Sujet: L'avidité est un vice délicieux [PV : Esther] Mer 20 Juin - 0:55
ELOGE DE LA FOLIE
L'odeur du café et le doux fumet des macarons savent séduire les coeurs gourmands et les narines raffinées. Les hommes se sentent à l'aise lorsque leur postérieur se repose sur un coussin moelleux et que les jambes croisées se cachent derrière une nape qui aura été brodée de préférence. On se sent alors envahi d'une prestance qui n'est pas la nôtre, on croit baigner dans un mélange de douceur et de quiétude et alors, dès notre entrée en un tel lieu, nous quittons l'être que nous sommes pour se vêtir du costume de celui qui fut jadis un inconnu et qui est devenu notre autre. Nous le connaissons bien : il a une bonne posture et s'assure qu'aucune mèche rebelle ne vienne désordonner sa coiffure. C'est la perfection incarnée, le moindre faux pas sera pour lui un échafaud et son esprit se veut obligé d'agir ainsi, comme si une puissance spirituelle quelconque l'aurait puni pour avoir laissé traîner trois miettes sur son veston. C'est ce perpetuel bal masqué et je dois avouer, non sans retenue, que j'y participais sans trop me forcer car après tout, comme chaque être humain, j'affectionnais les macarons à la pistache et un chocolat chaud qui m'inspirait un peu moins de sadisme quant aux personnages qui naissaient sous ma plume.
Je me souviens d'une journée, aussi maussade que les autres, où mon rôle d'écrivain fut remplacé, en l'espace de quelques minutes, par une activité semblable à celle d'un enquêteur. J'étais seule à une table d'une petitesse qui ne faisait qu'accentuer ma solitude, cette douce solitude que je chérissais tant. Le lieu était presque désert, alors ma plume se sentait à son aise et bien vite je plongeais dans un monde fou, où les sentiments s'entrechoquaient, où la psychologie humaine entrait dans un déréglement dont la simple idée se voulait terrifiante. Je quittais le café parisien, ses lustres et ses tasses en porcelaine, et je me perdais dans un tumulte que je n'avais jusque là que trop peu exploité. Je crois, malgré l'horreur que cette affirmation m'inspire, que ma nouvelle vie sur le Titanic, si telle est l'expression la plus juste, commença vite à décupler mon imaginaire déjà fort nourri. J'avais autour de moi des spécimens de choix, des cobayes dont les troubles de l'esprit me réjouissaient car dès lors je faisais d'eux des objets d'étude et je me rendais compte à quel point la vie des mortels était pauvre en appréhension d'autrui. Je me créais un monde qui n'appartenait qu'à moi et dans lequel ces inconnus entraient contre leur gré, certes, mais dans une parfaite ignorance. Je crois que l'arrivée d'une certaine Esther Delmas dans ma "vie" m'a permis, à faible dose, d'aiguiser mes talents d'observateur. J'étais assis dans ce café quand une voix sembla interpeler celle que je ne connaissais jusqu'alors que de nom. Aussitôt que j'entendis cet appel, je détournais mon regard, non sans mal, de mon ouvrage, jusqu'à remarquer la présence d'une jeune fille, présentant le même air naïf que toutes celles de son âge mais j'esquivais cette once d'agaçement au profit d'un certain détachement. J'ai toujours eu la mémoire des noms, celle-ci m'a permis d'élargir mes contacts et je ne tardais pas à me remémorer un ancien compagnon parisien avec lequel je m'étais longuement entretenu sur l'importance du roman dans la vie des hommes. Il m'avait parlé de sa cousine, une certaine Esther, et m'avait fait savoir que toute la famille était sans nouvelle de cette dernière depuis fort longtemps. Ce fut tout ce que ma mémoire put m'apporter, peut-être l'attirance physique qui me liait avec cet homme m'avait aidé à faire renaître des souvenirs, mais cela me suffisait car j'avais de quoi interroger ma proie. Je finis donc par me lever et par entrer dans la conversation qu'elle semblait entretenir avec cette dame qui partit aussitôt après mon arrivée, à croire que je l'avais fait fuire. En homme poli, j'inclinais ma tête face à elle et lui adressais un sourire. Elle était si fragile, si abordable. " Pardonnez mon intrusion, mademoiselle, mais l'évocation de votre nom m'a alerté. Votre cousin m'a beaucoup parlé de vous et, si j'en crois ses dires, vous devez avoir des choses passionantes à me raconter, n'est-ce pas ? " J'étais direct et je manquais cruellement de tact. Je crois que l'avidité et le désir d'écrire sur cette histoire peu banale prenait le dessus.
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Sujet: Re: L'avidité est un vice délicieux [PV : Esther] Sam 23 Juin - 13:04
Un passé à retrouver.
