Sujet: Une rencontre sur le pont | Ambre Mer 20 Fév - 19:41
Ambre & Ann-Lizzy « Toute vie véritable est rencontre. »
Couverte de sueur, tremblante de la tête aux pieds, Ann-Elizabeth se redressa brusquement dans son lit. Un cauchemar. Encore. Ça lui arrivait de plus en plus souvent depuis quelques temps, depuis que la date anniversaire du naufrage approchait dangereusement. Passant une main dans ses longs cheveux bruns, elle regarda autour d'elle. Rien n'avait changé : dans la chambre des soeurs Lockwood, luxe et propreté allaient de paire. Si le lit double à baldaquin à la droite du sien était occupé par Victoria, vingt-deux ans, qui dormait paisiblement, celui à sa gauche demeurait vide depuis la disparition de son occupante, un an plus tôt, lors du naufrage. Soupirant, la Lady d'Angleterre se leva, veillant toutefois à faire le moins de bruit possible pour ne pas réveiller Victoria.
Elle était incapable de deviner l'heure. Quittant sa chambre pour le salon principal, elle s'attarda un instant sur les photographies qu'elle y avait accroché, un an auparavant. Combiné au jeu des lumières, le verre qui les protégeait devenait miroir, lui renvoyait l'image d'une jeune femme au teint pâle, aux cheveux en bataille, quoique dotée d'un maintien et d'un port de tête qui ne laissait aucun doute sur sa classe d'origine. Ann se détourna de son reflet et, remettant par réflexe de l'ordre dans ses boucles, observa avec plus d'attention les photographies. Londres. Istanbul. Paris. Pékin. Tolède. Rome. New York. Berlin. Vienne. Dublin. Jérusalem. Et tant d'autres. Tous ces voyages que son père et ses frères avaient accompli, qu'elle aurait aimé accomplir. Malheureusement, son premier voyage avait été le dernier. Quand ses yeux effleurèrent une image d'elle même encadrée de Marianne et Victoria, elle détourna les yeux.
Ann s'habilla seule, comme à son habitude depuis un an. Omettant volontairement de mettre son corset (elle avait toujours haï cela), Lady Lockwood enfila sa robe, laça ses bottines et attrapa sa veste noire avant de traverser ses appartements privés et de sortir. Elle avait grand besoin de quitter les lieux ; et Victoria n'aurait aucun mal à la retrouver.
Le Titanic était silencieux, preuve que la matinée venait à peine de commencer. L'anglaise se sentit soulagée : les nobles, par habitude, se levaient souvent tard, donc elle n'aurait aucune chance de croiser ceux qu'elle n'avait strictement aucune envie de voir. Manquerais plus que ça ! Elle songea un instant à aller prendre un livre à la bibliothèque, où a descendre chez les troisièmes classes retrouver ses amis, comme Georgiana, Bridget ou encore Lester. Ou à descendre sur le pont pour prendre le frais. Bref, n'importe où, sauf dans sa cabine. Finalement, sa dernière idée l'emporta et c'est avec vivacité qu'elle rejoignit la promenade des premières et secondes classes.
Là encore, il n'y avait que quelques personnes, les plus matinales sans doute. Ann chercha du regard une de ses connaissances, mais ne vit personne : pas de Mary, ni Lena, ni Scarlett, pour citer les personnes qu'elle aurait aimé rencontrer. Elle fit quelques pas et aperçut une jeune fille, sans doute guère plus âgée que sa chère Victoria, un peu à l'écart des rares promeneurs. La Lady l'identifia rapidement : c'était cette jeune chanteuse aveugle qui était tombée à l'eau lors des évènements pour le moins mystérieux de la piscine. Voyant qu'elle était sans sa canne et qu'elle utilisait le bastingage pour se guider, Ann-Elizabeth s'approcha d'elle.
"Excusez moi de vous déranger... Je ne voudrais pas me mêler de ce qui ne me regarde pas, mais qu'avez vous fait de votre canne ? Je... J'imagine que ça ne doit pas être aisé de circuler sans... Non ?"
Ann se sentit stupide l'espace d'un instant, mais se reprit vite. La jeune fille lui inspirait beaucoup de compassion. Espérant qu'elle ne se formalise pas de son entrée en matière pour le moins étrange, elle attendit sa réponse.
