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 Et l’amour et la mer ont l’amer pour partage | Leopold G. Applewhite

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MessageSujet: Et l’amour et la mer ont l’amer pour partage | Leopold G. Applewhite   Et l’amour et la mer ont l’amer pour partage | Leopold G. Applewhite EmptyMer 18 Avr - 23:24

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    Et l’amour et la mer ont l’amer pour partage | Leopold G. Applewhite 582411titanic16 Et l’amour et la mer ont l’amer pour partage | Leopold G. Applewhite 379731irons27
    ~ Kyrie eleison

    Les heures échappent à ma vigilance. Tout est endormi, mon ombre paissant parmi ses semblables ténèbres inconsolables. Mais les yeux veillent dans le noir. Ils sont éclairés de la lumière dorée des envoûtements qui laissent derrière eux un parfum de roses. Chacun est dans son lit, inconscient de ce qui se trame par là-bas. Seul, traînant comme manant, bon an mal an, ma carcasse vide des mille et une nuits. Encore une dont je ne ressortirai pas tout à fait le même…

    C’était d’abord un chuchotis. Elle l’a dit, elle a dit mon nom et j’ai perdu le sommeil. J’ai pensé qu’elle m’attendait, alors je suis monté tout là haut, lui chercher une étoile. Finalement, je suis descendu plus bas que terre, dans mon fol espoir, dans ma déchirure, j’ai cru que je pourrais…que je pourrais…lui résister. J’ai cédé comme on cède à la tentation la plus exquise. Suis-je bête. Mon corps lui appartient tout entier. Je ne peux le lui dérober, elle l’a marqué jusque dans les frissons du cou qu’elle provoque par la caresse divine des lèvres d’antan.
    Elle a confisqué mes besoins, mon âme, l’homme.

    Et si moi aussi je pouvais sauter et me briser.


    Je noyai ma pupille brillante dans le flot tumultueux. Tumultueux ? Non, j’en rajoute. Ce soir, il était trop calme…De son chant enjôleur, il m’enivrait. La joie de la revoir me rendait particulièrement patient. Qu’importaient les cernes du matin qui creusent dans le visage des sillons fuligineux ou les mêmes vêtements d’hier au soir qu’on replace vaguement sur sa calamité. Personne n’y regardait de trop près, personne sur qui compter. On ne voyait que le médecin, le bonhomme que la vie n’avait pas rendu tendre et qui, pourtant, gardait son éternel sourire bienveillant. Comme si lui était plus préservé qu’un autre. Non-non-non. Ils avaient tout faux. On le savait bougon, misanthrope par moments, mais pas brûlant encore d’un amour malchanceux à la tombée du jour. On n’avait pas conscience de Son Autre.

    « Te voilà… »
    - Tu m’as manqué, Archie.
    « Où étais-tu, ma chérie ? »

    Je posai lentement mes mains tremblantes sur le bastingage. Ça me ferait toujours le même effet. Un bras invisible m’entoura sereinement. Pourquoi ne resterions-nous pas ainsi éternellement ? J’avais appris à me taire et à écouter. J’avais appris à espérer. Elle pouvait tout me dire, tout ce qu’elle redoutait. « Je te veux près de moi… » gémissait le vent. Souvent, c’était le silence qui me répondait. Je savais malgré tout qu’elle était là, car je pouvais la sentir, respirer son souffle marin. Je rêvais debout. Jusqu’au moment où, inévitablement, l’aube rompait le charme, reprenant ses droits. Elle faisait fuir la malheureuse. Mais il n’était pas encore temps, je la sentais toutefois lointaine. Sans un bruit, elle avait pris la poudre d'escampette. Sans même me dire au revoir. Ce sentiment d’abandon me crispa au point que je me retournai. Et moi qui m'attendais au néant...!

    Elle, partie.
    Je n’étais plus seul.

    Avait-il entendu, lui aussi, le vent qui pleurait ?
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MessageSujet: Re: Et l’amour et la mer ont l’amer pour partage | Leopold G. Applewhite   Et l’amour et la mer ont l’amer pour partage | Leopold G. Applewhite EmptyJeu 19 Avr - 19:56

Et l’amour et la mer ont l’amer pour partage | Leopold G. Applewhite 120419080726484806

" L'ESPOIR EST UNE MEMOIRE QUI DESIRE "

" Que l'eau s'engouffre à nouveau, qu'elle vomisse sur les ponts, qu'elle nous entraîne tous. Je veux goûter au sel, trembler de froid, me laisser prendre. Elle saura m'amener sur cette terre promise, si lointaine mais si saisissable. Je ne suis pas une âme errante, tout cela n'est que chimère. Je rêve de me réveiller, et lorsque c'est chose faite, désabusé, je rêve de dormir. Je vous hais, vous fantômes, moi chair. On me ment, on joue, on perd. Si le soleil se lève et se couche, pourquoi ne le puis-je pas ? "