Un nom peut cacher de nombreuses choses, une fausse identité, une personne provenant d’une famille très connue, ou encore une personne commune, dont personne ne sait rien sur le passé. Esther Delmas, tel était mon identité, je ne savais nullement ce que ce prénom et ce nom pouvait cacher ou encore signifier. Esther était la seule et unique chose dont je me rappelais après mon réveil. Quel réveil d’ailleurs, je me suis retrouvé du jour au lendemain dans les rues de Paris, avec des affaires, une carte d’identité, mais plus aucuns souvenirs. Je n’avais plus rien, quelques images flous, des cauchemars, mais sinon ma vie se résumait à un très grand vide. Pour vivre dans le présent, j’essayais d’occulter le passé, enfin ce qui en restait, je tentais de grandir, de vivre tout simplement. Je pense m’en être très bien sortie, j’étais toujours là, même si ma vie a étrangement évoluée depuis ma seconde naissance. J’avais fini gouvernante auprès d’une grande famille française, élevant comme une grande sœur une fillette et devenant une conseillère pour la baronne de Vaubernier. Ces deux personnes avaient été des repères pour mon avancée dans la vie, j’avais vécu à leurs côtés, j’étais comme devenu un membre de leur famille. Mais, puisque dans toutes les histoires, un évènement bascule nos vies. Les de Vaubernier, devaient se rendre aux Etats-Unis pour découvrir leurs nouvelles terres. Dès le début, ce voyage m’effrayait, j’avais depuis toujours une aversion pour l’eau et l’idée de monter sur un navire me faisait peur. J’ai pourtant capitulé face aux regards suppliants de la petite Emilie, comment lui résister. J’ai fait le voyage en seconde classe, mais étant une domestique, j’avais le privilège de me rendre en première classe pour la baronne et sa fille. Je tentais d’éviter le pont, mais la petite avait besoin de sortir, je devais donc faire face à mes peurs. Tout semblait bien se passer, mais le Titanic entra en collision avec un iceberg, je perdis la vie en refusant de monter à bord d’un canot de sauvetage, je mourrais seule dans ma cabine et je pense qu’aujourd’hui, mon corps repose à jamais, avec le Titanic. Tout comme mon corps, je suis toujours ici, à bord de ce luxueux paquebot, à bord d’un gouffre, qui m’effrayait chaque jour un peu plus. Ce Titanic était mystérieux, et ne ressemblait en rien au précédent. Je devais supporter la présence de l’eau omniprésente et je rêvais dès que je le pouvais d’une terre. Sentir la terre et l’herbe sous mes pieds me manquaient, tout comme les oiseaux que l’on trouvait en campagne. Ici c’était le calme plat, un monde marin que je ne supportais plus. Chaque jour, je me levais de bonne heure, les mêmes images en tête, celle d’une pièce noire, sans son. Je m’habillais et ensuite ma journée commencée. Le baron de Vaubernier étant le seul survivant de sa famille en vie, je me faisais un devoir de m’occuper de lui, mais le baron a changé, il est devenu un homme violent et il buvait bien trop. Je ne savais que faire, face à cette situation, mais il fallait absolument que je le sorte de ce gouffre sans fond. Je persévérais toujours à le servir, m’occupant de la propreté de sa cabine, lui parlant, même s’il refusait. Je devais le faire, au prix de n’importe quels coups. En ce moment même, je cherchais mon ancien patron, je fouillais chaque endroit de la première classe, mais je ne le trouvais nulle part, cela ne m’inquiétait pas, après tout cet homme était adulte, de plus, à bord de ce Titanic, on ne pouvait plus mourir. Je me décidais alors à chercher, dans un dernier endroit, le Café Parisien. Ici, je venais souvent avec la baronne et sa fille, qui adoraient toutes les deux retrouver un petit bout de France, à bord de ce navire anglais. Moi-même, je prenais plaisir à me retrouver ici, le café et les petits gâteaux y étaient très bons. J’entrais et je fis le tour de la pièce du regard, le baron n’y était pas. Je m’installais alors à une table et un serveur vint prendre ma commande. « Mademoiselle Delmas, que désirez-vous. » Je lui fis un charmant sourire et lui commandais un café accompagné de madeleines. La gourmandise était un péché, mais avec les de Vaubernier, j’avais découvert, les petites douceurs du quotidien, je m’étais découverte, une nature gourmande, depuis je ne m’en passais plus. En m’apporta, ma commande, puis, je trempais mes lèvres dans cette délicieuse boisson chaude au gout de Paris. Un homme s’approcha alors de moi, il disait avoir entendu parler de moi, par mon cousin. J’ouvris grand les yeux, j’étais choqué. Mon cousin ? Comment cela, peut-il être vrai ? Ainsi j’aurai un cousin, une famille ?
« Monsieur, cela peut être une erreur, je n’ai aucuns souvenirs de ma famille. Dis-je hésitante. Installez-vous s’il vous plait et dites-moi en plus sur cet homme que vous dites être mon cousin. Oh excusez-moi, mais je ne connais pas votre nom. »
Je ne voulais pas me montrer impatiente, mais pourtant, j’étais curieuse, si j’avais une chance de pouvoir enfin en savoir plus sur ma famille ? Je voulais tellement pouvoir recoller les morceaux de mon passé.
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Sujet: Re: L'avidité est un vice délicieux [PV : Esther] Dim 24 Juin - 21:54
LA MADELEINE DE PROUST
J'avais fait preuve d'une rare indélicatesse en me joignant ainsi à celle qui était devenue le centre de mon intérêt et si la surprise qu'une telle conduite de ma part provoquait chez moi, je me rendis vite compte que l'impatience d'obtenir une réponse favorable fut bientôt plus vive chez mon interlocutrice, alors que je m'étais attendu au plus mauvais accueil. J'ai toujours eu de nombreux contacts et l'attitude de ceux que j'étais censé connaître de nom ou de vue se voulait être la même : répondre avec un large sourire, faire preuve d'une politesse acceptable et se retirer délicatement d'une conversation peu divertissante. Le nouvel objet de mes attentions s'était montré fort différent et m'avait immédiatement pris comme témoin de sa propre vie. De toute évidence, la jeune femme cherchait des réponses et je semblais être le seul à pouvoir satisfaire sa soif de connaissance. Ne pouvant décamment pas décliner son offre, je m'assis en face d'elle avec toute la prestance que ma condition m'imposait et immédiatement mon regard se posa sur la commande de la demoiselle et aussitôt je compris que j'avais affaire à la bonne personne : de toute évidence, elle venait de Paris. Elle dégustait quelques madelines, lesquelles ne semblaient pas lui donner la même mémoire que celle de Marcel Proust. Prenant conscience de mon manque de spontanéité, je me pressai vite de me présenter : " Leopold Applewhite, mademoiselle. " J'ai toujours détesté les présentations, elles ne sont pour moi qu'un flot de paroles futiles, répétées chaque semaine à des inconnus qui auront vite fait de tout oublier et qui, deux mois plus tard, poseront les mêmes questions et s'étonneront encore de ce qu'ils auront déjà entendu. Alors je ne m'éternisais pas. C'était elle qui m'intéressait. Peut-être était-ce là la volonté d'écrire sur cette histoire singulière, les disparitions attirant toujours un large public dont je faisais parti, ou peut-être était-ce la simple idée de me sentir encore lié au monde des vivants, en me remémorant ce vieil ami, celui qui se devait d'être le cousin de la jeune et naïve Delmas.