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Sujet: Re: Une rencontre sur le pont | Ambre Mer 27 Fév - 13:24
"Et tourne, tourne le petit cheval, et chante, chante la douce musique, et roulent, roulent les roues du carrosse, et tournent, tournent les grandes aiguilles, et court, court le cheval qui monte et descend, et chante, chante la douce musique du printemps, et tourne, tourne encore le manège, puis s'arrête, s'arrête le manège. Le fier cheval s'immobilise, le beau carrosse n'ira pas au bal, la musique ne chante, ne chante plus et le printemps est parti, mais les aiguilles tournent, tournent, tournent et tournent encore, elles n'attendront pas car à jamais le manège s'est éteint... Mais tournent, tournent les grandes aiguilles..."
Ses yeux sans regard se perdaient dans un coin de sa cabine plongée dans l'obscurité. Ses lèvres se mouvaient à peine pour chantonner cette petite comptine de son enfance qui offrait une ambiance lugubre à la chambre. Son visage n'exprimait rien, sa raison était égarée dans les paroles de cette chanson qui ne cessait de se répéter dans sa bouche depuis plusieurs heures telle une sinistre rengaine. Elle s'était brusquement éveillée d'un terrible cauchemar où se rejouait encore la mort de Dimitri sur le Titanic. L'effroyable détonation, la chute de son corps sur le sol, son souffle s'éteignant et la terrible sensation de se vie quittant son corps résonnaient encore à tous ses sens. Elle ne pouvait plus supporter tout cela, elle devenait folle. Elle sentait la folie gagner tout son être, sa raison se perdait peu à peu dans les ténèbres qui l'entouraient déjà. Le sol se dérobait chaque jour un peu plus sous ses pas. Elle ne connaissait plus la douleur et la terreur. Une peur irraisonnée et une souffrance qui déchirait sa poitrine. Il n'y avait que ces fragiles comptines qui parvenaient encore à la maintenir auprès des autres. Mais cela ne pourrait durer éternellement et elle savait qu'elle ne faisait que repousser l'inéluctable. Bientôt, elle perdrait sa conscience et la folie remplacerait la faible part raisonnée de son esprit. Elle serait engloutie comme le Titanic l'avait été depuis bientôt un an jour pour jour. La date de ce terrible anniversaire approchait et elle sentait qu'il marquerait la fin de sa lutte. Après cet évènement, elle sentait qu'elle n'aurait plus la force de se battre. Même pas pour Dimitri. Il lui avait été enlevé et plus les jours passaient, plus elle sentait que cela serait pour toujours. Un an de plus en son absence après avoir été séparés autant de temps ? C'était une réelle torture dont seule la réapparition miraculeuse du jeune homme pourrait la sauver. Il ne pouvait y avoir d'autres issues à cette situation. Elle préférait autant mourir que rester seule.
Oui, mourir. C'était l'unique solution ! Ambre s'arrêta subitement de chanter. Elle était fatiguée de cette vaine lutte, de ce combat qui ne la menait à rien. A quoi bon se battre s'il n'y a aucune récompense à la fin ? Elle ne reverrait jamais Dimitri sinon cela serait déjà fait depuis longtemps. Elle devait s'y résoudre. Il avait gagné le Paradis et pas elle. Elle n'en était pas digne. Elle ne méritait pas son honneur car elle avait laissé mourir Dimitri sans agir la nuit du naufrage. Il était mort en la sauvant. Une larme muette perla tout à coup sur la joue de l'aveugle. Elle ferma ensuite les yeux et plusieurs autres vinrent s'ajouter à elle sur son visage crispé par la douleur. Une douleur qui lui tordait les entrailles, qui saignait son coeur.
Lors de l'évènement de la piscine, elle était tombée à l'eau. Ne sachant nager, elle avait commencé par couler, puis l'espoir s'était soudain rappelé à elle. Un espoir désormais stupide et idiot qui l'avait fait remonter à la surface. Elle avait voulu vivre pour Dimitri. Quelle idiote ! C'était désormais trop tard. Elle ne le méritait pas, pas plus qu'elle ne méritait l'apaisement. Elle devait être punie.