C'était la quatrième fois qu'il écrivait ces lignes et sa main semblait s'être accoutumée à ces mots, si bien qu'elle semblait écrire toute seule, sans aucune action d'un cerveau demeuré embrûmé depuis sa chute dans les ténèbres. Il faisait encore nuit mais les lumières du navire laissait entrevoir les quelques pages encore vierges du carnet. Celui-ci était déposé sur la rambarde, tandis qu'un homme écrivait à la plume, son encrier à ses côtés. Le grincement de la pointe dorée sur le papier lui faisait savourer chaque mot qu'il dessinait, chaque courbe, chaque point. Il avait peu écrit en cette journée. En fait, il était resté enfermé dans sa cabine, les yeux rivés sur un point qu'il n'aurait pu identifier. Il avait pensé, il ne faisait que cela d'ailleurs. Un mot de temps en temps dans son carnet, puis il sombrait à nouveau dans ce néant, celui dans lequel on plonge pour y ressasser mille et un traquas, si bien que l'on préfère s'adonner à une autre activité, à la manière de Pascal, fuyant ainsi une réalité trop difficile pour être vue de face. L'être humain n'est-il pas un amât de lâchetés diverses ?

Il n'avait jamais été autant attiré par l'océan que depuis le naufrage. Souvent il avait voulu se jeter de la poupe du navire. Si l'océan les avait attrapé dans un au-delà pourtant bien réel, ne pouvait-il pas les ramener à la surface ? Leopold y croyait, parfois, puis se résignait, puis revenait à son idée première. Il n'y croyait pas. D'ailleurs, les rares suicidaires étaient revenus. N'était-ce pas là un signe d'espérance ? D'une vie qui n'avait besoin que d'un peu de temps pour être à nouveau vécue ? Le navire respirait la mort, transpirait la mort. A chaque fois coin, sur chaque marche, quelqu'un s'en était allé. Il était revenu, comme tant d'autres, condamné. La fumée était toujours crachée par les cheminées, semblables à des fours crématoires laissant s'échapper cette nuée noire, pernitieuse, dans un air que respiraient les vivants. Et s'ils respiraient leurs morts ? Tout paraissait lugubre, sans vie. La côte n'apparaissait pas et quand Leopold croyait en voir la pointe, elle disparaissait aussitôt, aussi vite qu'avaient disparues les terres d'Irlande. Il se souvenait de la nuit qu'il venait de passer. Il avait rêvé d'une femme, une femme seule, qu'il croyait bien avoir périr. Une première classe. Était-revenue ?

" Je me souviens de son visage, déformé par la peur. Je me souviens de l'eau qui avait fait de sa robe un simple voile. Je me souviens de son cri. Je me souviens de la vague qui m'a séparée d'elle. Elle est morte. "

Il avait souvent rêvé de ces pauvres gens qui s'en étaient allés sous ses yeux. Il n'avait jamais été affecté. Se souvenir d'eux, finalement, c'était se remémorer sa condition. Il avait beau respirer, il était bel et bien mort. Du moins, c'était ce qui semblait être le plus probable. Mais sa rationalité allait bien plus loin.

Alors que l'aube se levait, une voix se leva, aussi discrètement que le soleil. Il parlait seul, comme emporté dans un élan de poésie, comme perdu dans un néant, le même dans lequel Leopold baignait souvent. Il était de trop. La plume crissa plus fort dès que la voix de l'inconnu se fit entendre. La solitude avait disparue. Mais ils n'étaient pas différents. Tout deux croyaient en l'incroyable. L'absence de cette chose ne les dissuadait pas, ils continuaient d'y croire.

" Vous parlez dans le vent. J'espère que celui-ci vous répond. "
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MessageSujet: Re: Et l’amour et la mer ont l’amer pour partage | Leopold G. Applewhite   Et l’amour et la mer ont l’amer pour partage | Leopold G. Applewhite EmptyMar 24 Avr - 23:21

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    Et l’amour et la mer ont l’amer pour partage | Leopold G. Applewhite 244054irons10 Et l’amour et la mer ont l’amer pour partage | Leopold G. Applewhite 479361hugh5
    Birds in the night

    Tandis que les odeurs de la nuit s’enfuyaient, une sinistre berceuse dans le frémissement des flots ivres me pénétrait. Je sentais les liaisons nerveuses de ce lieu maudit, elles s’infiltraient en moi si profondément que j’en avais le cœur au bord des lèvres.