L'idée de m'entretenir avec la demoiselle ne m'enchantait guère car je voyais en elle tout ce que la jeunesse m'inspirait : bêtise et insouciance. Déjà, les minutes semblaient s'écouler lentement et je dus lutter pour que mes yeux ne soient pas attirés par l'horloge qui trônait au-dessus du comptoir parisien. J'essayais de me montrer sous le meilleur jour possible et il me fallait désormais répondre aux interrogations de la jeune femme. " Aucun souvenir ? Comment peut-on n'avoir pas la moindre bribe d'un souvenir d'enfance ? " Malgré mon imagination débordante, j'ai toujours été rationnel, si bien que cette histoire me paraissait dénuée du moindre sens, mais je finis par vite me rattraper, mon but n'étant pas de la mettre mal à l'aise mais bien de la faire parler. " Si mes souvenirs sont exact, votre cousin était banquier à Paris, jouissant d'une situation confortable et d'une famille agréable, bien que déchirée depuis la disparition d'un de ses membres, vous. " M'avait-il vraiment parlé d'une Esther Delmas ? Je n'en savais rien et, à vrai dire, je me persuadais de la véracité de ce souvenir flou. C'était un contact avec un monde qui avait été le mien, c'était un souvenir. Je taisais les avances que m'avait fait ce dit cousin, avances que je n'avais qu'à moitié déclinées.
Je n'avais pas dormi la nuit qui avait précédé cette entrevue fortuite. Je vivais de plus en plus mal ma condition de fantôme et j'avais passé la nuit à errer sur les ponts des différentes classes et je m'étais assis à bord d'une automobile. Je ne saurai dire le temps que j'ai passé là, inerte, à fixer des yeux un point quelconque. Je voulais voir la neige, courir pour me protéger de la pluie, fermer mes rideaux à la venue d'un orage. Je voulais des invitations, des bains et des belles tables, des rires et des rendez-vous. Garder un pied dans un brin de raison s'avérait être une épreuve plus difficile jour après jour. L'écriture me maintenait en vie mais un jour, mes carnets finiraient par ne plus être vierges...
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Sujet: Re: L'avidité est un vice délicieux [PV : Esther] Lun 25 Juin - 19:41
Un passé à retrouver.
Leopold Applewhite, ainsi tel était le nom de mon interlocuteur. Ce nom ne me disait rien, à vrai dire cela ne m’étonnait guère, mon esprit faisait un réel blocage par rapport à ma vie passée. Je n’avais aucun nom, ni visage en mémoire. Je ne possédais que quelques souvenirs, très flous et sans réels intérêts et ce n’était pas ici que je pourrais identifier, cette mystérieuse pièce noire. En France, je faisais toujours bien attention de sortir à visage découvert, prenant le grand soin de ne jamais mettre des chapeaux trop grand, comme c’était à la mode. Je faisais cela, pour que si par miracle, je rencontrais une connaissance passé, qu’elle puisse reconnaitre mon visage. Cependant, le miracle n’était jamais arrivé et je restais toujours une jeune fille sans réel identité. Delmas n’était qu’un nom, je ne savais même pas s’il était réellement le mien, en tout cas j’en étais sur Esther était bien mon prénom. Un tel flou pouvait rendre fou n’importe quel humain, mais je ne me sentais pas comme les autres, même si je me battais pour en apprendre un peu plus sur ma personne, cela ne dérangeait pas ma vie, je pouvais très bien continuer à la mener comme je le souhaitais. J’étais devenu une bonne gouvernante, une conseillère et une domestique fidèle, pour moi, cela me comblait parfaitement. J’aurais très bien pu finir fille de joie dans un bordel, non ma vie n’était pas si mal que ça, j’étais même fière de moi. Pourtant, il me manquera toujours quelque chose, la vérité. Je ne savais pas si Mr Applewhite allait me l’apporter, en tout cas, cet homme pouvait très bien m’aider, ou encore m’apporter une piste, s’il avait entendu parler de moi, cela pouvait être vrai, on ne pouvait pas se tromper ainsi sur une chose si grave. L’homme s’étonna d’apprendre que je ne possédais aucun souvenir de mon passé. Il était vrai que cela pouvait paraître improbable pour une personne ne me connaissant pas, il fallait vivre dans mon quotidien. Devais-je m’expliquer auprès de cet homme inconnu ? Après tout, je ne connaissais que de vu Mr Applewhite avant ce jour et il faisait si brusquement irruption dans ma vie, que cela me déconcerté. Je pris l’une des madeleines se trouvant sur un petit plateau d’argent et je la goutais. Elle était tellement délicieuse, me rappelant des goûts que je n’avais pas connu depuis longtemps.
« Cela peut étonner Mr Applewhite, mais il est vrai que je n’ai aucun souvenir de mon passé, en dehors que quelques images très flous. La première chose dont je me souviens, c’est de mettre retrouvé à Paris sous une pluie battante. »
Je n’avais pas besoin d’en dire plus, après tout, je ne connaissais que depuis dix minutes mon interlocuteur. Je bus alors une gorgée de café, puis regardais un couple de personne entrer dans le petit café. Je me concentrais à nouveau sur la personne en face de moi, Mr Applewhite se mit à me parler de mon « cousin ». D’après ses dires, il était banquier et parisien, de bonnes situations, avec une excellente famille, la seule ombre au tableau était moi-même. J’avais du mal à y croire, mais pourtant, cela pouvait être vrai. J’avais une infime chance d’avoir un nom à mettre sur ma famille. Mais, je doutais. J’avais toujours du mal à y croire, pourquoi maintenant ? Après tout, j’étais morte désormais et jamais je ne rencontrerai cette famille. Cela ne pouvait plus se passer. A moins que… Non impossible, je ne pouvais croire en une telle chose, mais ce Titanic était si étrange, qu’il pouvait m’aider pour ce maigre souhait. Je fis alors part de mes doutes à Mr Applewhite.
« Monsieur, je veux bien croire en votre honnêteté, mais nous ne pouvons prouver cela, nous sommes ici à bord de ce bateau pour toujours et même si je souhaite plus que tout retrouver mon passé, j’ai beaucoup de mal à croire que ma famille m’attendait depuis autant de temps. Cependant, j’aimerais en savoir, plus, s’il était mon cousin, avez-vous quelques informations à propos de mes parents ? »
J’avoue être curieuse, trop probablement, parce qu’il se pourrait bien que Mr Applewhite ne sache rien à propos de mes parents. A force de voir des familles, j’imaginais souvent la mienne. J’avais pour hypothèse, qu’un jour une personne m’avait enlevé, ce qui expliquerait cette pièce si noire et que mes parents m’avaient recherché inlassablement. Mais cette histoire me paraissait rocambolesque et mon imagination était trop fertile.