Ambre se releva maladroitement, les membres engourdis d'avoir dormi dans une position aussi inconfortable. Elle s'était endormie sur le sol de sa cabine hier soir en chantant comme elle faisait à l'endroit mort où le corps de Dimitri gisait un an plus tôt. Elle pouvait encore sentir la chaleur du sang du jeune homme quitter peu à peu son corps pour former un long ruban écarlate de son étreinte avec l'eau glaciale de l'océan. Elle ne prit pas la peine de changer de vêtements. Elle portait déjà une robe blanche simple, ceint à la taille par un petit ruban rouge. Elle n'avait pas quitté ses bottines et elle ne jugea pas nécessaire de réajuster sa coiffure. Elle préféra laisser ses cheveux flotter dans l'air. De toute manière, à quoi bon se faire belle pour mourir ? Privée de sa canne depuis qu'elle l'avait perdue en tombant à l'eau, elle sortit de sa cabine et s'engagea à tâtons au-dehors des couloirs. Elle remarqua qu'elle était la seule à déambuler ainsi, lui indiquant qu'il devait être très tôt dans la matinée. Parfait, personne ne l'écarterait de son but. Elle était bien résolue à en finir même si une personne qui se suicide revient forcément à bord. Pourtant, elle était persuadée que pour elle, tout cela serait différent. Elle désirait cette mort si ardemment qu'elle viendrait. C'était une évidence. Atteignant enfin le pont, elle décida de s'engager vers l'arrière du paquebot, à l'endroit où se trouvaient les hélices. Elle se retint au bastingage pour longer le pont, le visage strié de larmes et les mains tremblantes quand tout à coup une voix s'éleva près d'elle. La jeune femme s’enquérait de l'absence de sa canne et de savoir si elle pouvait circuler aisément. Que faisait-elle ici à cette heure ? Toutefois, elle n'avait pas le temps de s'interroger. Elle avait autre chose en tête.
"Ma canne est désormais au fond de l'océan mais ne vous inquiétez surtout pas. Je saurai me débrouiller, fit-elle dans l'espoir de rassurer suffisamment la jeune femme pour qu'elle la laisse tranquille. Toutefois, sa voix était bien trop tremblante et tenaillée par l'angoisse pour qu'elle fusse convaincante. Une chose qui n'échappa pas à la Lady à côté d'elle.
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Sujet: Re: Une rencontre sur le pont | Ambre Jeu 28 Fév - 15:44
Ambre & Ann-Lizzy « Toute vie véritable est rencontre. »
Entendant la réponse de la jeune femme, la Lady resta interdite quelques instants ; pas tant à cause des mots en eux-mêmes, mais à cause du ton sur lesquels ils avaient été prononcés. Elle avait une jolie voix, une belle voix même, chose naturelle pour une chanteuse aussi renommée qu'elle. Si Ann n'avait pas le souvenir d'avoir assisté à l'un de ses concerts (en réalité, elle avait assisté à tant de concerts qu'elle peinait à se souvenir de tous), elle avait évidemment entendu les écho flatteurs du talent de la jeune artiste.
Mais la voix n'était pas grand chose sans le ton, et c'était précisément le ton des paroles de la demoiselle qui avait perturbé la Lady. Se débrouiller ? Elle n'avait pas vraiment l'air en état de se débrouiller ! Accrochée au bastingage, elle semblait plutôt sur le point de... Sauter ? C'était donc cela ? Elle avait l'intention de sauter ?
"Vous savez, sauter ne vous servira pas à grand-chose.... Vous risquez surtout de vous cogner la tête et de vous réveiller à l'infirmerie du navire avec un mal de crâne affreux. Si je puis me permettre, quels que soient vous problèmes, je doute que cela -elle désigna la barrière et l'océan en contrebas, puis avorta son geste en se souvenant que son interlocutrice ne pouvait pas voir- vous apporte une quelconque solution."
Et elle continuait de dire tout ce qu'elle pensait. La marquise Lockwood avait raison : sa fille aînée (du moins l'une de ses deux filles aînées) était irrécupérable. Ça tombait bien ; car Ann n'avait strictement aucune intention d'être récupérée, ou récupérable. En revanche, la jeune femme face à elle avait grand besoin d'être récupérée. Elle n'avait pas dû avoir une vie simple, pour désirer en venir à de telles extrémités. Ann reprit la parole d'une voix douce qui lui rappelait étrangement celle de Marianne, sa jumelle, disparue un an plus tôt et certainement toujours en vie.
"Et si vous vous éloigniez de cette barrière ? Ce serait sans doute le mieux, vous ne croyez pas ?"