    Toutes les voix qui se sont tues disent qu’ils ont aimé du plus grand Amour, de celui qui traverse la Mort et les âges dans un éternel retour. Nous n’avions jamais été si proches, Elle et moi, effleurant les deux côtés du miroir sans jamais pouvoir le briser toutefois ; saluant de loin le reflet de l’autre dans un geste tendre, doigts tendus vers l’inaccessible astre qui changerait – nous y croyions, pauvres fous – nos destins.

    Je m’étais promis de refaire mon existence sans Elle, mais j’avais sous-estimé ô combien elle m’était indispensable ! Et quel poids coupable elle représentait ! Je n’avais pas le droit de lui désobéir ou de la décevoir. Quand bien même l’aurais-je voulu, j’aurais été bien hardi, ne serait-ce que pour tenter de la reléguer au second rôle. Je lui devais bien ça…

    Mes doigts s’ébaudirent dans le ruban blanc qui ne me quittait plus comme le voile du deuil sur mon visage harassé. Je me redressai pour apparaître à peu près présentable à l’insomniaque qui profitait lui aussi de la douce accalmie des âmes. « Vous…vous êtes là depuis longtemps ? Veuillez me pardonner si…si j’ai interrompu… » La voix chevrotante, je sentis mes joues s’empourprer honteusement. Il avait surpris Notre conversation, il devait me prendre pour un aliéné. Le pire était que je lui donnerais raison à coup sûr. J’étais bien malgré moi dans un état de confusion exagéré. Je tentai de regagner un semblant de dignité en m’allumant maladroitement une cigarette qui manqua de m’échapper des mains à plusieurs reprises. Dans mon trouble inattendu, je n’y parvins qu’au prix d’efforts de concentration extrêmes.

    Je percevais en cette noire matinée la silhouette anonyme qui se découpait sur un ciel aux coloris délavés. Mon être s’assombrit lorsque je saisis le sens des paroles qui me parvenaient tel un écho assourdi. « Les voix d’outre-tombe sont fort caressantes pour les infortunés. Vous les entendez, n’est-ce pas ? » Je voulus me persuader que je ne faisais pas que rêver tout éveillé. J’avais certainement besoin de vivre l’illusion naïvement. Et lui…lui il pouvait bien mentir un peu pour mon bien-être spirituel. « Promettez-moi de garder le silence sur ces extravagances. Ce…ce fétichisme de bonnes femmes n’est sans doute pas très bien vu à bord. » Et voilà que je dénigrais impertinemment mes croyances. Comme à l’accoutumée, je me fondais dans le moule macabre des bonnes mœurs. Le déshonneur me submergea jusque dans les entrailles. J’étais pitoyable.

    Scrutant les ténèbres évanescentes, l’activité à laquelle s’adonnait mon compagnon m’apparut clairement, je me mis alors en quête d’en savoir plus sur son compte. Avais-je affaire à une célébrité ? Il se pourrait bien… « Est-on plus inspiré aux premières lueurs du jour ou en plein milieu de la nuit ? » Mes manières étaient rustres, la provocation sous-jacente, je me morigénai en moi-même. Mais il était trop tard pour faire machine arrière, je m’étais déjà enfoncé trop avant et en toute beauté s’il vous plaît.


Dernière édition par Archibald E. Crane le Dim 6 Mai - 17:24, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Et l’amour et la mer ont l’amer pour partage | Leopold G. Applewhite   Et l’amour et la mer ont l’amer pour partage | Leopold G. Applewhite EmptyJeu 26 Avr - 13:14

" RIEN DE PLUS AGREABLE A RENCONTRER QUE PLUS FAIBLE QUE SOI. "


Je ne comprendrai jamais que l'on se laisse abattre aux yeux de n'importe qui. J'ai toujours cru en l'orgueil, cette arme insaisissable qui fait de vous le maître absolu. L'inconnu me désolait, je ne voyais en lui que faiblesse, souffrance et perte. Je profitais de la noirceur de l'aube pour observer ce rejeton qui, étrangement, ne correspondait pas à l'idée que je m'en étais fait. Moi qui avait imaginé un gamin perdu en haillons, je voyais là un homme mûr à l'allure sereine, quoiqu'un peu désorientée. En fait, je le reconnus rapidement, l'ayant déjà croisé auparavant. Je mis sur son visage une profession médicale. Voyant que mon inspiration venait d'être réduite à néant par les paroles de mon nouveau compagnon, je finis par clore mon carnet, levant les yeux au ciel en m'attendant à de longs discours, ceux d'un homme dénué de ses repères. Je me retrouvais métamorphosé en psychiatre, en oreille attentive, ce que je n'étais pas pour tout l'or du monde. Non content de se réduire à si basse position, le voilà qui s'excusait pour un motif qui ne valait pas un tel comportement. Les hommes faibles s'excusent sans cesse pour des motifs qu'eux-mêmes ignorent. Je lisais clair en mon compagnon : il vivait dans un monde qui n'était pas mien, plus isolé encore que l'était celui où nous autres passagers vivions tous. " Cette femme vous aurait-elle dérobé toute votre fierté ? Ne vous mettez pas en plus fâcheuse posture, celle-ci ne vous sied guère. "