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Sujet: Re: L'avidité est un vice délicieux [PV : Esther] Jeu 28 Juin - 14:28
LE GAGE D'UNE VIE NOUVELLE
J'ai toujours eu le don de me mêler de ce qui ne me regarde pas. Fin observateur et cultivateur du mutisme, j'ai passé toute ma vie à user de mon regard et de mes oreilles, cela m'a permis d'apprendre en profondeur qui était mon entourage et ce qu'il tâchait de cacher. Ces qualités que je possédais s'associaient à ma mémoire, si bien que personne n'avait de secret pour la personne que j'étais qui, en apparence, se voulait détachée et désintéressée. Je me trouvais là, face à cette demoiselle au passé troublé, en position de supériorité et je savourai une situation que je n'avais jusque là que trop connue. J'avais entre mes mains sa conscience du passé et si je n'avais pas eu une once ou deux de savoir-vivre, je me serai engouffré dans un tissus de mensonges mais j'étais trop accoutumé au pouvoir pour faire preuve de mégalomanie.
C'était la première fois que j'avais entre les mains un passé que mon interlocuteur ne connaissait pas. La demoiselle voulait des réponses et j'étais devenu son détective privé. Déjà mon imaginaire bouillonnait et je voyais en cet entretien un futur recueil, de quoi rendre ma plume encore plus active qu'elle ne l'était déjà. Dans une pose volontairement stricte, car je voulais maintenir cette froideur et ce détachement qui me caractérisaient, je tâchais de lui apporter satisfaction, tant bien que mal, me rendant compte du manque d'informations que je possédais : " Je ne connaissais malheureusement que votre dit cousin mais j'imagine que vos parents appartenaient au même monde. Si mes souvenirs ne me trahissent pas, votre cousin faisait souvent mention de soirées passées en famille dans un hôtel particulier près de la Concorde... " Je taisais le rendez-vous nocturne que j'avais moi-même eu avec ce potentiel cousin, dans ce même hôtel particulier, où la nuit avait été courte et les embrassades langoureuses.
Je décidais de revenir sur les paroles de mon interlocutrice car elles m'étaient apparues comme étant beaucoup trop fatalistes et je ne pouvais souffrir de telles paroles en ces jours où la perdition face à ma condition me guettait. " Vous parlez de notre errance comme s'il s'agissait d'un mal irréparable. Je crois que la croyance en un retour à la normale n'est pas trop ambitieuse. " Je ne pouvais plus croire en une errance éternelle et l'océan qui prenait le manteau du Styx était pour moi trop réel pour appartenir à Charon et mon caractère rationnel voyait en notre condition une forme déguisée d'un quelconque Purgatoire, dans l'attente d'un retour. " Il y a dans ce paquebot ce je-ne-sais-quoi d'humain, une attache au monde que nous connaissions et tout me laisse à penser que c'est là le gage d'une vie nouvelle qui, un jour, pourra se dérouler sous nos pas fébriles. Nous sommes les victimes d'un darwinisme bien cruel et si une puissance spirituelle quelconque existe en ce monde, elle a trouvé là un moyen de tester ses progénitures et ne gardera que les survivants, les survivants d'un voyage long et destructeur. " Et alors que nous semblions entrer dans des explications philosophiques sur la vie après la mort, je commandais un thé à la menthe et, à mon tour, quelques madeleines, non pas pour attiser une mémoire déjà active mais pour sentir ce parfum d'autrefois, du temps où je côtoyais un peuple bien plus vivant.
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Sujet: Re: L'avidité est un vice délicieux [PV : Esther] Sam 7 Juil - 19:41
Un passé à retrouver.
Comment croire, comment voir une vérité qui n’en était peut-être pas une. J’étais venue ici dans l’idée de retrouver mon employeur, puis pour boire un délicieux café, mais je n’avais que récolté des interrogations. Pourquoi maintenant et pas avant ? Ma famille aurait très bien pu me retrouver depuis longtemps, cela m’aurait permise de les connaitre, de me retrouver, mais aussi d’avoir une famille. Je n’aspirais qu’à cela et cette famille, je l’avais recherché dans les de Vaubernier. Cependant, sans la petite Emilie et sa sœur, je me retrouvais à nouveau bien seule. Mon employeur s’abreuvait d’alcool à longueur de temps et quand il était sobre, il se montrait des plus désagréables et encore par moment, il pouvait se montrer très violent. Bien sûr, aux yeux du monde, j’indiquais que mes coups provenaient de mes maladresses, même si, je n’avais jamais été maladroite de ma vie. J’écoutais Mr Applewhite me parler de ma famille avec un vif intérêt, il y avait peut-être le doute, mais cet homme pouvait très bien avoir raison, je me devais de le croire. De toute manière, je ne retrouverais plus jamais ma famille désormais. J’étais coincé à jamais à bord du Titanic et je pouvais très bien me permettre de rêver un peu à cette famille qui me manque tant. Mr Applewhite me paraissait être un homme sérieux, plutôt distant et froid, mais cela ne me dérangeait pas, il ne changeait en rien de mon employeur qui avait toujours été un homme froid. D’après ses dires, ma famille était riche, il ne connaissait pas mes parents, mais il avait ouïe dire que quelques soirées dans un hôtel particulier à la Concorde. Une telle richesse aurait-elle attiré les personnes les plus malfamés ? Ainsi j’aurais pu être retiré à ma famille, ce qui expliquerait cette horrible pièce noire. Je ne savais que penser, mais pourtant, tout pouvait être vrai.
« Eh bien, je ne peux croire que je possédais une telle famille, avez-vous peut-être des informations à propos de ma disparition. Une fille provenant d’une bonne famille qui disparait, cela a dû être couché sur les pages de certains journaux. »
Cela était vrai, à moins que ma disparition n’ait point été mentionnée à cause d’un certain scandale. Mon amnésie s’expliquerait ainsi. Pour corriger le vide de mon esprit, j’avais souvent pensé que je devais voir un psychanalyste. J’avais lu de nombreux livres à propos de Freud qui faisait ressurgir un passé bien trop enfouis. Mais, comme beaucoup de choses, il était désormais trop tard, à moins que comme par hasard, un psychanalyste ne se trouvait à bord du Titanic, mais de cela, je n’en avais encore jamais entendu parler. Mr Applewhite réagit à propos de mes dires, il ne pensait pas que nous allions errer à tout jamais à bord de ce paquebot. Sa théorie pouvait être bonne, mais j’avais beaucoup de mal à y croire. Comment pouvions-nous aller de trépas à vie. J’étais bien morte et je ne voyais pas comment cela pouvait changer. Ne connaissant pas ce qui pouvait se trouver après la mort, je me disais que ce paquebot enfermait en lui des êtres non aptes à passer de l’autre côté. Pourquoi certains sont vraiment morts et pas nous ? Ce choix ou cette liste avait quel sens ?
