j'ai cru en un possible pardon mais ce que j'espérais ne peut avoir lieu. Ce que vous avez vu lors des dernières soirées ne se reproduira plus. Et vous savez pourquoi? " Jack reporta alors son regard vers l'océan : " Parce que j'ai fait l'erreur que vous réalisez petit à petit. Celle d'attendre... Attendre que le pardon vienne... Attendre une solution qui était devant moi et que je n'ai pas saisi. "

Il aurait pu ne pas parler d'Heloise. C'était là une blessure non guérie et qui ne guérira jamais à vrai dire. C'était encore tout frais, la séparation lui lacérait encore la poitrine. Jack savait qu'avec le temps, il finirait par passer à autre chose. Mais en attendant, il en bavait comme jamais et elle lui manquait tant. Pourtant, il devait se faire une raison: elle ne serait plus jamais l'élue de son cœur. Et c'était justement par des erreurs stupides qu'il l'avait perdu à jamais. En discutant avec Dimitri, le troisième classe avait remarqué que le musicien refaisait certaines erreurs qu'il avait déjà commises. Et naturellement, Jack avait préféré lui donner quelques conseils. Ce n'était pas parce qu'il se prenait pour meilleur que lui mais bien parce que Ambre était son amie et une amie chère à son cœur: il voulait qu'elle soit heureuse et il était content d'avoir pu croisé la route de Dimitri. Il avait le sentiment que lui seul pourrait sauver la chanteuse. Et c'était là quelque chose de salvateur. Son cœur avait fini par sentir un peu plus léger parce qu'il sentait que le violoniste était quelqu'un de bien. Cela fut confirmé d'ailleurs quand ce dernier s'excusa de l'avoir agressé au début de leur rencontre. Et c'est là qu'il aborda le sujet d'Heloise.

A vrai dire, Jack fut pris au dépourvu, il ne s'y attendait pas. Et pourtant, Dimitri serait révélé à lui: il était donc normal qu'il en fasse de même. Mais c'était une chose bien compliquée que de devoir s'ouvrir. Et encore plus quand il ne l'avait fait avec personne et encore moins avec quelqu'un qu'il ne connaissait pas. Pourtant, il s'y était prêté au jeu. Il avait dit ce qu'il avait sur le cœur au sujet de la Comtesse. Il ne s'attendait pas à une attitude particulière de la part du musicien. Mais à vrai dire, il s'était attendu à tout sauf à ça. Au fait que Dimitri posa son violon, au fait que son visage se fronça et qu'il sembla énervé, au fait que soudain, il envoya son poing dans la figure de Jack. Le coup n'était pas forcément fort mais il suffit à lui faire mal, à ce qu'il mette la main à sa mâchoire. Il n'eut même pas le temps de réagir que Dimitri s'était exclamé ne comprenant pas qu'il y a peu encore il défendait l'amour alors que pour sa propre histoire, il s'était résigné. Son énervement était compréhensible certes mais Jack avait tendance ces derniers temps à réagir de manière trop vite. Ses poings se serrèrent un peu plus à chaque parole prononcé par le violoniste. Ce n'était pas comparable. Et cela l'énervait bien plus parce que justement Dimitri ne savait même pas de quoi il parlait.  Se faire traiter de menteur firent éclater les derniers fils retenant la colère de Jack. Elle explosa de manière rapide. Il s'approcha et saisit le col de la chemise du violoniste à deux mains et le poussa contre la rambarde du Titanic. Il le pencha, le déséquilibrant: il ne suffisait que d'une pousse pour qu'il tombe dans l'eau. Il se réveillerait probablement, il reviendrait à la nage mais qu'importe, Jack avait là un moyen d'exploser la rage qu'il ressentait en lui. Et il se mît à crier d'une voix forte, les sourcils froncés:

" Répétez moi encore que je suis un menteur et je vous jure, Dimitri, que je vous jette la tête la première en vous ayant d'abord fracasser la tête! " Il resserra un peu plus sa poigne sur le col de la chemise du violoniste tandis qu'il ajouta d'une voix grondante : " Nos problèmes ne sont pas comparables! Ce que je vous ai dit était vrai pour vous! Mais pour moi c'est trop tard! Il n'y a plus aucun espoir!! Alors comment pouvez vous me juger quand vous ne savez pas!? Réagiriez vous de la manière si je vous disais la vérité? Il explosa un peu plus de colère tandis qu'il continua à parler : " Comment réagiriez vous si vous vivez pendant quatre ans avec une femme qui vous a fait croire qu'elle n'était qu'une pauvre orpheline alors qu'elle est en réalité la meurtrière de son propre père. Hein? Comment réagiriez vous si une fois que cette femme que vous aimiez à la folie vous a caché qu'elle était fiancée et que son putain de fiancé se trouvait à bord? Qu'il batifole avec elle sous vos yeux? Je suppose que vous vous sentiriez un peu dépité non? " Jack approcha son visage vers Dimitri, il sentait que sa voix commençait petit à petit à s'érailler: " Ah oui! Et j'y pense! Comment vous sentiriez vous quand vous apprenez par hasard qu'elle était enceinte au moment d'embarquer, et qu'elle le cachait? Comment réagiriez vous si vous aviez que votre bébé est mort et ne verra jamais le jour et que vous l'apprenez maintenant!? " Il fit pencher le corps de Dimitri un peu plus vers le vide mais sa voix se brisait déjà quand il ajouta : " Votre histoire est encore pure et encore belle. Vous avez encore la possibilité de changer les choses. Alors que moi... Il n'y a plus rien... Plus d'espoir...  Alors ne dites pas que je suis un menteur. Dans l'histoire, je suis celui à qui on a raconté des mensonges depuis le début. "