J'ai toujours aimé ma voix. On la qualifie de froide, de neutre, et j'aime jouer sur cet aspect. Cette bataille que je mène sur le reste des hommes mérite des armes diverses et surprenantes. L'inconnu saurait alors qu'il n'avait pas affaire à n'importe qui et que je n'étais pas homme à me lamenter sur le sort de mes semblables. Peut-être avait-il compris qu'il valait mieux pour lui ne pas me faire part de sa détresse, alors sa confusion laissa place à des questions saugrenues, tandis qu'il allumait une cigarette, d'une manière si maladroite qu'elle dessina un sourire sur mon visage. Discrètement, je me moquais.

Il me parla de morts. C'était la première fois que l'on abordait ce sujet en ma compagnie depuis notre réveil dans ce monde parallèle. Je ne comprenais rien. Partout on parlait de notre mort, comment pouvait-il parler à d'autres voix ? Bien que désorienté par ses dires, je me sentais rassuré. Si l'inconnu parlait aux morts, peut-être avait-il un pied dans le monde des vivants ? Et alors, nous autres jouissions de la même position ? Moi qui ne croyait pas en notre état de morts-vivants sentait que ma vision des choses dominait les autres. " Les morts sont certainement trop occupés à jouir de leur quiétude pour venir nous parler. Si nous sommes morts, pourquoi ne nous apparaissent-ils pas ? Mais je crois que nous sommes dans un monde où rien ne peut nous atteindre, un monde où la déraison risque de tous nous perdre. " Je pensais pouvoir philosopher sur notre condition mais mon compagnon semblait en avoir décidé autrement. Il s'était déjà trop dénigré jusqu'à maintenant mais cela semblait ne pas avoir été suffisant à ses yeux. " Je ne parle qu'en cas de besoin. De plus, vos conversations ne m'intéressent pas et j'aurai oublié cet incident dès mon retour à ma cabine. Mais, si je puis me permettre, ceux qui vous jugeront auront certainement bien pire à cacher. " Mêlé par l'exaspération et par un désir de conseiller au mieux celui qui semblait prêt à sombrer dans un gouffre nourri par la folie, j'affichais un visage moins offensif.

Alors que je passais une main délicate sur la couverture de mon carnet, le regard de l'inconnu sembla suivre ce mouvement. Il s'intéressait alors à mes occupations, d'une manière aussi maladroite que celle dont il agissait depuis notre rencontre fortuite. " Ce sont les évènements qui créent l'inspiration. Pas les lieux. " Je n'étais pas là pour le descendre mais mon naturel prenait le dessus. Je pris conscience de mon manque de politesse, ne m'étant jusque là pas présenté. " Leopold Applewhite. Je ne vous savais pas des nôtres, docteur. " Et pour la première fois, je pris la peine de le dévisager plus nettement, mon regard inquisiteur se plongeant sans faillir dans celui de mon interlocuteur.
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MessageSujet: Re: Et l’amour et la mer ont l’amer pour partage | Leopold G. Applewhite   Et l’amour et la mer ont l’amer pour partage | Leopold G. Applewhite EmptyMer 2 Mai - 18:30

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    Et l’amour et la mer ont l’amer pour partage | Leopold G. Applewhite 716567arch4 Et l’amour et la mer ont l’amer pour partage | Leopold G. Applewhite 630513leo5
    Strangers at dawn

    Voyez donc Archibald le Faible, subordonné aux paroles acrimonieuses d’un trentenaire exhibant à la face du monde Notre Misérable bien né qui, armé de toute sa splendeur candide savait si bien patauger dans sa fange ingrate. C’était tout à son honneur, l’honneur abject de mon compagnon, de voir en moi le dernier des crétins. Clairement, dans ses yeux, on croisait le mépris propre aux classes supérieures ; et le rictus vilainement conçu pour vous accabler s’ébauchait crânement à la commissure de ses lèvres. Il était de ces hommes que rien n’afflige plus que la sensibilité exacerbée d’autrui, surtout si autrui est un homme. On ne pardonne pas facilement ces choses-là…

    Dévasté, dénudé, cataracte souillée, dépouillé de sa quintessence, notre pauvre cœur s’emballe pour un rien. Il s’effraye, il s’effarouche bravement. Nous sentons l’exaspération étirer les traits de l’inconnu. Nous nous replions. Nous cédons si facilement. Qu’il parte, l’impertinent ! Qu’il nous laisse louvoyer dans notre ombre paisible. Qu’il cesse de réduire à néant nos dangereuses espérances.

