♦ Que pensez-vous du Titanic? Il n'était qu'un luxe, un simple confort, que je m'étais offert pour moi et mes enfants, pour notre retour en Amérique. J'ai toujours voulu le meilleur et pouvoir monter à bord était une opportunité. Je ne regrette pas ce luxe que j'ai pour l'éternité, nous avons des draps propres, une cabine avec le confort moderne. Une douceur de vivre, qui me fait oublier l’amertume que j'ai à propos de la vie. Tout est dans l'apparence, mais je sais très bien, que tout est faux. Le Titanic pourrait être une barque, cela resterait la même chose. A ce jour, je déteste ce bateau et l'orgueil des Hommes d'avoir construits une telle chose. Aujourd'hui, nous en payons le prix fort.

♦ Comment avez-vous réagi en voyant que vous étiez mort, mais toujours sur le Titanic? J'avais imaginé autrement le paradis, plus beau, beaucoup plus sain pour mes enfants, je m'étais trompé. En mourant, nous avons ouverts les portes d'un triste Enfer. J'aurais voulu crier, hurler, taper, mais je devais sauver les apparences, être une mère douce auprès de mes enfants, ne pas leurs faire peur. J'essaye de leurs faire comprendre, que nous faisons un grand voyage. Étrangement, ils prennent la nouvelle bien plus facilement que moi. A mon réveil, j'ai tout de suite compris, que je serais prisonnière à jamais de cet endroit. Je déteste le Titanic.

♦ Aimez-vous fréquenter les autres classes du bateau ou préférez-vous rester avec votre groupe? Pourquoi? Auparavant, je jouais la comédie pour tous, j'étais derrière l'objectif et ne voyais personne. Pour les autres, c'était tout le contraire, ils pouvaient me connaître, sans que je ne puisse moi-même les voir. J'ai longtemps évité les plus pauvres, on me disait que ce n'était pas convenable. Les seuls que j'approchais, c'était les domestiques. Pendant très longtemps, j'ai pu être méprisante, hautaine, mais aujourd'hui, je respecte. Nous sommes tous morts et dans la même crainte de cette situation. Nous sommes tous humains, sans aucunes distinctions.

♦ Si tu avez la possibilité de quitter cet endroit pour réellement mourir, le feriez-vous? Pourquoi? Choisir la mort? Je pense que je ne ferais plus jamais ce choix, je préfèrerais vivre, plutôt que de perdre à nouveau mes enfants. Par contre, si je pouvais partir d'ici pour toujours et reprendre mon ancienne vie, je n'hésiterai pas une seconde, je me damnerai pour le bonheur de mes jumeaux. Je le sais, je n'ai plus rien à perdre et pour eux, je ferais n'importe quoi. D'ailleurs, j'aimerai tellement qu'ils soient dans un monde meilleur.

Son visage, vous le reconnaitrez peut-être, si un jour vous avez franchis les portes d'un cinéma. Qu'elle ait sourie, pleurée ou encore criée, vous avez pu voir son visage, sans le son. Vous l'avez peut-être aimé, voir détesté, mais connaissez-vous vraiment Mary-Ann Fleming? Ombre parmi les ombres, elle se cache derrière un sourire radieux, mais au fond, que pense-t-elle? Qui est-elle?

