Allongé sur le lit de la cabine que j'avais investis je réfléchissais. Les jours passaient inlassablement et semblaient de plus en plus se ressembler... Je savais que ce n'était pourtant que le début... Comment un si bon moment avait il pu si rapidement tourner aux désastres puis à la catastrophe ? Mon monde était parfait avant d'embarquer sur le Titanic, mais ce n'était plus le cas aujourd'hui. J'étais seul. Une bonne ou une mauvaise chose ? J'avais encore du mal à me décider ! Je n'avais pas retrouver Ariane et son absence me pesait énormément. Je ne savais pas ce qui s'était passé pour elle, s'en était elle sortit ? Je l'espérais et m'accrochais à cette idée, je l'avais vu disparaitre à travers la foule vers les canaux. Je l'imaginais continuer sa vie, attendre notre enfant, je lui souhaitais le meilleur même si ce n'était pas ce que j'avais imaginé pour nous.
Je décidais de me lever, ce n'était pas mon genre de me lancer dans de longues réflexions interminables, il fallait que je me remue un peu ! Je filais dans la salle de bain faire un brin de toilette, enfilais rapidement quelques vêtements dont une chemise et quittais la cabine. J'avais une destination précise en tête : La chambre que j'avais occupée avec Ariane. Je n'y étais retourné que très brièvement depuis cette nuit mouvementée, histoire de prendre des vêtements et deux ou trois choses. Mais il était temps que je reprennes les choses en main ! La vie continuait ... enfin façon de parler mais c'est un peu le même principe. Et puis franchement le lit était beaucoup plus confortable.
Je mis pas mal de temps avant d'attendre ma destination, je n'avais jamais réellement eu le sens de l'orientation comparé aux autres hommes et je me perdais assez facilement. Dieu merci j'avais pris des repères visuelles pour pouvoir ne pas trop m'écarter de mon chemin. Maintenant j'allais avoir énormément de temps pour m'y faire ! J'arrivais enfin dans le couloir où se trouvait les chambres des deuxièmes classes.
Clic. Je retirais doucement la clé de la serrure et posais ma main sur la poignet. J'hésitais. Était ce une bonne idée ? J'en doutais et craignais l'effet. Je me décidais pourtant... A l'intérieur tout était calme et rien semblait inhabituelle. Contrairement à ce que j'avais imaginé je fus envahis par un sentiment de tranquillité et de bien être. J'entrais et refermais la porte derrière moi. Je m'avançais dans la chambre et m'asseyais avec un manque évident de délicatesse sur le lit. Je posais mon regard sur chaque objet qui se trouvait dans la petite pièce. C'était mon "nouveau" chez moi.

Elle avait passé du temps à ruminer dans cette cabine où elle se sentait si seule, elle se sentait perdue depuis qu’elle avait perdu son mari, depuis qu’elle avait perdu son enfant. Elle ne connaitrait jamais la maternité, un esprit ne pouvait pas enfanter, c’était une idée totalement superflue mais une idée qui lui faisait terriblement mal. Elle aurait tellement voulu avoir l’enfant né d’un amour si sincère entre Nicolas et elle, mais c’était un rêve qui ne resterait qu’une utopie qu’elle ne pourrait jamais atteindre.

Elle s’était alors préparée normalement, elle avait coiffé ses cheveux, elle s’était habillée d’une robe légère puis parfumée avant de sortir prendre un peu de l’air. Elle n’arrivait pas encore à se rendre totalement compte qu’elle n’était plus vivante mais elle se faisait petit à petit à l’idée et il y avait certain avantage à ne plus à avoir des règles particulièrement strictes, elle pouvait faire ce qu’elle désirait quand elle en avait envie.

Elle sortit donc de la cabine après avoir refait le lit et elle se mit à déambuler sur le pont, sans réfléchir réellement où elle allait. Cela dura plusieurs minutes avant de rentrer dans le bateau allant rejoindre la bibliothèque, elle trouverait surement un nouveau livre qu’elle prendrait le temps de lire sinon elle risquait de s’ennuyer trop rapidement. Elle feuilleta chaque rayon avant de trouver son bonheur, elle s’assit dans un des sofas qui n’était pas loin d’elle.