    Je ne voulais pas lui accorder tant d’importance. Je ferais mieux de me taire et d’abdiquer silencieusement. Peut-être partirait-il de lui-même si je le lui suggérais ainsi…Je me mords la lèvre inférieure jusqu’au sang pour empêcher le ridicule, à nouveau, d’affluer. L’incarnat quitta mes joues en feu et laissa place à un teint livide et maladif. Je méditais sous le ciel ensanglanté, l’esprit dans un ailleurs insoupçonné, encore en pensée avec Elle, la seule qui me comprenait. « La fierté, c’est pour les béotiens qui y croient encore. Ici, elle ne nous sert plus que de refuge bien éphémère… » Je murmurais plus pour moi-même que pour l’irrévérencieux personnage. J’avais aboli depuis longtemps la notion de dignité que nécessitait la vacuité de notre existence. Quant à la fierté, elle ne devait plus faire partie de mon vocabulaire.

    J’écoutais d’une oreille distraite le babillage du gentleman qui croyait en savoir plus que les autres. Ses convictions n’étaient pas plus fallacieuses que les nôtres, pauvres pécheurs. « Alors je suis déjà sur le chemin de perdition si je me réfère à cette logique implacable. J’affectionne malgré tout le secret espoir que ma bien-aimée ne m’a pas oublié, Elle. » Je mis un terme à cette pseudo science de la vie et de la mort à bord. Je ne souhaitais pas me battre pour les causes perdues ni des idées rationnellement incompatibles avec mon état d’esprit en cet instant onirique. Je faisais durer le plaisir avec une certaine perversion je l’avoue.

    Lorsque l’homme me gratifia d’un autre coup rageur, je lui lançai un regard lointain dévoré par l’indifférence. Je n’avais nulle envie de disserter. Il connaissait son métier après tout, non ? Je soupirai intérieurement : encore un écrivain imbu de lui-même (qui démontrait par x en passant par y) que la célébrité enorgueillissait férocement. Lorsque mon nouveau copain accueillit mon verbiage monstrueux avec une froideur indescriptible ; à défaut de courber l’échine comme un criminel pris sur le vif, je retrouvai les vestiges d’une gloire passée. Je soutins le regard fauve sans broncher et dus prendre sur moi pour m’invectiver au calme philosophique. Mon souffle se régula et je toisai l’adversaire avec un mélange d’intérêt et de dégoût. Ce type produisait un effet transcendant sur mon être fragilisé. Je me sentais minable à côté de lui. Enviais-je les qualités mémorables de sa rhétorique ? Ou encore les charmes évidents de sa personne ? De la jalousie à moitié consommée, Archie ? Je me garderais bien de telles conjectures...

    Au son de cloches, à la simple mention du nom commun « docteur » qui rappelait mon sacerdoce, je ne pus m’empêcher de tressaillir. J’avais oublié ma propre notoriété sur ce navire. « Archibald Crane, humble médecin de bord, en effet. Je suis ravi de faire la connaissance d’un écrivain de renom. » lâchais-je sur le même ton enluminé. La politesse avait un goût amer décidément. J’inclinai la tête respectueusement. J’étais passé maître dans l’art de la condescendance bon marché. « Vous travaillez donc à votre prochaine œuvre ? » Curiosité affectée. Il ne me confierait certainement pas ses futurs projets. Il ne fallait pas rêver non plus. J'avais eu l'occasion de lire son nom sur des ouvrages, mais je ne les avais pas eu entre les mains, c'est pourquoi je ne m'aventurerais pas davantage sur la pente.

    Sous ses grands airs dédaigneux, il n'impressionnait personne. Pourtant, je ne me décidais pas à prendre congé de lui aussitôt...quelque chose me disait qu'il y avait une leçon à tirer de tout ceci. Là-dessus, allait-il me renvoyer une énième fois dans les roses et décapiter si remarquablement la piteuse image que je me faisais déjà de lui ? Tant de questionnements qui délivraient mon esprit du Mal. Comme chacun le sait, l’Homme n’est qu’un point d’interrogation dans un espace d’incertitudes.