Tout commença avec une rencontre, celle entre John Fleming, noble anglais, avec une fortune assurée pour plusieurs générations et Elisabeth Jones, une jeune actrice de théâtre. Ils se rencontrèrent, lors d’un gala, donné à Londres, la belle Elisabeth avait été convié avec d’autres acteurs, intimidée, elle ne connaissait rien à ce monde. John fut tout de suite frappé par cette beauté juvénile, à la voix douce, qui vous enchantée, avec quelques babillages incertains. Il voulut l’épouser et après quelques bons arguments auprès de la famille, Elisabeth prit le nom de Fleming, ainsi que le titre de baronne de Salisbury. C’était un mariage fait dans la précipitation, où l’on croyait à l’amour, alors qu’il n’était qu’une simple passade. Quelques mois plus tard, John ne prenait plus plaisir à avoir l’exclusivité d’une seule femme, il prit donc des maîtresses. Elisabeth enceinte, ne put qu’assister à la débâcle d’un mariage, auquel elle croyait tant. L’enfant à naître était une fille, qui après un accouchement très facile fut prénommée Mary-Ann, son père l’aimait beaucoup, mais il n’avait pas vraiment l’envie de s’occuper exclusivement d’un enfant. Pour Elisabeth, le bébé qui venait de naître était une vraie bouée de sauvetage, ce poupon, elle le savait, serait son seul et unique moyen pour garder le prestige de son nouveau nom. La machine était lancée, John ne pouvait pas divorcer, encore moins avec un enfant qui lui ressemblait tant. Il était indéniable, Mary-Ann était une Fleming, elle avait hérité des cheveux bruns que tous les membres de la famille arborés et non la blondeur de sa mère. De plus, elle avait ce regard très sombre et cette peau si pâle, qui n’était pas sans rappeler la grand-mère de l’enfant. Par dépit, John ne vivait pratiquement plus au château, sauf pour voir sa fille, il préférait nettement rester à la capitale, là où il pouvait honorer la couche de plusieurs femmes et laisser libre cours à ses fantasmes de célibataire.
A l’automne de l’année 1881, alors que la petite Mary-Ann n’avait que quatre ans, on vient au château pour annoncer la mort du baron, durant une bagarre qui a mal tournée. Elisabeth ne pleura pas, elle avait vite comprise que le mariage n’était qu’un mot. John ne lui avait donné que quelques mois d’amour, la laissant après, seule avec des domestiques et un enfant. Au fil des années, la mère avait fini par devenir une femme froide, autoritaire, protectrice, réservant seulement sa gentillesse et son amour à sa fille. Cet amour étouffant empêchait la fillette de s’exprimer et de faire ce qu’elle souhaitait, tout allait dans le sens de sa mère. Après la mort du baron, le château devient sinistre, Elisabeth tâchait de faire prospérer la fortune de la famille, avec l’aide d’un intendant et apprit donc seule les tâches auxquelles devait s’acquitter une femme de bonne famille. Ces valeurs qu’elle découvrait, elle les apprit à sa fille Mary-Ann. Cependant, très vite, les domestiques finirent par remarquer que la fillette devenait comme sa mère, une enfant froide, sans joie de vivre et surtout qui détestait les hommes. Mary-Ann n’hésitait pas à dénigrer son père, qu’elle voyait comme un lâche, cette image, elle la donnera à tous les hommes qui croiseront sa vie.