Elle parcourra les premières pages avec avidité avant que ses lèvres ne s’entrouvrent doucement pour laisser échapper un bâillement, les yeux lui piquaient légèrement. Elle sentait qu’elle commençait à être fatiguer et il n’y avait qu’une chose à faire, retourner dans sa cabine. Elle refit le même parcours puis elle reprit la clé qu'elle avait avec elle et l'introduisit dans la serrure. Elle fut étonner que le verrou ne soit pas mis et elle ouvrit la porte très lentement avant de rentrer dans la chambre.

Elle resta figer sur place en voyant le jeune homme qui se trouvait là. Elle reconnut sa carrure musclée, ses cheveux blancs, son parfum enivrant. Elle en laissa tomber son livre, les larmes aux yeux.

- Nicolas ... Murmura-t-elle.

Je ne m'étais jamais posé de question sur la mort. J'y avais été confronté une fois par le passé, lors du décès de mon père. Il avait souffert pendant des jours entiers et il semblait la "vivre" comme une délivrance. Je m'étais donc fait une idée douce et reposante de celle-ci. Peut être était-ce des résidus de naïveté enfantines... Ma vie me convenait parfaitement, et j'étais trop heureux pour penser à des choses si morbides. Pourtant j'y étais confronté. Je suis mort. Je n'arrivais pas à me faire à cette idée. Je mangeais, buvais, me baladais et continuais de vivre comme avant... C'était un casse tête sans fin. Et puis il y avait l'absence d'Ariane, j'en souffrais énormément et espérais secrètement que c'était pour la bonne cause qu'elle s'en était sortit. Je priais pour que ce soit vrai et non pas une simple affabulation de ma part.

Dans la cabine je posais mon regard sur chacun des objets qui se trouvaient autour de moi. Chaque détail était gravé dans ma mémoire, même l'horrible petit sculpture qui était placé en face du lit. J'avais eu une dispute à ce sujet avec la femme que j'aimais. Je la trouvais hideuses et ne cessais de clamer que c'était une faute de goût. Avec de nombreux arguments elle avait réussi à me convaincre de la laisser là... Elle était arrivé à ses fins, mais secrètement j'avais imaginé le moyen de la casser par inadvertance... Une pointe de maladresse et le tour était joué. Mais aujourd'hui cette horrible chose était ce qui me rapprochait le plus d'elle. Je me levais et l'effleurais du bout des doigts. Toujours aussi affreuse.

Je lui tournais le dos et me dirigeais vers le lit et sous le matelas j'y trouvais mon livre de chevet. Je l'avais acheté quelques jours avant d'embarquer, mais n'avais guère eu le temps d'aller plus loin que les premières pages. J'avais préféré profiter de passer du temps avec ma femme et notre futur enfant. J'allais être père, du moins je l'aurais été. Cette idée m'avait tellement enchanté. J'entendis du bruit dans le couloir mais j'étais trop perdu dans mes pensées pour y faire attention. J'entendis le bruit de la porte qui s'ouvrait en couinant légèrement. Je me retournais : Ariane.

La surprise se lut sur mon visage, dans mes yeux. C'était bien elle, la même douceur marquait sur son visage, ses yeux si doux... Aucun doute là-dessus, elle n'était ni un rêve, ni un mirage. Je murmurais son nom avant de m'avancer vers elle et de la serrer contre moi. Je ne réalisais pas ce que cela signifiait pour le moment, trop d'émotions se bousculant en moi.

_" Mon amour."

Je profitais de son odeur, je passais ma main dans ses cheveux puis sur son visage. Je n'osais y croire ! Et puis la réalité me frappa brutalement. Sa présence ici ne signifiait qu'une chose : je n'avais pas réussis à la sauver ! Je murmurais :

_" Pas toi..."

Elle avait tellement souhaité qu'un des deux s'en sorte, elle pensait que c'était le cas pour lui, le temps aurait pu guérir ses blessures et elle aurait voulu qu'un jour il puisse à nouveau vivre normalement, il aurait eu plein de petits enfants et alors elle aurait été heureuse pour lui. Elle espérait dans l'autre cas, qu'il soit monter avec d'autres personnes, rares étaient ceux qui avaient gagné la lumière mais il avait tellement de qualité il méritait de passer de l'autre côté, de ne pas rester coincer à tout jamais ici.

Mais tout ce qu'elle ressentit quand elle se retrouva encercler dans ses bras étaient le soulagement. Elle se sentait tellement égoïste à cette simple idée mais elle ne voulait plus vivre sans lui. Il était l'amour de sa vie, il était tout ce qu'elle avait de plus cher au monde, elle avait perdu leur enfant, aujourd'hui il était tout ce qui lui restait, la personne la plus précieuse à ses yeux.