Dernière édition par Archibald E. Crane le Dim 6 Mai - 17:23, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: Et l’amour et la mer ont l’amer pour partage | Leopold G. Applewhite   Et l’amour et la mer ont l’amer pour partage | Leopold G. Applewhite EmptyJeu 3 Mai - 18:18

" JE SUIS UN MARIONNETTISTE "

Je ris souvent en pensant à ces visages effarés tournés vers moi, choqués, meurtris par mon audace et mes paroles vénimeuses. En réalité, je suis un marionnettiste. Par tel ou tel geste, je provoque chez mon pantin une réaction, un mouvement que j'analyse. Que le pantin s'affaisse, emporté par le poids de son bois ternis, je le mets au feu, son intérêt n'étant alors qu'illusoire. Qu'il réagisse vivement, qu'il s'emporte, qu'il danse, que les ficelles qui le tiennent tremblent sous le joug de sa folie, je ne peux être que réjoui. Je ne cherche pas à comprendre ce désir de tester ceux qui m'entourent, c'est pour moi une normalité. Je parle peu. Pourquoi irai-je parler au plus désolant des compagnons ? Ma nouvelle connaissance remporta la première manche et j'appréciais sa répartie, bien qu'elle me parût pauvre face à mon toupet. À mesure qu'il avait rétorqué, j'avais souri, fier de lui, presque, ou satisfait de ne pas perdre mon temps. Il pouvait alors jouir de mon intérêt et notre entretien pouvait s'enrichir. Il avait emprunté cette voie avant moi, feignant de s'intéresser à mes occupations. Mais avant de lui répondre, je me surpris à m'arrêter sur son qualificatif. Le voilà qui, de nouveau, se faisait plus faible qu'il ne l'était, quoiqu'on pouvait lire en lui une once d'ironie face à la fierté incarnée. " Notre condition nous aura apporté une chose : votre humilité n'a aucune raison d'être, de même que ma possible notoriété. Vous êtes docteur. " Derrière mon ordre, il y avait de la compassion. N'étions-nous pas tous de pauvres errants, ignorants de l'avenir ? Je ne tolérai pas que l'on se considère plus démuni encore, cela ne m'évoquait que trop ma propre condition. Et puis, l'heure n'était plus aux crocs, il bénéficiait d'une once ou deux de ma considération désormais. " Ce n'est là qu'un carnet parmi tant d'autres, ponctué de réflexions et autres idées dérisoires. Exercez-vous dans la santé mentale, docteur ? Vous trouverez ici, comme je le fais, des spécimens de premier choix. "

Mon carnet sous le bras, je rangeai dans une poche de mon manteau les quelques accessoires qui siégeaient sur la balustrade. L'air était frais mais agréable et la couleur rougeoyante, semblable au sang que l'on verse, que nous offrait l'horizon provoquait chez moi des élans de bonne humeur. " Marchons, voulez-vous ? " Je ne lui demandais pas son avis, estimant qui si sa volonté était contraire, il n'avait qu'à me laisser là. Après tout, je n'en avais encore que faire, quoique ses visions fantomatiques éveillaient chez moi un sursaut de curiosité, cette même curiosité qui me rendait friand de potins. Oh ! Comme j'aimais m'en souvenir ! Comme j'aimais les yeux de ceux que je détruisais par quelque révélation ! Et quel dégoût de constater ainsi la faiblesse de l'être humain.

Mes chaussures claquaient sur le pont. J'aimais cette promenade lors de mes escapades nocturnes. Sans courbettes, sans sourires et sans rumeurs. Je me sentais libre. Étrangement, la présence du dénommé Crane ne me perturbait pas, pour l'instant du moins. La solitude me suivait si souvent qu'elle savait m'habiter malgré une présence quelconque. Alors que je marchais, je méditais. Je voyais déjà l'histoire d'un homme, dont la femme n'est plus. Que cherche-t-il ? Il croit la voir. Mais ce n'est pas elle. Qui est cette femme ? Que lui veut-elle ? La destinée de mon nouveau personnage est déjà toute tracée : cette inconnue saura le rendre fou. Et il rejoindra sa femme, sans savoir que son inconnue le suivra partout, au-delà de la mort.
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MessageSujet: Re: Et l’amour et la mer ont l’amer pour partage | Leopold G. Applewhite   Et l’amour et la mer ont l’amer pour partage | Leopold G. Applewhite EmptyJeu 17 Mai - 17:37

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    Et l’amour et la mer ont l’amer pour partage | Leopold G. Applewhite 628779archieetcath Et l’amour et la mer ont l’amer pour partage | Leopold G. Applewhite 576426leoo2
    Je viens du ciel et les étoiles entre elles
    ne parlent que de toi


    Entrer dans son jeu, c’était se fourvoyer. Plutôt deux fois qu’une. Ouvrir les bras au prédateur ou mettre sa tête directement dans la gueule du lion, je n’allais tout de même pas lui donner ce plaisir. Je m’auto-censure. Il n’a pas besoin de mon aide pour se moquer brillamment. C’était un jeu d’enfant pour cet homme si sûr de ses charmes. Je refuse de courber l’échine. Je force mon panache. Je me tiens droit. Le i de mon dos ne cille pas. Je sentais sa grande élégance sur moi pareille à une chape de plomb. Quoi que je fisse, j’étais perdu. Mais je n’avais aucune raison de lui faciliter la tâche. Il pouvait bien anéantir la dernière parcelle de mon amour-propre, j’étais à des lieues de m’en soucier à dire vrai. Sa mine réjouie ne me disait rien qui vaille. Mon compagnon avait d’autres cartes dans sa manche et je m’exposais à l’une de ses cruelles lubies. J’étais le beau jouet que l’on pouvait trimballer en tout sens, que l’on n’avait pas besoin de ménager. Il connaissait mes faiblesses. J’étais si vulnérable. Il ne ferait qu’une bouchée de moi.