Elle attrapa le bras de la demoiselle et la guida vers l'intérieur du pont comme on guiderait un enfant qui peine à marcher.
"Voilà qui est préférable, sourit la Lady une fois qu'elles furent éloignées du bastingage et du danger potentiel qu'il recelait. Puis, se disant qu'il était préférable de changer de sujet, elle demanda : "je vous connais de vue -Ann omit volontairement d'évoquer l'épisode de la piscine- et je connais votre nom de scène mais... Comment vous appelez vous véritablement ? Il m'a semblé déceler... Une pointe d'accent français. Seriez vous originaire d'outre-Manche... Si je puis parler ainsi, parce-que..."
Elle préféra s’interrompre avant d'avoir une parole malheureuse qui évoquerait à nouveau leur situation et ne manquerais pas de raviver les sentiments de son interlocutrice.
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Sujet: Re: Une rencontre sur le pont | Ambre Ven 1 Mar - 15:19
Ambre attendait que la jeune personne s'en aille mais aucun pas s'éloignant ne lui revenait aux oreilles. Manifestement, elle n'était certainement pas prête à laisser l'aveugle esseulée et surtout, sur le bon de sauter. Parce que c'était ce que la lady avait justement compris et c'était bien le motif du fait qu'elle ne comptait pas partir de sitôt. Sa voix se faisait douce, rassurante pour ne pas brusquer la pauvre chanteuse sur le pont de sauter. L'aveugle écoutait cette voix sans ciller. Tous ses membres tremblaient. Voulait-elle vraiment sauter ? Pourtant cela lui semblait être la meilleure solution. Il lui était toujours évident qu'elle parviendrait à trouver la vraie mort apaisante si elle se suicidait maintenant. Mais la jeune lady à côté d'elle n'était pas du même avis et elle pensait même tout le contraire d'une pareille solution. Elle ne gagnerait qu'un passage à l'infirmerie et un beau mal de crâne si elle faisait cela. Et pourtant, tout son corps voulait crier le contraire.
"Non ! Non ! Cette fois-ci ça doit fonctionner. C'est évident, sanglota-t-elle sur des inflexions de démence. Nous avons trop souffert ici, depuis bien trop longtemps. N'avons-nous pas droit au repos éternel ? Le Paradis nous est-il refusé pour payer les crimes commis dans notre vie ? Mais nous les avons purgé ! J'ai compris mes erreurs et maintenant il faut que je parte d'ici. Il m'attend. Puis sentant la folie que avait envahi ses mots, elle éclata en sanglots. Elle était horrifiée. Horrifiée par ce qu'elle venait de dire, horrifiée par ce qu'elle avait projeté de faire. Rongée par tant de démence, elle ne deviendrait bientôt pas mieux qu'Edward. Cette perspective lui arracha un petit gémissement de terreur qu'elle tenta de réprimer un apposant sa main devant sa bouche. Puis ses jambes se dérobèrent sous elle et elle s'affaissa au sol, l'autre moins toujours retenue au bastingage. Une fois encore elle fondit en larmes. Elle reposa son front sur la barrière métallique et froide de la rampe.
"Si je suis tellement désolée, hoqueta-t-elle. Il me manque tellement ! Je voulais tant le rejoindre. Je pensais que si je le désirais assez fort on ne pourrait pas me le refuser. J'ai peur, j'ai si peur. Je vais devenir folle"
Puis elle se tut sur un silence affligé et étreint de sanglots. La voix de sa compagne lui revint alors sur un ton apaisé, doux auquel l'aveugle se raccrocha de toute ses forces pour ne pas sombrer à nouveau. Elle voulait l'éloigner du bastingage, de tout danger car la Lady craignait pour ce qu'il lui restait de vie. Ambre ne protesta pas et même, l'aida à la redresser malgré ses maigres forces. Depuis combien de temps n'avait-elle pas mangé ? Dormi ? Elle n'aurait su le dire mais elle était sûre que cela devait bien longtemps. Elle la guida ensuite vers ce qui devait être l'intérieur du pont, moins reconnut-elle la direction vers laquelle allait la Lady. Ambre ne voulait plus que s'accrocher à sa voix mais aussi à son corps, à ses bras, à cette personne qui venait de la sauver. La jeune femme reprit ensuite la parole afin d'engager la conversation. Apparemment, elle connaissait l'aveugle de vue, mais aussi de réputation car elle lui demandait son véritable prénom. Certainement n'avait-elle dû entendre que le pseudonyme de "Amy". Elle avait aussi justement reconnu un accent français dans sa voix.