Jack lâcha alors Dimitri et s'éloigna de quelques pas sentant soudain les larmes lui monter aux yeux. Il ne craquerait, il n'avait pas envie. Mais il avait tenu à l'expliquer au jeune homme. Une profonde lassitude l'avait désormais envahi. Il s'éloigna encore plus du violoniste préférant s'asseoir sur un transat. Pour simple conclusion, il ajouta: " Maintenant... C'est à vous de vous débrouiller. Si vous ne me croyez pas, c'est votre problème. "

Toute la rancœur qu'il ressentait en cet instant là, se déversait dans sa bouche dans un flot de paroles dévastatrices. Il avait mal. Si mal. En révélant ce qu'il gardait au fond de lui, Jack avait l'impression qu'il se délaissait d'un poids lui oppressant ses épaules. Qu'il évacuait cette rage sourde qui grondait au fond de lui. Il éprouvait tant de haine à son égard, tant de colère qu'il n'arrivait plus à canaliser. Il était à lui tout seul une bombe prête à exploser à tout moment, telle la poudre noire des baïonnettes auquel on y approchait une flamme lumineuse. Dimitri avait été cette source de chaleur. En le traitant de menteur, il avait fait sortir Jack de ses gonds, le rendant presque trop violent, trop colérique.
Et trop honnête.

Au fur et à mesure, sa voix avait finie par s'érailler, pour mieux se briser tant qu'il révélait au violoniste toute la vérité. Cruelle désillusion dont il avait été victime. Il avait cru aimer une personne mais en réalité, son amour n'avait brillé que pour une ombre et une pensée. Il s'était fourvoyé et tandis qu'il révélait tout cela au musicien, il s'en apercevait plus que jamais.
Plus d'espoir. Plus de possibilités. C'était fini. Il n'y aurait pas de retour en arrière. Jack était arrivé à un point de non retour. Il ne voulait plus vivre dans cette souffrance et ce mensonge. Et pourtant, il avait réellement conscience que ce mal ne partirait pas. Il était devenu son compagnon de route juste parce qu'il avait croisé la route d'Heloise. Et maintenant, il s'en rendait compte. Il avait si mal.

Jack avait fini par lâcher Dimitri dès lors qu'il avait expliqué qu'il avait été la victime de ce mensonge, de cette lâcheté. Il avait soudain eu envie de pleurer, de montrer la faiblesse. Le troisième classe était un homme et il avait son point fort tout comme son point faible. Mais il ne voulait pas montrer qu'il avait mal jusqu'à fondre en larmes face à un homme qu'il ne connaissait pas encore bien. Alors il s'était éloigné de lui, ayant pris place en travers d'un transat. Le blondinet n'avait pas écouté les paroles de Dimitri mais le ton qu'il employait, était celui du regret, de la culpabilité. Le violoniste avait de la chance d'aimer une femme qui avait une âme des plus pures. Il fallait alors qu'il s'accroche à cet amour, à ce bonheur qui lui tendait les bras. Jack sentit un mouvement sur sa gauche signe que Dimitri s'était assis à côté de lui également. Un silence s'était installé que son compagnon avait fini par briser. Jack n'avait pas tourné les yeux vers lui tandis qu'il fixait un point invisible. Mais il écoutait et les paroles de Dimitri arrivèrent comme un baume dans son cœur meurtri. Pour Ambre surtout et non pas pour Héloise. Et puis, le fait de proposer de boire un verre si cela ne fonctionnait pas était pour le jeune homme le signe du début d'une amitié. Par le hasard des choses, Jack avait su tomber sur Dimitri, avait su lui montrer qu'il fallait croire en l'amour parce qu'il était un des sentiments les plus beaux. Ambre l'aimait mais elle avait peur d'Edward et il était temps pour elle de se défaire de l'emprise de son manager. Le troisième classe était heureux malgré la fin de la conversation, de ce que le violoniste lui avait dit.
Il tourna les yeux vers le jeune homme et lui fit un sourire triste:

" Tu as raison d'agir ainsi car tu seras le plus heureux d'avoir pu la sauver, de l'avoir pour toi jusqu'à la fin des temps. " Ses yeux se recentrèrent sur un point invisible tandis qu'il ajouta : " Rien n'est plus beau que d'aimer et d'être aimé en retour.. " Il se plut à replonger dans des souvenirs tandis qu'il ajoutait avec une certaine mélancolie: " Tu verras... C'est la plus belle chose au monde.. "

La tristesse sur son visage s'estompa petit à petit tandis qu'il ajouta: " Et puis n'attendons pas que tout finisse mal pour aller un verre. Pourquoi ne pas y aller de ce pas ? "
Si Jack avait su motiver Dimitri, il se rendait également compte qu'il avait gagné un ami. Il ressentait au fond de lui qu'il ne pouvait se morfondre ainsi. Il devait aller de l'avant et ne plus vivre sa vie dans le collimateur de la comtesse mais au contraire, il devait faire sans. De toute manière, c'était fini. Elle ira faire sa gourgandine avec Peter, c'était certain. Elle n'avait plus besoin de se cacher. Et c'était là le signe que Jack devait passer à autre chose, devait ne plus se laisser faire. La conversation avec le violoniste l'avait reboosté là ou il croyait que tout était fini y compris dans sa vie.
Mais non, il se trompait. Sa nouvelle existence ne faisait que commencer.