« Cela est vrai, mais quand je vois l’impasse dans laquelle nous nous trouvons et la chance qui a été offerte à certaines personnes d’entrer dans l’autre monde, je me dis que nous n’étions pas fait pour connaitre la paix. Peut-être que quelque chose ici, veut nous retenir, pour que nous devenions d’autres personnes. Je ne sais que penser que tout cela. Et vous quelle est donc votre théorie ? »
Je trouvais cette situation vraiment intéressante. Mr Applewhite était un homme intelligent et les mots qu’il utilisait appuyé ce côté savant. J’étais intrigué par cet homme, non pas par les révélations qu’il venait de faire, mais pas sa personne. Devant moi, il paraissait froid et très distant, mais il semblait pour autant assez intéressé par ma personne. Tandis qu’il commandait des madeleines et un thé, je croquais avec gourmandise dans celles que j’avais commandées. Ce goût me ravissait tellement, qu’il embaumait mon cœur de douceur.
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Sujet: Re: L'avidité est un vice délicieux [PV : Esther] Dim 15 Juil - 14:39
LA PHILOSOPHIE DES MORTS
Jusque là, j'étais pris. Mon cruel manque d'informations me rendait muet et je ne répondis aux nouvelles interrogations de la jeune femme que par une mine confuse. J'avais cru que notre conversation prendrait fin et que mon désir d'attiser mon imagination allait droit dans un mur, me laissant sur ma faim et dans un malaise détestable. Ma plume serait muette à son tour et cette simple idée éveillait en moi un élan de pourritures, une horreur pour mes sens, une idée à jeter.
Le destin joua un rôle dans cette histoire et alors que tout espoir s'était envolé, la jeune Delmas finit par rebondir sur mes dernières paroles et nous entrâmes alors dans un débat sur notre condition. Un débat philosophique sur cette aporie si connue : qui sommes-nous ? Aux yeux de tout ignorant, nous étions des âmes errantes condamnées à un Purgatoire éternel. Je voyais tout cela d'un autre oeil. Je croyais en un retour, en un renouveau. Je ne pouvais accepter cette condamnation si brutale et si inattendue à laquelle je n'aurai jamais pu m'accoutumer. Mon existence avait toujours été précise : mes premières idées et mes premiers points de vue étaient restés inchangés, j'étais resté sûr de moi, à jouir d'un certain pouvoir sur les autres tant mes réflexions se voulaient justes. Toutefois, la jeune Delmas, malgré cet aspect candide qui me l'avait rendu désagréable au premier abord, avait fait preuve d'une belle pensée. Sa vision de cette "paix" était sujet à méditer. Je quittai mon apparence détachée pour me rapprocher d'elle et j'affichais une mine des plus intéressées. Si son idée était intéressante, elle me semblait guère envisageable dans mon cas. Je n'ai jamais eu à me remettre en question. J'ai vécu dans une bulle insouciante autour de laquelle était attirée une foule d'individus qui, pour me plaire, s'adaptaient à ma personne pour me séduire et tirer quelques privilèges, même minimes. Là n'était pas ma seule préoccupation quant aux dires de la jeune femme. Longtemps j'ai cru en la culpabilité des hommes et jamais je n'aurai pu les voir justes et impardonnables. Que certaines personnes, choisies par la Grâce, aient pu échapper à ce Purgatoire, je ne pouvais le croire. " Je ne pensais pas trouver ici une personne aussi jeune et dotée d'aussi bonnes réflexions. Toutefois, vous connaissez comme moi ce dicton : personne n'est parfait, mademoiselle, ainsi je ne peux croire que certains hommes aient pu prétendre à la vie au détriment d'autres. Tous les hommes sont à blâmer. " Peut-être avais-je des oeillères, peut-être la vérité me paraissait intolérable. Mais je pensais avoir raison, du moins je préférais le croire.
On m'apporta quelques madeleines et un thé à la menthe, ces mets que j'avais savouré pendant des années en fin d'après-midi et bien vite, dès que ma langue eût frôlé la texture onctueuse de ces gourmandises, je me revoyais installé dans mon fauteuil, des pages vierges devant moi, une plume fatiguée d'avoir autant écrit, et les rayons du soleil pénétrant à travers les hautes fenêtres du boudoir. Ce temps là me manquait. Mais je revins vite au sujet qui nous faisait réfléchir, mon interlocutrice et moi-même. Mes nombreuses années d'études m'avaient appris à développer le triplet dialectique, posant ainsi le pour et le contre lorsqu'une question m'était posée. Je reprenais alors la réflexion de la jeune Delmas pour faire avancer ce qui paraissait être une aporie : " Peut-être sommes-nous dictés par le Titanic lui-même. Peut-être avons-nous accompli en son sein quelque chose qu'il nous faut achever ou changer. Rien à voir avec une métamorphose de notre propre personne. Ce paquebot a ce je-ne-sais quoi de diabolique : et s'il voulait se venger ? " J'avais égaré, sans le perdre totalement, mon esprit rationnel depuis quelques temps tant il s'était produit l'inexplicable à bord du navire et je voyais non sans mal tous les tours que notre condition pouvait nous jouer, désormais.
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Sujet: Re: L'avidité est un vice délicieux [PV : Esther] Lun 16 Juil - 22:00
Un passé à retrouver.