"Mon véritable nom est Ambre Roux, fit-elle en séchant ses larmes du revers de sa manche. Un nom typiquement français. Bien loin du nom de scène qu'on m'a octroyé."
Elle se força ensuite à peindre un sourire sur son visage rougis par les larmes. "Et quelle est le vôtre ?"
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Sujet: Re: Une rencontre sur le pont | Ambre Ven 5 Juil - 15:05
Ambre & Ann-Lizzy « Toute vie véritable est rencontre. »
Voir la jeune femme éclater en sanglot serra terriblement le coeur d'Ann. Elle déclamait des histoires de Paradis et d'Enfer, de fautes, d'expiation, de crimes, de quelqu'un qui l'attendait. Comme si elle avait pu commettre quoi que ce soit de mauvais dans sa vie ! Ann n'avait pas la moindre idée de ce qu'avait enduré la jeune chanteuse, mais elle se fiait à son instinct, qui ne l'avait jamais trompée. La grande Amy avait connu son lot de malheurs, son lot de souffrances. Interdite, elle ne sut quoi dire, jusqu'au moment où la jeune fille s'effondra, front collé au bastingage métallique. Une image lui revint en tête, alors.
Elle n'avait que sept ou huit ans, neuf peut-être, et était tombée de cheval. Elle s'était fait mal, certes, mais étant une enfant assez turbulente, ce n'était pas ça qui l'avait gênée. Ce jour-là, la petite Ann-Elizabeth avait eu la peur de sa vie. Elle s'en voulu un peu : comment comparer son existence tranquille, dorée et douce à celle de la chanteuse aveugle ? Cependant, un autre souvenir ce superposa à celui-ci : celui de sa mère, Isabeau, qui avait assisté à toute la scène. Protectrice et aimante, elle avait immédiatement accouru, et avait séché les larmes de sa fille. Sans vraiment s'en rendre compte, Ann sortit un mouchoir propre de sa poche et s'agenouilla aux cotés d'Amy. Avec toute la douceur dont elle était capable, elle essuya les larmes torrentielles qui inondaient son joli visage.
"Ce n'est pas grave, tout va bien. N'ayez pas peur, je suis là, tout va bien... Tout va bien."
Elle l'avait prise dans ses bras, la berçait doucement comme on ferait pour une enfant. Le genre de gestes qu'elle avait toujours eu pour Victoria, sa très chère soeur cadette. La jeune chanteuse ne devait pas être beaucoup plus vieille. Etait-ce pour cela qu'elle lui inspirait autant de compassion ? Mais il fallait être sans coeur pour ne pas avoir de compassion envers elle ! Elle disait devenir folle. Sans doute était-ce le cas. Certains vivaient la situation mieux que d'autres, et elle ne semblait pas bien la vivre du tout. Pour quelles raisons ? Dans un autre contexte, Ann aurait donné cher pour le savoir, mais en cet instant, ce n'était certainement pas sa priorité.
Elle fut soulagée quand finalement, la chanteuse se raccrocha à son bras et se laissa guider vers l'intérieur du pont. Finalement, que le pont soit désert était une bonne chose : la jeune femme n'aurait sans doute pas apprécié qu'un moulon de curieux s'approchent. Parfois, la foule était étouffante, et sans être médecin, Ann pressentait qu'Amy -si tel était son prénom- n'avait absolument pas besoin d'être au coeur d'une troupe de curieux. Au contraire, même, cela la paniquerait sûrement plus qu'autre chose.
"Mon véritable nom est Ambre Roux. Un nom typiquement français. Bien loin du nom de scène qu'on m'a octroyé. - Effectivement, c'est très différent. C'est un joli prénom que vous portez. Original, et vraiment beau."
Ann sourit en la voyant sécher ses larmes, et elle s'éloigna d'elle de quelques centimètres pour la laisser respirer.
"Je suis Ann-Elizabeth Lockwood. Un nom typiquement anglais", fit-elle avec un rire. "Mais vous pouvez abréger en Ann, c'est nettement moins long !"
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Sujet: Re: Une rencontre sur le pont | Ambre Dim 4 Aoû - 18:38
Aux Portes de la Mort,
l’Ange apparut.