    Je voyais le piège se refermer doucement, inexorable. Je m’étais mis dans le pétrin tout seul : abruti, pourquoi n’avais-je pu retenir mes mots ? J’en payais le prix fort à présent. « Je suis docteur, mais je ne signe pas encore d’autographes… » L’écrivain me poussait vers d’audacieuses contrées. Il exacerbait mon impertinence. Il avait réussi son coup. J’inspirai profondément. L’air frais me redonnait du courage. Rien ne pourrait ternir la beauté effroyable des cieux alors que l’astre du jour congédiait sa meilleure ennemie. Une esquisse fade d’un sourire sardonique étira mes lèvres. Finalement je trouvais agréable de m’adonner à cet enfantillage, soit me confronter à un fort caractère de si bon matin. C’était bien l’une des rares fois que quelqu’un parvenait à me faire oublier ce qui m’accaparait au quotidien. Je le remerciai intérieurement même si l’inimitié que je ressentais ne me quittait pas ni le goût d’amertume dans ma bouche.

    Je crapotais tranquillement tout en écrasant du pied l’empreinte farouche de son ombre qui s’allongeait sur le sol. J’avais suivi le chemin crapuleux et désordonné qu’il m’indiquait. Je ne me laissais pas distancer. Et tout en alignant la cadence de mon pas à la sienne, je déclarai avec indolence : « C’est une science récente que je ne peux négliger, mister. Mais je suppute en effet que de merveilleux sujets d’étude m'attendent… » Était-ce le genre de prémonitions qui présumaient de nos destins ? Allions-nous finir ainsi ? Hélas oui. L'Autre avait certainement deviné la situation. L'homme n'est pas fait pour l'immortalité et une série de plaisirs intacts. On en meurt forcément un jour, et si on ne le peut pas, alors...alors je ne préfère pas imaginer le pire. Le royaume de l'Absurde. Je me soustrais à cette vision d'horreur. Je n'étais pas encore prêt pour ça.

    J’avais visité des asiles. J’avais connu la démence dans ses plus viles représentations, ses effets dévastateurs, même chez les plus forts d’entre nous. J’y courrais de surcroît…Quant à Mr Applewhite, il pouvait s'estimer heureux. Il était peut-être légèrement atteint lui aussi, mais personne ne l'enfermerait dans une camisole de force, trop riche pour ce genre de traitement, trop tristement célèbre. Là n'était plus la question de toute manière, nous n'étions plus tout à fait de ce monde qui continuait de tourner à notre insu.

    Je le regardais sans le voir. Elle se tenait là, près de nous. Immobile. Mon Inséparable. Je m'égarais dans le velours de sa robe. Ma main chatouillait l'invisible. Je repris malgré tout mes esprits, je luttais contre l'Impérieuse envie de...Je bridai mes instincts délétères de la force de ma petite volonté et m'efforçai de me civiliser (autant que faire se peut) : « Les écrivains sont les mieux placés pour disséquer les âmes, je me trompe ? On peut difficilement leur mentir, des psycho-analystes sans le savoir en somme. » Je m'attendis à l'assaut vengeur, les retournements, la septième vague - la plus houleuse. Je me préparais psychologiquement, serrant le poing. L'énergumène avait le don de me prendre au dépourvu. Je m'échouerais sans doute à nouveau sur le rivage avant de me relever, plus déterminé que jamais.
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Et l’amour et la mer ont l’amer pour partage | Leopold G. Applewhite Empty
MessageSujet: Re: Et l’amour et la mer ont l’amer pour partage | Leopold G. Applewhite   Et l’amour et la mer ont l’amer pour partage | Leopold G. Applewhite EmptyLun 21 Mai - 18:06

" VOUS SAVEZ COMBIEN JE ME DECIDE VITE "