J’avais étrangement l’impression que l’attention de mon interlocuteur était de nouveau présente sur ma personne. Cela devait probablement venir de mon changement de conservations, peut-être brusque, mais la vision de Mr Applewhite sur notre condition m’intéressait. Cet homme était un homme de lettre, c’était indéniable et sa conversation n’était pas désagréable, même si son côté froid et peu intéressé aurait pu faire fuir n’importe qui. Par chance, je n’étais pas n’importe qui, enfin si, je faisais partie du commun des mortels, mais je me trouvais à part dans ce monde. Après tout, je n’avais ni famille, ni souvenir et pour beaucoup, je devais paraitre étrange. Pour moi, cette vie ne pouvait pas être plus mal qu’une autre, je n’avais aucune réelle attache en dehors de ma maitresse et de la petite Emilie. La vie pouvait très bien tournée ici, comme dans l’autre monde. Je levais mes yeux bleus vers le serveur et lui demandait à nouveau un café. Le premier avait été très bon et comme la conversation avec Mr Applewhite allait s’étendre un peu plus, autant commander une nouvelle tasse. En ce qui concernait ma famille, le mutisme de l’homme me fit comprendre qu’il ne pouvait répondre plus à mes questions. Ce n’était que mon cousin qu’il connaissait, non mes parents et j’avais probablement dû apparaître ainsi dans une vague conversation. Je n’avais été qu’un simple nom mentionné. Je souriais à Mr Applewhite pour lui confirmer que cela n’était point grave. De toute façon, je ne verrais jamais cette famille. Je pus connaître la vision de cet homme, qui d’ailleurs m’avoua être étonné de ma réflexion. Je lui accordais un sourire. Il était vrai que même si je n’avais plus de mémoire, j’avais toujours la connaissance, je lisais beaucoup, grâce à la bibliothèque bien remplie des de Vaubernier. Mr Applewhite de son côté avait du mal à croire que certaines personnes aient pu avoir la chance de voir l’autre monde, il considérait tout le monde comme responsable. Je bus une gorgée de mon café avant de lui faire part de ma réflexion.
« Tout homme n’est point à blâmer, certaines personnes ont eu une vie exemplaire, il n’y a certes pas que des bons ou des mauvais dans ce monde, mais certains sont réellement bons. »
L’homme commanda un thé à la menthe, cela me fit sourire, bien souvent les français se contentaient du café et de leurs côtés, les anglais restaient fidèles à leur tea time. Avec Mrs de Vaubernier, on avait toujours l’habitude de prendre notre café pour quatre heure, nous l’accompagnons toujours de quelques madeleines ou encore des gaufres et des macarons. Ces moments mettaient toujours mes papilles en ébullition, moi qui étais gourmande. Parfois, la petite Emilie venait nous rejoindre et elle s’installait avec ses peluches et poupées faisant elle-même son propre goûté, cela était si amusant. Cette petite fille pleine de vie me manquait tellement, mais j’étais heureuse que son innocence ait pu être préservée de ce drame. Mr Applewhite continua ses paroles tout en évoquant le Titanic en lui-même, il termina ses paroles par une interrogation, et si le Titanic voulait se venger. Une vengeance ? Pourquoi pas, après tout, le Titanic était un bateau spécial, unique en son genre, surtout maintenant. Il était hors norme et dépassé toutes les lois, que celles-ci viennent du Seigneur ou des Hommes.
« Une vengeance ? Pourquoi pas. Après tout, en construisant le Titanic ses constructeurs ont voulu aller au-dessus de tout. Certes, ce paquebot est magnifique et luxueux, mais son naufrage a du causer beaucoup de remue-ménages à l’extérieur. On le déclarait insubmersible, on a vu jusqu’où l’orgueil des hommes nous a amené. Aujourd’hui, le Titanic se venge peut-être de cet orgueil que nous avons eu à son encontre. »
J’étais en pleine réflexion, je me retrouvais captivé par cette conversation, qui je dois dire était plus que divertissante. J’en avais pas eu de telle depuis bien longtemps et j’espérais que d’autres pourraient venir les jours prochains.
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Sujet: Re: L'avidité est un vice délicieux [PV : Esther] Mar 17 Juil - 21:30
L'ESPRIT DU MORALISTE
Si ma nouvelle connaissance avait fait preuve d'un esprit fort aiguisé pour son âge, je retrouvais en elle la naïveté des jeunes gens, cette même naïveté qui les fait voir le monde comme un bienfait dans lequel vivent les bons et les mauvais. Je n'y croyais pas. Le monde et ses occupants ont toujours été pour moi souillures et fausseté. Je riais ouvertement aux dires d'Esther Delmas. Qui, sinon un esprit candide, pouvait croire en une bonté fervente en un seul homme ? Ces hommes et ces femmes qui, aux yeux du monde, faisaient preuve de la plus grande générosité, d'une charité inaténiable, je voyais en eux de parfaits opportunistes, usant de ce masque pour s'assurer considération et pérénité. Je ne pouvais laisser passer telles paroles, trop infantines à mes yeux et qui, au fond, me décevaient : " Sortez donc de ces chimères, mademoiselle. Vous savez comme moi qu'il est impossible de voir à travers les murs. Ceux qui se veulent si bons ont beaucoup à cacher ou à pardonner. " Aux yeux du monde, je pouvais paraître d'une rare pessimisme mais mes semblables sont ainsi faits. Je me souviens de ces rapaces qui, penchés sur mon berceau, voyaient en moi le parti idéal. Je me souviens de ces moqueurs qui voyaient en mon mutisme d'enfant une timidité qu'il fallait attaquer, alors que je scrutais leurs faits et gestes afin de les mater au moment propice. Je me souviens de ces pourritures, ces souillures du genre humain ayant vu en la mort de ma mère le meilleur moyen pour toucher une part de l'héritage. Je les haissais tous.
Nous étions là tels deux savants anglais dans un salon à l'heure du thé, ce moment que je chérissai tant dans mon Angleterre natale. Je retrouvais cette atmosphère que j'aimais quand je disputais de divers sujets avec philosophes, écrivains ou poètes. Nous avions quitté la philosophie, l'étude des moeurs et l'anthropologie et nous en étions toujours au Titanic, sujet que nous n'avions pas déserté, la demoiselle reprenant mes affirmations quant à la potentielle vengeance du paquebot sur nos pauvres êtres. Fort heureusement, la jeune femme fit à nouveau preuve d'un bon esprit car elle rejoignait là mes pensées. Dès mon arrivée sur le port de Southampton, j'avais vu en ce navire, que dis-je, ce bâtiment, l'orgueil des hommes m'était tout de suite apparu, tandis que mon entourage s'émerveillait. Le paquebot avait provoqué chez moi étonnement et admiration mais la méfiance était restée de mise. Je connais trop bien les hommes et leurs ambitions et je voyais là une volonté de briller plutôt que de voyager. Je ne pouvais pas contredire mon interlocutrice. " Vous avez vu juste. Ce monstre des flots est avant tout un monstre de fierté. J'imagine qu'à l'heure qu'il est, la White Star Line doit supporter gros titres insultants, plaintes et procès. Bien des survivants doivent rechercher ces personnes que nous côtoyons aujourd'hui. Peut-être votre famille perdue en fait-elle partie. La White Star Line, j'en étais certain, devait être en fâcheuse posture.