Ambre avait failli accomplir un terrible geste. Un geste uniquement motivé par la folie et le désespoir. Elle se sentait doucement glisser vers les ténèbres. Elles appelaient l’aveugle à elles, leur chant était envoûtant, pareille à une berceuse. Elle voulait se laisser emporter vers ce monde qui lui tendait les bras et qui semblait être le refuge à la souffrance. Mais aux portes de la folie, la terreur broyait ses entrailles. L’éclat serein de la paix se transformait en une obscurité malsaine qui voulait l’arracher à ce monde. Le chant des cieux se muait en une litanie qui mettait au supplice ses oreilles. Tout n’était plus que chaos et ténèbres infernales ! Pourquoi donc Dieu avait-il choisi de faire les hommes moins puissants que Lucifer ? La chanteuse ne faisait taire que très difficilement ses pleures. Au fur et à mesure, elle sombrait de plus en plus profondément dans la folie et il était de plus en plus ardu de l’en sortir. De lourdes séquelles s’ajoutaient à chaque faiblesse de son âme. Ambre n’était pas assez forte. Seule Amy l’était et elle savait que bientôt elle reprendrait le dessus sur elle. Amy était une nouvelle part d’elle-même qu’elle s’était forgée au cours des années. Amy était un fantôme dépourvu d’émotions et de sensations. Elle ne pouvait souffrir, elle ne pouvait faillir. Et si Ambre voulait rester intacte dans ce monde, elle devait s’effacer à jamais et laisser la place à Amy. Dans cet enfer, seuls les plus forts survivaient et Ambre n’en faisait pas parti. Elle ne serait qu’un bien lointain souvenir, perdue dans les confins de son âme sans espoir de revenir à la surface. Ambre devait s’éteindre au profit d’Amy. Bientôt, la transformation s’accomplirait pour toujours.
Dans sa faiblesse, Ambre avait failli accomplir une folie dont la jeune inconnue était parvenue à la tirer. Elle l’avait arrachée aux portes de la mort et lui avait offert de respirer l’air pur à nouveau. Elle était sur le pont, tremblante et sanglotante, mais en vie. La lady essuyait ses larmes comme une mère l’aurait fait avec son enfant. Ambre n’avait jamais connu cela. Elle n’avait jamais connu l’amour d’une mère. Ce doux sentiment de sérénité qui l’envahissait lui faisait cependant songer que les enfants devaient certainement ressentir ce genre d’émotions dans de pareils moments. La lady trouvait son nom beau et original. La chanteuse s’étonna de cette remarque, bien qu’elle n’y ait jamais réellement songé. Ce nom était un peu comme ceux qu’on donnait aux orphelins. C’était un nom que sa mère n’avait pu lui choisir. C’était un nom en mémoire de sa mère, non pour nommer un enfant. Elle vivait dans le souvenir de sa mère. Elle portait ce nom qui n’était qu’un hommage pour elle et elle avait dû survivre dans un monde qui ne voulait pas d’elle. Alors pourquoi avait-elle vécu aussi longtemps ? Pourquoi avait survécu pour vivre une vie comme celle-là ? Payait-elle d’avoir ôté la vie à sa mère en naissant ? Ce petit ange qui était morte, si pétris de douleur par l’abandon de l’homme qu’elle aimait, qu’elle n’avait même pas voulu se raccrocher à la vie pour son enfant. Ce nom elle n’en voulait pas. Amy était peut-être bien mieux après tout. La jeune femme se présenta alors. Ann-Elizabeth Lockwood. C’était un long et beau prénom qui rappelait sans conteste ceux de la grande bourgeoisie. Pourtant, son comportement était simple, naturel, bien loin des attitudes guindées de ce milieu huppé. Elle faisait même de l’humour en reprenant les paroles de l’aveugle. Elle en fut d’abord étonnée, avant de laisser échapper un petit rire à son tour. Sa joie était si communicative.
« Je m’excuse d’avoir eu un tel comportement. Ma réputation de chanteuse mystérieuse et sombre me précède et pourtant, aujourd’hui je suis à vos yeux qu’une âme torturée et étreinte de folie face à tout ce que nous avons perdu à bord de ce navire. Avez-vous perdu des êtres chers vous aussi à bord de ce paquebot ? »
Sa dernière phrase menaça de s’achever dans un sanglot, et les larmes lui montèrent à nouveau aux yeux. Elle songeait à Dimitri. Au seul joyau de sa vie qui lui avait donné l’impression d’être désiré et aimé, mais qu’elle l’avait perdu à tout jamais dans les eaux glacés de l’océan.