La promenade des premières classes m'était toujours apparue comme une estrade sur laquelle on aurait aligné des spécimens de choix, chacun présentant une psychologie particulière qui ne demandait qu'à devenir un objet d'étude. Lors de mes longs mutismes et de mes errances, j'avais croisé des femmes perdues, des hommes épuisés par leur condition pourtant si enviable aux yeux du vulgaire, ou des jeunes gens inconscients de l'avenir qui allait se dérouler sous leurs pas. Alors que la moitié de mon asile était désormais déserté, le naufrage en ayant laissé vivre quelques uns, mes spécimens se voulaient bien plus tourmentés et jamais les pages de mon carnet n'avaient été à tel point nourries. Même dénuée de la moindre présence humaine, la promenade me semblait habitée. Je ne crois pas aux spectres, ne croyant d'ailleurs que trop peu à mon propre état de fantôme, mais je me sentais suivi par les créations mentales des passagers eux-mêmes. Beaucoup parlaient seuls, dans l'attente d'une réponse que le vent pourrait peut-être leur adresser. Mon compagnon était lui aussi victime de ces hallucinations, de cet espoir futile. Je le plaignais, au fond, et déjà je m'étais promis d'écrire quelques longs passages sur notre rencontre, hasardeuse certes, mais ô combien enrichissante. Je venais de rencontrer l'égarement en personne. Quoique différents, nous étions proches, car nous avions tout deux un pied dans le monde des vivants. Croyant renouer avec lui, il s'adressait à ce qui n'était, à mes yeux, qu'un simple néant, tandis que moi, je ne me savais pas mort, mais prisonnier dans un monde étrange, un Purgatoire, pour une durée indéterminée. Les psychologies étaient devenues les maîtresses du Titanic et le paquebot de rêve était devenu un asile d'aliénés. Quant aux généralités du docteur sur le sort des écrivains, je comptais y mettre un terme, jugeant que ma faculté à lire en autrui était ma seule propriété. " Voyons docteur, vous savez comme moi que le travail sur les âmes n'est pas une conséquence de la plume mais celle d'un esprit aiguisé, quoique cela n'est pas encore suffisant. Je doute d'autre part qu'il s'agisse là de votre domaine de prédilection, vous auriez décelé en moi un calme qui, d'ailleurs, rend dérisoire que l'on serre ses poings en guise de défense. " Et alors que j'achevais ma phrase, mes yeux inquisiteurs se déposaient sur le poing de mon compagnon, un sourire amusé se dessinant sur mes lèvres, aussi lentement que le trait d'un dessinateur.

Les conversations savantes me manquaient à bord du Titanic. Les repas mondains n'étaient qu'échanges de rumeurs infondées, de critiques faciles et de convenances. J'ai toujours vécu dans le monde des savants et il ne se passait pas une semaine sans que je ne rencontre philosophes, écrivains renommés et autres poètes. Le docteur Crane me réjouissait. J'avais jusque là conservé un calme exemplaire et je m'étonnais moi-même à avoir si facilement dépassé ma phase de test. Je voyais que mon compagnon était jusque là resté méfiant et je ne pouvais l'en blâmer, moi-même conservait un retrait sans faille face à mes semblables, mais je me surprenais à croire qu'il se sentait bien à mes côtés. Peut-être lui aussi se réjouissait d'une conversation plus enrichissante que la couleur des nappes et la véracité des diamants.

" Cette femme devait avoir pris sa place dans votre coeur pour que notre errance ne la rende pas opaque à vos yeux. " Si mon intérêt semblait être en éveil, il ne s'agissait là que d'une manière de mettre ma nouvelle rencontre à l'aise et d'enrichir mes futurs écrits sur ce spécimen de choix. Je voulais aussi en savoir plus sur son compte, comme je le faisais à chacune de mes rencontres. J'étais depuis longtemps le marquis de Merteuil, pour le plaisir ou la désolation de Laclos, j'étais le maître de l’apparence, j'étais le culte de l’image. Si Catherine de Médicis s’est montrée sous la forme d’une veuve noire, j’ai voulu que la mienne soit brillante, glorieuse, celle de l’honnête homme, du galant, du charmant. Mais alors que je souriais face aux remarques des invités les plus dérisoires, j’imprimais par un regard réfléchi et attentionné les attitudes de ces orateurs venus pour m’arracher quelques sous. J’ai dans ma tête un répertoire et si le docteur Crane se voulait étranger aux rapaces qui tournoyaient autour de moi, il finirait lui aussi par y figurer. Cela ne signifiait pas pour autant un manque total de considération, au contraire, je m'étonnais à l'avoir porté rapidement en estime, même si sa faiblesse m'était apparue comme une évidence. Cet homme était perdu, nous l'étions tous. J'étais donc partagé entre la compassion et la méfiance. Mais tel était mon fardeau et ce depuis longtemps. C'était là mon secret et je savais le cacher, comme je dissimulais mes émotions. " Si l'on m'avait dit que je saurai entretenir une conversation enrichissante avec un médecin, je me serai peut-être davantage intéressé aux scientifiques. Bravo docteur, vous remontez l'estime que j'ai pu porter à vos compères ! " Je lui souriais, mes yeux ne détournant pas des siens.
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