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Quand elle eut dix-sept ans, sous les cris et les larmes de sa mère, Mary-Ann quitta le confort de la maison familiale, elle n’en pouvait plus de cet étouffement. Le petit oiseau prit son envol et alla donc faire son nid ailleurs. Elle était pleine de vie et de liberté et ne souhaitait qu’une chose recommencer sa vie loin de cette femme froide.
Tout comme sa mère, Mary-Ann avait une passion dévorante pour la comédie, le théâtre et surtout le cinéma. Pour elle, c’était l’invention du siècle et elle ne se passait pas des histoires muettes que les acteurs racontaient seulement avec leurs gestes. Elle commença sa carrière d’actrice au théâtre, sur les planches d’un petit théâtre londonien. Elle n’avait jamais été aussi heureuse. Ce furent ses plus belles années, loin de cette mère à moitié folle et loin de l’étiquette de la grande société anglaise. La jeune femme découvrit la vie dans les bas-fonds de Londres, l’alcool, les hommes, mais surtout une grande liberté. Dans son petit théâtre, elle gagnait bien sa vie, pas de quoi s’offrir le grand luxe, mais elle avait bien assez pour elle. Mary-Ann gagna vite en popularité et finit par accéder au plus célèbre des théâtres londoniens. Elle était douée, belle et pouvait faire ressentir n’importe quelles émotions aux spectateurs. Elle joua de nombreuses années, s’offrant ainsi le luxe d’une vie bien meilleure, tout cela grâce à son dur labeur. Des hommes, elle en avait connu certains, mais elle n’accepta jamais leurs demandes en mariage, l’existence de sa mère était une bonne leçon pour elle. Pour rien au monde l’actrice ne voulait lui ressembler. En 1900, la jeune femme eut l’opportunité de quitter le continent européen pour le Nouveau Monde et vivre son rêve américain. Elle rendit une dernière visite à sa mère, lui annonçant son départ, avec froideur. Elle n’eut aucuns remords à briser le cœur de cette femme aigrie. Mary-Ann quitta son ancienne vie sans se retourner, embarquant sur un paquebot luxueux qui la conduisait vers la notoriété.
Une fois arrivée à New-York, Mary-Ann était attendue, on la conduisit vers son nouveau logement. Quelques jours plus tard, après qu’elle ait visité cette immense ville, on la conduisit dans les studios de cinéma. Enfin, elle allait pouvoir réaliser son rêve, jouer la comédie à grande échelle. Cet univers lui plut tout de suite, tout comme l’homme qui la dirigeait. Rapidement, elle commença une liaison avec lui, alors qu’il la conduisait aux sommets de la popularité. L’anglaise était heureuse, mais tout finit bien rapidement, l’amour de sa vie périt dans un tragique incendie. Elle n’était pas seule, mais elle avait vite compris qu’un homme comme ça, elle n’en reverrait plus jamais. Un mois après ce décès, elle apprit qu’elle était enceinte. Cette grossesse, elle en fit sa force, la jouant même au cinéma, laissant aux spectateurs le loisir de décrypter ses sentiments. La future mère était soutenue par beaucoup de personnes, si bien qu’elle ne fut jamais seule. Le 28 juin 1902, Mary-Ann mit au monde des jumeaux, un garçon et une fille, qu’elle nomma respectivement Harrison et Lily-Rose. Ses enfants étaient son plus grand bonheur et malgré quelques relations passagères, elle n’épousa jamais d’homme. Elle préférait rester seule et libre, tout en continuant son travail d’actrice. Elle ne commit jamais les mêmes erreurs que sa mère, elle laissa à ses enfants une grande liberté, tout en jouant son rôle de mère protectrice. Avec eux, elle voyagea beaucoup, leurs faisant découvrir les merveilles de ce monde. La vie ne pouvait pas être plus douce. Le 15 février Elisabeth rendit l’âme. Mary-Ann qui se trouvait alors en Italie rejoignit l’Angleterre, pour enterrer la grand-mère de ses enfants. Elle put retrouver le peu de famille qui lui rester, mais aussi la demeure dans laquelle, elle a vécu dix-sept années de sa vie. Voulant s’en débarrasser, elle mit en vente le patrimoine familial et finit par retourner aux États-Unis, embarquant le 10 avril 1912, à bord du somptueux Titanic.