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Sujet: Re: Une rencontre sur le pont | Ambre Jeu 22 Aoû - 13:56
Ambre & Ann-Lizzy « Toute vie véritable est rencontre. »
Ce fut un vrai soulagement pour Ann-Elizabeth quand la chanteuse se mit à rire. C'était un petit rire, certes, mais c'était déjà un bon début. Si Ambre pouvait aller mieux, ne serait-ce que quelques minutes, c'était déjà ça, non ?
" Je m’excuse d’avoir eu un tel comportement. - Ne vous excusez pas, ce n'est pas grave. Vous n'avez rien à vous reprocher."
Bien sûr que si, c'était grave, mais Ann pensait sincèrement qu'Ambre n'était pas pleinement responsable de son acte. Seule une personne tenaillée par de douloureux secrets, poursuivie par des ombres dont la lady ne pouvait que soupçonner l'existence, en venait à de telles extrémités. Une personne qui, comme elle, n'avait jamais eu a quitter le doux cocon familial ne pouvait décemment aller jusque là.
C'était pourquoi elle prenait tant à coeur d'aider Ambre : c'était aux mieux lotis de protéger ceux qui étaient dans le besoin. Or une personne prête à tout pour se donner la mort était forcément dans le besoin... De quelque chose. Ce n'était pas l'argent qui devait poser problème à Ambre, le succès de la Grande Amy dépassait les frontières de l'Angleterre, voire de l'Europe, d'où la tournée américaine. C'était autre chose dont avait besoin Ambre. Quelque chose qu'Ann pouvait lui fournir ? Sans doute pas, mais ça valait la peine d'essayer.
" Ma réputation de chanteuse mystérieuse et sombre me précède et pourtant, aujourd’hui je suis à vos yeux qu’une âme torturée et étreinte de folie face à tout ce que nous avons perdu à bord de ce navire. Avez-vous perdu des êtres chers vous aussi à bord de ce paquebot ? - Oui... Ma soeur", fit Ann avec un léger sourire, non dénué de tristesse, comme à chaque fois qu'elle évoquait Marianne. "C'était ma jumelle, elle était tout pour moi. J'ai aussi perdu mes frères, et mes parents... Hé, ça va ?"
Ambre avait des larmes pleins des yeux. Ann repensa alors à ses paroles ; une âme torturée, étreinte de folie, cela était-il a cause d'une perte, une perte survenue la nuit du naufrage ?
"Vous aussi, n'est-ce-pas ? Vous avez perdu des êtres chers ? Rares sont ceux qui n'en ont pas perdu, je crois. Le Titanic nous aura prit beaucoup. Beaucoup plus que l'Histoire l'aurait voulu. Beaucoup trop, si vous voulez mon avis."
Ann eut une pensée pour les siens, bien vivants, à New York peut-être, ou a Londres pour certains. Sans doute Thomas était-il rentré à Londres, lui qui aimait tellement son pays. Ils avaient été si proches, lui, Marianne, Victoria, et elle-même, Ann-Elizabeth. Et, au loin, se dessinaient les visages flous de William, de Nicholas, de leurs parents. Ils lui manquaient, assez étrangement. Sa mère et son sourire, son père et sa passion des livres, ses frères avec leurs défauts et leurs qualités, et sa soeur... Sa soeur, sa jumelle, sa moitié, son double et son opposé. Heureusement, Ann avait Victoria, leur cadette. Elle s'y raccrochait de toutes ses forces, car sans elle, elle serait probablement dans le même état qu'Ambre.
Le Titanic, en réalité, avait détruit leurs vies, qu'ils le veuillent ou non, qu'ils aillent bien ou non.
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Sujet: Re: Une rencontre sur le pont | Ambre Ven 30 Aoû - 22:29
Aux Portes de la Mort,
l’Ange apparut.