Cette jeune femme m'intéressait et j'avais fait la une rencontre constructive, moi qui me plaignait du manque de culture de ces messieurs et ces dames avec qui je passais de nombreux repas. Plus tard dans la journée, la jeune Delmas aurait droit à quelques lignes dans l'un de mes carnets : " Elle avait la candeur de la jeunesse, la fraîcheur de la virginité, la pudeur d'une Française, mais l'esprit du moraliste. "
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Sujet: Re: L'avidité est un vice délicieux [PV : Esther] Lun 23 Juil - 21:55
Un passé à retrouver.
J’avais beaucoup de mal avec la vision que Mr Applewhite avait des hommes, il semblait les trouver tous mauvais. Beaucoup de personnes cachaient des choses, on pouvait même trouver des nids de vipères dans le plus doux des foyers, mais les bonnes personnes pouvaient exister. Pourquoi donnait-on à certaines personnes le titre de saint, si elle n’était pas de bonnes personnes. Je savais que je prenais les cas les plus extrêmes, mais j’avais beaucoup de mal à croire que nous étions tous mauvais. Ainsi, j’avais l’impression que Mr Applewhite ne croyait pas en l’Homme. Nous n’étions pas parfaits, mais nous tentons d’évoluer. Si cela n’avait pas été le cas, jamais la France aurait abolie la monarchie. Nous évoluons et même si nous ne le faisions pas correctement, il ne fallait pas se montrer si pessimiste. Mon regard fut capté par l’entrée d’une mère et de ses trois enfants dans le café parisien. J’y avais l’habitude de l’y croiser depuis le naufrage. Elle était française et avait embarqué à bord du Titanic avec mari et enfants. Son époux voulait quitter la France pour faire fortune avec l’hydraulique aux Etats-Unis. Cette famille allait avoir un brillant avenir, mais le destin en avait décidé autrement, ils y avaient tous passé. Quand je voyais cela, je ne pouvais pas croire que dans leur petite famille se cachait de noirs secrets, ils n’avaient rien à cacher et tous ce qu’ils souhaitaient, c’était vivre heureux, ensemble.
« Ne croyez-vous pas en l’Homme ? » dis-je d’un ton solennel, mais à la fois particulièrement intéressé par la réponse que mon interlocuteur allait me donner.
Je pris une nouvelle gorgée de mon café terminant ainsi ma seconde tasse, je n’avais plus l’intention d’en prendre, j’étais repus de café. Jusqu’à la fin de cette conversation, je me contenterais donc de terminer mes délicieuses madeleines. Peut-être que Mr de Vaubernier passerait par ici, mais cela m’étonnerait, il était bien trop porté sur l’alcool pour boire autre chose. Je pourrais peut-être lui apporter du café ? Hum à voir. En compagnie de Mr Applewhite, j’avais l’impression d’être une savante, je n’avais pas l’habitude d’étaler ainsi mon peu de culture et encore moins avoir de telles réflexions en compagnie d’un brillant écrivain. Depuis le naufrage, je m’étais comme effacée, devenant ainsi un vrai fantôme, mais il semblerait que cela soit révolu. Cependant, je n’avais pas l’intention de changer, je resterais toujours la même jeune femme discrète, mais si je pouvais un jour participer à une autre conversation savante, je le ferais avec un réel plaisir. Avec mon interlocuteur, on en vint à parler du Titanic en lui-même, de « ce monstre de fierté », pour citer Mr Applewhite. J’étais on ne peut plus d’accord avec lui, le Titanic était un bateau d’orgueil. Avec celui-ci, ses constructeurs ont voulu dépasser la nature, voulant le rendre insubmersible. Il aurait pu l’être si nous ne naviguions pas sur un océan de glace. Cependant, au lieu d’avoir la réputation d’être insubmersible, le Titanic pouvait être fier d’égaler n’importe quel bateau grâce à son luxe sans pareil. Je ne pouvais que penser, avec un tel succès qu’à au ce paquebot, quelles ont pu être les retombés après la naufrage. Le scandale a dû sûrement ébranler la White Star Line et surtout les survivants les plus renommés. Dans de telles situations, valaient mieux disparaître ou encore mourir.
« Beaucoup ont du pâtir de ce désastre, les journaux ont sûrement été cherché un coupable, je pourrais parier sur Mr Ismay, l’idée du Titanic venait de lui et sa survie a dû faire couler l’encre sur le papier. En ce qui concerne ma famille, étant morte dans ma cabine, je ne pense pas qu’elle puisse localiser ma présence. Mon corps doit maintenant être bien flétrit, s’il existe toujours. »
Je parlais d’un ton neutre qui aurait pu choquer n’importe qui, mais Mr Applewhite n’était pas du genre à être choqué pour si peu. Ma mort quoique horrible m’indifférait et je me moquais bien de ce qui a pu advenir de mon corps, mon âme était ici, à bord du Titanic, avec bien d’autres. Pour ma famille, peut-être me cherchait-elle qui sait ? Mais qui aurait pu savoir que j’étais à bord ? Je n’étais pas moi-même sûre de mon nom de famille. Ma perte d’identité m’avait fait devenir une ombre parmi les ombres et pour ceux qui ont pu me connaître, j’étais devenu désormais, un simple visage qu’on avait oublié.
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Sujet: Re: L'avidité est un vice délicieux [PV : Esther] Mar 31 Juil - 14:11
L'HOMME, CET INCROYABLE VICE.