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Le Titanic devait être qu’un passage de quelques jours, le temps de traverser l’Océan Atlantique. Il n’était pas un caprice venant de cette femme riche, juste un paquebot, qui allait la ramener à sa nouvelle vie. Avec ses deux enfants, elle voyagea parmi les premières classes, choisissant le confort et le bien être pour sa famille. Bien sûr, son visage était connu de beaucoup, elle avait joué dans plusieurs films et les plus aisés étaient bien souvent ceux qui pouvaient s’offrir ce nouveau loisir. A bord, elle passa beaucoup de temps avec ses enfants, mais aussi en compagnie de la bonne société qui voyageait à bord. Elle n’avait pas perdu les rudiments qu’on lui avait instruit et malgré son envie de liberté, côtoyer les plus riches ne faisait de mal à personne. La journée, elle se promenait sur le pont, ou quand il faisait trop froid, elle restait dans sa cabine, participant aux jeux de ses enfants, bien contents d’avoir leur mère pour eux tout seul. A l’heure du thé, elle se rendait auprès des dames qui l’avaient invité à leurs tables, pour converser, mais aussi profiter d’un moment entre femmes. Au soir, elle prenait son diner, avec ses enfants dans le grand restaurant ou la salle de repas. Le soir du 12 avril, elle put profiter de l’agréable compagnie du vieux capitaine, qui allait prendre sa retraite après ce voyage.
Tout semblait parfait, pourtant le soir du 14 avril, alors qu’elle allait s’apprêter à dormir, on vint la déranger, pour qu’elle quitte sa cabine et s’habille chaudement, pour se rendre sur le pont des embarcations. La mère de famille n’eut pas plus d’explications. La gouvernante n’était point-là, elle réveilla ses enfants et les habilla tout en leur expliquant, qu’ils allaient faire un jeu. Mary-Ann ne voulait pas les effrayer, surtout qu’elle ne savait toujours pas ce qu’il avait bien pu se passer. En dehors de sa cabine, tout le monde semblait calme, elle croisa un homme et lui demanda plus d’explications, elle apprit l’affreuse vérité, le paquebot allait sombrer. Tout en traînant ses enfants derrière elle, l’actrice se rendit sur le pont des embarcations. A ce moment-là, elle comprit l’ampleur du problème, les gens se poussaient, certains criaient. La mère de famille tenta d’accéder aux canots, mais eut quelques déconvenues. Face aux pleurs de sa fille Lily-Rose, elle capitula. Mary-Ann prit alors une décision lourde de conséquence. Elle savait très bien, que seule, elle ne pourrait pas conduire ses enfants vers une vie sauve, à moins d’un miracle. Elle se donna alors un peu plus de sang-froid et retourna à l’intérieur du navire, pour aller jusque dans sa cabine. Celle-ci n’était pas verrouillée, probablement un oubli. Elle s’y engouffra et mit ses enfants en tenu de nuit. L’anglaise continua son sinistre rituel et raconta une histoire à ses enfants.
Elle savait que le navire allait sombrer et rien ni personne ne pouvait empêcher leur mort à tous, elle se moquait bien de souffrir, mais ne voulait pas que ses jumeaux connaissent une mort funeste. Une fois qu’ils furent endormis, elle les embrassa une dernière fois sur le front. D’un geste lent et hésitant, elle attrapa un oreiller et l’appliqua sur les visages de ses enfants qui dormaient côté à côté. Son cœur se brisait à chaque instant et malgré que ses enfants suffoquaient, elle continua jusqu’à ce qu’elle n’entende plus rien. Elle ferma alors les yeux et borda ses chers petits morts. Mary-Ann s’allongea à leurs côtés, les protégeant de sa douceur maternelle. La brune attendit que la grande faucheuse vienne lui prendre son âme. Elle mourut en criminelle.
A son réveil, elle était toujours dans la cabine, mais ne vit pas ses enfants. Elle crut tout d’abord à un mauvais rêve, mais en repensant à la veille, elle sut qu’elle était morte. Elle sortit alors du lit et quitta la chambre pour découvrir au salon ses enfants en train de jouer seuls. Mary-Ann ne put que pleurer de joie et les accueillir dans ses bras. Elle les aimait tellement, mais n’oubliait pas ce qu’elle avait été contrainte de faire. Brisée, elle garda pendant ces onze longs mois ses habitudes de mère heureuse auprès de ses enfants. Cependant, au fond de son cœur, elle était devenue une femme froide, qui regrettait amèrement cette vie qu’elle aimait temps. Pour elle, le Titanic était une prison, sa prison, pour la punir de son crime.