Ambre avait tant perdu au cours de son existence qu’aujourd’hui elle ne possédait plus rien. Le Titanic n’avait eu à lui enlever que son semblant de vie. Mais si elle faisait peu cas de sa vie, c’était bien l’enlèvement de Dimitri qui faisait d’elle un être déchirée, anéantie. Il lui avait été arraché de la plus cruelle des manières et ce paquebot maudit n’avait même pas eu la décence de lui accorder de mourir avec lui. Elle était contrainte de rester une âme errante à jamais sur ce paquebot, prisonnière de sa souffrance. Elle était perdue, seule, totalement détruite. Si elle n’avait jamais trouvé beaucoup de sens à son existence, elle en trouvait encore moins désormais qu’ils se trouvaient tous à bord du paquebot. Devaient-ils payer leurs crimes ? Mais quel avait été celui de l’aveugle ? D’avoir conduit à la mort de sa mère ? De s’être enfuie de son père ? De n’avoir pu sauver Dimitri par deux fois ? Et de n’avoir pu empêcher la mort de Swan ? Elle avait pourtant tenté de les séparer mais elle s’était rapidement fait repoussée par Edward, la forçant à être l’impuissante spectatrice d’un fratricide.
La liberté, que de crimes commis en son nom ! Et c’était toujours cette quête de la liberté et de la richesse qui avait poussé Edward aux pires actions. Elle avait au moins le contentement de se dire qu’il ne se trouvait plus à bord. Il n’était plus là pour l’effrayer de sa présence et faire d’elle son esclave. Mais qu’était le soulagement de le savoir loin face à la douleur de la perte de Dimitri. Ce n’était rien. Rien du tout…
Mais Ambre n’était pas la seule à avoir tant perdu sur le Titanic. Ann-Elizabeth, la charmante jeune femme qui se trouvait à son côté lui annonça qu’elle avait perdu sa sœur jumelle, ses frères et ses parents. La tristesse pointait dans sa voix. Le monde était si cruel. De nouvelles larmes assaillirent les joues de l’aveugle.
« Oui, tout va bien. » la rassura Ambre en ravalant ses pleures. « Vous semblez avoir une bien grande famille, Ann. Leur perte a dû être déchirante. Moi je n’ai jamais connu la chaleur d’une famille. J’avais bien autrefois la compagnie de mon père, mais j’ai malheureusement dû le fuir. Mais comment se fait-il que vous n’ayez pu survivre au naufrage ? Vous semblez pourtant être une première classe, une femme qui plus est. »
L’aveugle était en effet étonnée. Toute sa famille avait survécu et cette jeune femme non. Pourquoi donc ? En plus son rang aurait certainement dû lui prévoir une place privilégiée dans les canots de sauvetage. Qu’avait-il bien pu se passer ? S’était-elle retrouvée coincée à un moment du naufrage ? La chanteuse pensa alors à toute la famille qu’elle avait laissée derrière elle. Ses parents, ses frères et sa sœur devaient autant la pleurer qu’elle ne les pleurait. Mais en plus, elle se retrouvait seule sur ce bateau alors qu’eux avaient au moins la satisfaction d’être tous ensembles. Comment avait-elle pu supporter de se retrouver si loin des siens ? Elle admirait sa force et son courage, elle qui n’avait jamais su être brave.
« Vous aussi, n’est-ce pas ? Vous ave perdu des êtres chers ? Rares sont ceux qui n’en ont pas perdu, je crois. Le Titanic nous aura prit beaucoup. Beaucoup plus que l’Histoire l’aurait voulu. Beaucoup trop, si vous volez mon avis. »
A cette remarque, les prunelles de l’aveugle brillèrent de larmes. En effet, le Titanic lui avait pris beaucoup, même si elle pensait que c’était aussi en parti de la faute d’Edward. Mais elle n’était pas la seule. Combien avaient été séparés des êtres qui leur étaient chers ? Etant obligé de vivre une éternité dans la solitude ? Bien trop à son avis.
« Oui, le Titanic fut un fléau dévastateur qui semble n’avoir épargné personne. » répondit la chanteuse, la voix étranglée de sanglots. « Il nous a tout volé, nous réduisant à une existence digne des enfers dans la solitude la plus totale. Seuls les mauvais semblent avoir survécus, quant aux bons… ils sont morts. »
Ses paroles s’évanouirent dans un sanglot. Ambre referma ses bras autour de sa poitrine, comme si la douleur allait faire exploser cette dernière.
« J’ai perdu l’être que j’aimais le plus au monde. Le Titanic me l’a rendu pour me l’arracher aussitôt ! » gémit-elle, puis elle acheva dans une nouvelle crise de larmes. « Pourquoi est-il mort ? Il n'aurait jamais dû. »