Sa voix la fit vibrer de tout son corps, elle se sentait en vie à présent. Elle caressa sa joue avec tendresse alors que les larmes coulaient sur sa peau pâle.

- Mon ange ... Je suis tellement désolée ... Je n'ai pas réussi ... J'ai été entraîné trop rapidement vers les canots ... Et je suis tombée, j'ai perdu connaissance ... Dans la panique personne n'a fait attention à moi, tout le monde ne pensait plus qu'à sauver sa vie ...

Elle nicha sa tête au creux de son cou, les sanglots devenant de plus en plus violents. Elle ne savait pas comment lui annoncer qu'elle avait perdu leur enfant, ils allaient être parents et elle aurait tellement voulu ça pour eux. Elle pensait qu'ils allaient arriver en Amérique, qu'ils s'installeraient quelque part et qu'ils verraient grandir leur fils ou leur fille comme elle le désirait tant.

- J'ai été ruée de coups ... Et j'ai fais une fausse couche ! Je n'ai pas pu me déplacer tant la douleur était forte et l'eau m'a engloutis ... J'espérais que tu ais plus de chance que moi mon amour.

Les choses ne s'étaient vraiment pas passé comme je l'avais imaginé. J'étais en train de serrer Ariane dans mes bras, ce qui signifiait une seule chose : Elle n'avait pas réussit à atteindre un canot, et elle était morte. Nous étions maintenant coincé tous les deux sur ce maudit bateau... Ensemble pour l'éternité. Le rêve des amoureux, c'est certain mais j'aurais sacrifié cet amour et bien plus si ça lui avait permis de vivre !

Je la serrais pourtant dans mes bras et profitais de ce moment comme si ce n'était qu'un rêve et qu'à l'instant où je la lâcherai elle disparaitrait à jamais. Je me sentais également égoïste... car j'étais soulagé et à la fois heureux qu'elle soit ici. Je me contredisais. Elle était terriblement précieuse à mes yeux, celle dont j'étais tombé amoureux et que j'avais épousé. Jusqu'à ce que la mort nous sépare... Et bien même ça n'avait pas réussis. Aucun doute nous étions réellement fait l'un pour l'autre, et le destin, aussi sinistre soit il, venait de nous le prouver ! Je sentis sa main passer le long de ma joue, je lui offrais un sourire alors que des larmes commençaient à baigner ses yeux.

Comme je l'avais imaginé elle n'avait pas atteint les canots. Dans la panique général elle n'avait pas été assez forte. Je m'en voulais de l'avoir abandonné mais je savais que jamais nous n'aurions réussis à nous quitter plus loin ! J'avais pensé bien faire, lui dire aurevoir rapidement pour l'empêcher de rester avec moi ... Sa voix se brisa alors que ses sanglots devenaient de plus en plus fort. Elle se nicha contre moi, je caressais ses cheveux :

_" Chut ... Calme toi ..."

Je l'embrassais doucement, et tentais tant bien que mal de la calmer. Elle reprit la parole. Elle avait perdu notre enfant... Je me sentis envahis par la tristesse et par d'autres sentiments plus noirs les uns que les autres, même si je réussis à rester neutre et rassurant. Construire une famille avec elle était mon rêve, et jamais il ne pourrait se réaliser. Notre enfant était décédé quelques minutes avant nous. Les autres passagers l'avaient tué... Je ressentais de la colère contre le reste du monde, contre ses égoïstes et contre moi-même. Jamais je n'aurais dû la laisser !

_" Jamais je n'aurais dû te laisser, jamais je n'aurais dû t'abandonner ! Je pensais tellement pouvoir vous sauver... pardonne moi !"

Je culpabilisais réellement, je me sentais responsable de ce qui était arrivé à Ariane. C'est moi qui lui avais proposé d'embarquer sur le Titanic, c'est moi qui lui avait promis une belle vie loin de nos soucis, avec nos enfants, mais jamais je ne pourrais tenir cette promesse. Si j'avais seulement pu la sauver, elle aurait pu avoir cela ! Elle aurait fini par trouver quelqu'un assez bien pour l'aimer... Elle m'embrassa, se serrant contre moi, dieu que je l'aimais. Je soupirais avant de murmurer :

_" Je sais.. Je sais.."

