« Je suis le fantôme qui s'égare » [Garrance E.Collins]
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Sujet: « Je suis le fantôme qui s'égare » [Garrance E.Collins] Ven 28 Juin - 5:05
Le Titanic voguait paisiblement sur cet océan sans fin alors que tous ses passagers, des fantômes selon certains, des âmes pour d’autres, dormaient à poing fermé. En mer, l’air était toujours plus frais et en cette nuit, ou matin selon le point de vue, un bon vent soufflait, faisant grincer l’acier du navire. Cette nuit-là, j’avais terriblement mal dormi. Il y avait quelques temps déjà que j’étais de retour sur le Titanic sans aucune notion du temps qui passait, me nourrissant de rêves d’amour éternel et profitant de ce corps de jeunesse que j’avais cru perdu pour toujours. Ma vie passée était si lointaine dans mes souvenirs que j’oubliais presque ce qu’était être vieille. Les visages ridés de mes frères, ceux de leurs enfants, je les avais oubliés. Les corps fragiles de mes parents envolés de mes pensées. J’étais de nouveau la jeune Pernelle et c’était comme si je savais que ma famille était dans leur propre paradis et que je n’avais plus à penser à eux. C’était bien égoïste de ma part, je dois l’admettre, mais il y avait pourtant une personne que je n’aurais pas dû oublier. Alexandre avait été tout pour moi et je ne m’étais pas soucié de le retrouver à bord. Pas une fois je n’avais parlé de mon petit frère et la seule pensée que j’avais pour lui était qu’il se trouvait dans son propre paradis, heureux et en paix. Malheureusement, mes rêves étaient devenus plus sombres, m’éveillant dans la peur alors qu’il me fallait quelques instants avant de reprendre mes esprits. Le corps gonflé de mon frère, mort noyé ou de froid dans les eaux de l’Atlantique, m’apparaissant en songes et prononçait mon nom d’une voix qui n’avait jamais été celle d’Alexandre. Je ne savais pas s’il était à bord, je ne l’avais jamais recherché et au nombre de passagers qui se trouvaient sur le Titanic, sans compter ceux qui revenaient chaque jour, il m’était presque impossible de le faire. J’étais donc éveillée, assise dans mon lit, les genoux sur la poitrine, les bras autour de ceux-ci et je me berçais doucement. Ma cabine était si sombre et mon imagination si débordante que je voyais des formes hideuses se dessiner sur mes murs. Il était si ironique de penser que je me faisais des peurs avec des fantômes alors que c’était ce que j’étais…
Me levant de mon lit, j’avais glissé mes pieds dans de petits chaussons et avait enfilé un peignoir, souhaitant aller prendre l’air. Il n’y avait rien de mieux que l’air marin pour chasser mes idées noires, je le savais. J’étais donc sortie dans l’air de la nuit après avoir parcouru les couloirs du Titanic silencieux. Le vent soufflait si fort que je devais serrer mon peignoir autour de moi afin de ne pas le laisser mordre mes mollets. Mes dents s’étaient mises à claquer et de nombreux frissons me parcouraient le corps, mais c’était si bon d’être à l’extérieur. Au loin, je voyais le ciel qui commençait à s’éclaircir et mon regard s’était dirigé vers le nid-de-pie haut perché. Un sourire s’était accroché à mes lèvres alors que je décidais que j’irais regarder le lever de soleil de cet endroit. Sur le mat se trouvait une échelle permettant d’atteindre le nid-de-pie et après m’y être approché, j’avais posé un pied sur le premier barreau de l’échelle. Levant les yeux vers ma cible, je me demandais ce qui se passerait si je faisais une chute, mais je ne voulais pas imaginer la scène. M’agrippant à deux mains sur l’échelle, j’avais posé un deuxième pied sur le barreau puis avait commencé une ascension. Le vent soulevait mon peignoir et le faisait danser alors que je sentais également ma chemise de nuit suivre le mouvement. Je regardais chacun de mes mouvements afin de ne pas provoquer une chute. Mon cœur battait rapidement dans mes oreilles, mais pas de la même manière qu’il le faisait pour Marcus. Après ce qui me sembla être une éternité, mon pied se posa sur la plateforme du nid-de-pie. La vue était si époustouflante de là-haut! J’avais l’impression de voir à l’horizon une terre se dessiner, à l’endroit même où le soleil se levait doucement alors que dans la direction inverse, les ténèbres semblaient vouloir m’attirer. Pointant du doigt la terre que je croyais apercevoir, j’avais placé mon autre main devant mon visage, les doigts recourbés comme si je tenais un objet cylindrique, tel une longue-vue.
- Capitaine! Terre droit devant! - Bien joué matelot! Tout le monde à son poste! - Capitaine! Qu’allons-nous faire du trésor une fois sur cette île? - Idiot! Nous sommes des pirates! Que fait un pirate sur une île avec un trésor? - Il se dirige directement vers le bordel le plus proche! - Oui, mais encore?
Éclatant de rire, j’avais baissé les bras afin de contempler le lever de soleil dans toute sa splendeur. J’aurais tant aimé que Marcus soit à mes côtés pour voir cela. Peut-être avait-il vu des centaines de lever de soleil depuis son retour, mais jamais à mes côtés. Soudain, j’entendis des mouvements plus bas sur le pont et instinctivement, je m’étais baissé afin de ne pas être vu alors qu’avec ma petite comédie, j’avais probablement été repérée depuis très longtemps.
« Soyez silencieux messieurs et les sirènes ne s’apercevront pas de notre présence » avait-je murmuré pour moi-même.
« Je suis le fantôme qui s'égare » [Garrance E.Collins]