L'Homme. Quel étrange concept que celui-ci. Depuis toujours, il a été pour moi le bourreau et l'accusé, le prédateur et la proie, tournoyant autour de moi pour me saisir mais allant mourir au loin une fois que j'eus sonné le glas. J'aurai voulu être le juge de l'Homme et alors je l'aurai accusé de m'avoir condamné à une nudité sordide et détestable : la solitude. Il aurait été condamné avant même que le procès ne débute, à la manière de Marie-Antoinette, et rien n'aurait su le sauver de l'inévitable. L'échafaud ? Grands Dieux, non ! Pourquoi irais-je offrir une évasion aussi simple ? L'exil, voilà la punition car l'Homme en meute n'est qu'un loup assoiffé devant lequel il faut se protéger, comme l'on se protège d'une tempête ou d'un ras de marée. J'aurai pu dresser un portrait aussi funeste à ma jeune interlocutrice mais je me méfiais trop du genre humain pour oser un tel acte : elle m'aurait pris pour un ermite, ce que j'étais sous certains angles. Alors je préférais rester vague : " Je crois ce que le monde me donne à voir, c'est-à-dire un Homme sournois que l'on ne peut maîtriser et qui est capable du pire. Le Titanic n'est que le théâtre de ces affrontements, la ségrégation sociale est un bon exemple. "
Je voyais se vider ma tasse de thé et des madeleines il ne restait que quelques miettes habilement dissimulées sous une soucoupe, et au même moment Miss Delmas imaginait à quoi pouvait bien ressembler son corps, perdu au fond de l'océan. Une pensée me vint aussitôt : et si possédions-nous réellement un cadavre ? Et si nous ne faisions pas mouvoir ce même cadavre jour après jour ? À nouveau, ma thèse d'un retour futur à la réalité me hantait, car cette idée était pour moi la plus réconfortante et la plus optimiste, malgré mon naturel à broyer du noir. " Cesse de tout voir sous des angles aussi sombres ou la vie ne sera pour toi qu'une nuit sans fin ", me répétait ma mère alors que je n'étais encore qu'un adolescent.
La conversation était, à mes yeux, terminée. J'ai toujours été peu bavard, ne parlant qu'en cas de nécessité, affichant parfois un mutisme désarmant et, généralement, si je décidai que telle conversation prenait fin, on ne revenait pas dessus. Je me saisis alors de ma saccoche qui semblait vomir des dizaines de livres -malgré ma mort apparente, j'avais encore assez de force pour porter un tel poids-, et j'en tirai un petit volume à la couverture de cuir. C'était l'un de mes premiers ouvrages que j'avais centré sur l'étude des moeurs de cet Homme dont me parlait Miss Delmas, sur son être, sur sa vraie nature. Je niais alors la possibilité qu'il puisse exister un Homme naturellement bon et qu'il était par nature porté vers le vice. Bien que j'étais athée, j'allais même jusqu'à citer Adam & Eve : l'Homme, lui-même, avait choisi pour créateur deux pécheurs, condamnés à être chassés du Paradis. J'étudiais l'Histoire, les erreurs de l'Homme comme les massacres d'innocents à la Révolution, la Reine elle-même en est le plus bel exemple, les guerres innombrables, les conflits religieux aboutissant parfois au pire. J'étudiais la vie quotidienne, les injustices, les inégalités et la quête du pouvoir. J'étudiais les animaux et les trouvais bien plus sages que nous. J'étudiais tout. Et je dressais alors le portrait noir de l'Homme. Je finis alors par tendre l'ouvrage à Miss Delmas : " Un de mes premiers. Ne voyez pas là une critique gratuite de l'Homme mais bien ce que je considère comme la réalité. Gardez le, il a été édité plusieurs fois. " Je me levai puis pris le chemin de ma cabine, sans lui dire au revoir : mais après une telle rencontre, s'attendait-elle vraiment à un soupçon de sympathie de ma part ?
[HRP : fini pour moi, très bon RP ]
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Sujet: Re: L'avidité est un vice délicieux [PV : Esther] Sam 11 Aoû - 19:05
Un passé à retrouver.
Une rencontre fortuite au café parisien, devrais-je m’attendre à une quelconque amabilité de mon interlocuteur, alors que je savais qu’il n’avait aucune ombre de sympathie pour moi. Je n’avais qu’une étrangère pour lui, un simple pion qui tournait autour du sien, sans se confronter, sauf pour quelques petits croisements, qui pouvaient amener à une conversation. Nous étions à la fin de cette première rencontre, la conversation se tarissait, même si elle était des plus intéressantes. J’aurais aimé pouvoir disserter de nombreuses minutes en plus avec Mr Applewhite, mais il ne semblait plus enclin à la conversation, d’ailleurs son thé était terminé, tout comme ses madeleines. Moi-même je n’avais pratiquement plus rien, sauf de quoi prendre une gorgée de café. En tout cas, il était évident que l’homme ne semblait pas apprécier les Hommes en eux-mêmes, il ne tarissait plus d’éloge sur notre race et il mettait un point d’honneur sur la ségrégation sociale. Il était vrai que même après onze mois à bord de ce bateau, il y avait toujours des problèmes avec les premières classes qui avaient du mal à admettre la présence des plus pauvres. Pendant toute la durée de notre voyage, les dirigeants de ce paquebot avait mis un point d’honneur à séparer les classes, utilisant l’excuse que les troisièmes classes étaient porteurs de maladies. Certains étaient peut-être malade, mais désormais nous ne pouvions plus mourir, pourquoi donc se battre pour des idées qui n’avaient plus besoin d’être. Ellis Island, voilà la destination qui devait attendre les troisièmes classes de quoi bien marquer les différences entre les riches et les pauvres. Je préférais oublier tout problème et ne pas en parler. J’étais toujours dans le genre à m’éloigner des ennuis. Mr Applewhite finit alors par se lever, alors que je m’attendais à son départ, il me tendit un livre, l’un de ses livres, j’étais intrigué, mais j’acceptais le présent, après tout, cela me ferait une toute nouvelle lecture à me mettre sous la dent. Je remerciais avec un sourire l’homme et il partit, sans un au revoir. Cela ne m’offusqua pas, après tout, il ne me devait rien. Je feuilletais le livre à la couverture de cuir noire. Nous n’avions plus abordé ma famille, je ne savais toujours que penser de cela, mais je ne pensais pas obtenir un jour des réponses, à moins que ma véritable famille vint un jour sur le Titanic, où qu’elle y soit déjà présente, mais cela m’étonnerait, je connaissais tout le monde de vu ici. Je terminais ma gorgée de café, puis je me levais emportant mon livre et saluant le serveur qui m’avait si gentiment servit. Je retournais alors à ma cabine, rangeant avec beaucoup de précaution mon nouveau livre. J’étais pratiquement sûr s’avoir avec moi l’un des rares livres que cet homme a écrit. Peut-être que désormais il était connu dans notre ancien monde. Son égo en serait flatté, ça c’était sûr. Je le rangeais donc et sortais à nouveau de ma cabine, allant maintenant, vers d’autres chemins.
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Sujet: Re: L'avidité est un vice délicieux [PV : Esther]