Je tentais de retenir le flot d'émotion qui m'envahissait. C'était trop, trop d'un seul coup, trop pour moi. Le contact de ses lèvres sur ma joue me réchauffa le coeur, elle avait le don de m’apaiser, de me faire sentir simplement vivant. Ariane était mon souffle de vie. Et nous allions surpasser cette épreuve j'en avais la conviction.
Je passais ma main sur son visage, posant mon front contre le sien :

_" Tu aurais été une très bonne mère... Tu me le prouve une nouvelle fois à l'instant. J'aurais aimé avoir un enfant avec toi, vieillir à tes côtés. Le destin en a décidé autrement. Les choses ne seront peut être pas celles que nous avions prévu, mais t'avoir retrouvé est déjà un cadeau inespéré ! La seule chose que je souhaite c'est être à tes côtés. Je t'aime. "

Je l'embrassais passionnément. J'allais mettre un point d'honneur à la rendre heureuse ! J'allais me plier en quatre s'il le fallait ! Je l’entraînais sur le lit, et m'y asseyais l'attirant contre moi. Je voulais savoir ce qu'elle avait vécue, ce qui s'était passée pour elle depuis le "retour à la vie".

_" Qu'as tu fais ? Que s'est il passé pour toi depuis ... ton réveil ? Raconte moi."

Ensemble, nous étions ensemble et c'est ce qui importait le plus à mes yeux maintenant ! Nous ne pouvions revenir en arrière, bien entendu j'aurais préféré être toujours en vie ou l'avoir sauvé, mais sans elle l'éternité aurait été la pire des tortures. C'était égoïste mais je l'avais à mes côtés alors même les plus gros obstacles peuvent être franchis. Elle me donnait la force de continuer à me battre.

_" Ensemble... A jamais !"

Le rêve de très nombreux couples. Nous nous étions mariés pour le meilleur comme pour le pire jusqu'à ce que la mort nous sépare... Et bien même elle n'y était pas arrivée ! Le rêve des amoureux, pas vraiment le mien ! J'aurais plutôt vu une longue vie à ses côtés et non une mort douloureuse compilé à une éternité sur un bateau qui a sombré. Je l’entraînais avec moi sur le lit avec de nous y installer plus confortablement mais déjà je me retrouvais allonger, poussé par Ariane. Je resserrais mon étreinte autour d'elle. Elle me rendait dingue ! Je passais mon bras autour de son cou puis lui prenais la main. Je lui posais des questions, je voulais en savoir plus sur ce qui s'était passé pour ma femme après sa mort. A mon avis nous avions besoin d'en parler et de nous libérer pour pouvoir mieux appréhender cette nouvelle "réalité". Elle se releva légèrement je ne pus m'empêcher de poser mes lèvres sur les siennes.

Ses premiers instants étaient semblables au mien... La peur, l'incompréhension, puis le retour des souvenirs semblant être issus de cauchemars. Et puis j'avais également pensé l'avoir sauvé, qu'elle était en vie et avec notre enfant. Mais ce qui attira réellement mon attention fut la deuxième partie : Son père et sa mère étaient morts et sur le bateau. Ca allait poser problème effectivement... Puisqu'au dernière nouvelle nous nous étions enfuis pour nous marier... Mauvais moi je vous le dis !

_" Tes parents sont ici ... Tu es certaine ? Enfin je veux dire... Ca fait pas un peu trop pour n'être que du hasard ? Qu'est ce que tu penses faire ?"

Je ne savais pas grand chose de ses parents, elle n'aimait pas sa mère et a des problème avec son père... En gros elle ne voulait plus les voir. Sauf que le bateau est grand mais pas immense non plus. Elle allait forcément les croiser. Je sentais l'atmosphère se tendre.

_" Peut être qu'il y a une raison ... ce n'est qu'une hypothèse !"

Je sentais que c'était un sujet houleux et que se lancer dans une telle discussion me propulserait sur une pente savonneuse. Je pensais en même temps à ma mère, elle savait que je partais pour l'Amérique, je lui avais envoyé une lettre avant mon départ... A quoi pensait elle en ce moment ? S'inquiétait elle pour moi ? Je ne l'avais pas revu depuis mon départ... Ariane me sortit de mes pensées en me retournant la question.

_" Et bien... comme toi j'ai ouvert les yeux dans une pièce que je ne connaissais pas mais qui pourtant me disait quelque chose... Et la réalité s'est doucement imposée. Je ne suis pas sortit au départ ou très peu ... Puis j'ai finis par commencer à m'y faire, et me voilà à tes côtés."

Je posais ma main sur sa hanche, et l'embrassais tendrement et amoureusement.