Que pensez-vous de cette île mystérieuse?
Qu’est-ce que la vie sans mystère ? Ou la mort, devrais-je dire. Les mystères m’ont toujours attirée. En tous cas, cette île représente pour moi une occasion d’être enfin libre, après une vie passée à suivre les convenances … La nature m’a toujours attirée, celle de cette île ne fait pas exception. C’est la source d’une inspiration inépuisable ; je suis poète à mes heures perdues voyez-vous. Et même si le luxe et le confort de mon palais me manquent parfois, je dois reconnaître que cette île ne manque à première vue pas de charme. J’espère avoir rapidement l’opportunité de l’explorer plus avant, je suis persuadée qu’elle est pleine de secrets et de richesses insoupçonnées.

Que pensez vous des Revenants? Sont-ils des êtres comme vous où sont-ils malfaisants?
Les Revenants sont une énigme stimulante pour mon intellect. Qui sont-ils ? D’où viennent-ils ? Sont-ils morts, ou bien en vie ? Ces mystérieuses personnes représentent un danger, tant que nous n’aurons pas obtenu quelques éléments de réponse. Nous, humains, sommes des êtres tordus et les circonvolutions de notre amour-propre nous amènent parfois à agir –au nom de notre propre conservation- de manière égoïste et violente. Même si nous ignorons tout ou presque d’eux, et nous ne savons pas s’ils représentent une menace, les Revenants doivent cependant être traités au même titre que nous nous traitons les uns les autres, jusqu’à ce que leur histoire soit éclaircie tout du moins …

Que pensez-vous du Capitaine? Est-il une menace pour vous ou une personne fascinante?
Le Capitaine est un personnage des plus fascinants. De par sa fonction, il est censé nous guider, nous à qui le destin a refusé le repos éternel. Cependant, trop de mystères tournent autour de sa personne. Est-il franc avec nous ? Ne nous ment-il pas ? Pourquoi refuse-t-il d’aller sur l’île ? Tant qu’il ne se comporte pas de manière à compromettre ma situation, il peut cependant agir à sa guise, sans que je me mêle de ses affaires. Et je dois admettre que son physique n’est pas déplaisant … Je pourrais peut-être le séduire en lui apportant une tarte aux pommes et du rhum, un soir … Hum ! Je disais ... ? Ah, oui. Tout comme les Revenants, le Capitaine mérite toute mon attention, on n’est jamais trop prudent !

Si vous aviez la possibilité de quitter le Titanic ou l'île pour réellement mourir, le feriez-vous? Pourquoi?
La mort … Une perspective effrayante, à dire vrai. J’ai beau ne plus être vivante, je suis pourtant certaine de n’être ni au Paradis, ni en Enfer. Nous sommes ici dans une sorte d’Entre-Deux Monde ; et c’est fascinant. Alors si j’avais la possibilité de m’éteindre –pour de bon cette fois-, je ne suis pas sûre du choix que je ferais. Tout dépendrait bien sûr de si l’on me proposait le Paradis ou l’Enfer ha ha ! Si c’était pour aller au Paradis … Il serait possible que j’accepte. Mais ne comptez pas sur moi pour aller en Enfer ! Enfin, sachant que cette possibilité ne se présentera sûrement jamais, j’aime autant ne pas trop me torturer l’esprit sur la question …

 

Je m’appelle Catharina Anastasia de Kostrowitzky, je suis née à Moscou le 18 juin 1888. Saviez-vous que le huit, dans la croyance populaire asiatique, est un chiffre faste ? Avoir autant de fois ce chiffre dans ma date de naissance ne m’a pourtant apporté aucune chance … Vous pourrez en juger, lorsque j’aurai fini de vous conter mon histoire.
Je grandis dans un palais de Saint-Pétersbourg, avec mes trois grandes sœurs et mon petit frère. Je jouais plus particulièrement avec ma sœur Maria, de deux ans mon aînée. Nous étions une famille heureuse, jusqu’au jour où l’impitoyable Malheur décida de nous frapper.
Ma famille faisait partie de la noblesse russe : mon père était Général des Armées, et ma mère portait en elle du sang royal polonais. C’est pourquoi mes sœurs, mon frère et moi furent éduqués de la meilleure manière qu’il fût, par les plus grands instituteurs. Un de ces instituteurs avait pour nom Alexis Arcadiévitch Tverskoïa, et il était alors connu pour son intelligence impressionnante pour son jeune âge. C’est par lui que vint le premier malheur que connut ma famille.
Maria et moi avions l’habitude de suivre nos cours ensemble. Cependant, ce n’était pas le cas ce jour-là, j’étais frappée de fièvre. Je décidai, après avoir fait une courte sieste, d’assister tout de même à la leçon du jour. J’entrai donc sans m’annoncer la salle où nous recevions habituellement Tverskoïa. Ce que je vis me stupéfia. Tverskoïa était en train de déshonorer ma sœur, et seule cette dernière remarqua ma présence. Elle me fixait, à peine gênée, m’intimant du regard de les laisser et d’oublier la scène à laquelle je venais d’assister. Si je parvins à me rappeler de comment fonctionnaient mes jambes et à sortir de la pièce, le souvenir de cette trahison m’est encore aujourd’hui plus vif que jamais.
Finalement, mon père appris cette liaison. Il força Tverskoïa à épouser Maria, qu’il avait mise enceinte, et les installa à la campagne, loin de la vie mondaine.
Deux ans plus tard, j’eus dix-huit ans. Mes parents devinrent désireux de me marier, malgré mon opposition la plus ferme à ce projet. Heureusement, le plus urgent était de marier mes deux sœurs aînées, ce qui prit à mes parents suffisamment de temps et d’énergie pour que je les convainque de me laisser aller en Egypte avec mon petit frère Alexis Nikolaïevitch, pendant qu’eux-mêmes s’occupaient des préparatifs des mariages.
En Egypte, mon frère et moi découvrîmes une autre culture, et visitâmes des merveilles architecturales.
Nous décidâmes de rentrer en Russie, après un mois passé sur place qui fut parmi les plus heureux de ma courte existence. Le voyage du retour fut plus mouvementé ; la mer était très agitée, si agitée qu’un soir le bateau chavira. Mon frère, qui était alors sur le pont, disparut ce jour-là en mer, et je ne passai moi-même pas loin de la mort. Les mariages furent reportés, ce fut le temps du deuil.
La perte de mon petit-frère, et le sentiment d’impuissance et de culpabilité qu’elle a induit, me hante aujourd’hui encore.
Finalement, mes sœurs se marièrent. Mes beaux-frères étaient des hommes du Monde, qui firent le malheur de leurs épouses ; ils les trompèrent maintes et maintes fois, et usèrent et abusèrent de l’héritage de ma famille pour entretenir leurs maîtresses.
Ma famille, blessée, brisée, déshonorée, n’avait plus que moi, la dernière fille de la famille, pour rétablir la splendeur de notre nom. Je ne souhaitais rien moins que me marier cependant, car l’expérience malheureuse de mes sœurs ne pouvait que me répugner d’un tel engagement. J’acceptai finalement, en demandant à mes parents de m’accorder un dernier voyage, pour savourer la solitude et la liberté avant qu’elles ne me soient toutes deux arrachées par les liens du mariage …
… Le Titanic, réputé insubmersible. Un monstre de puissance, de luxe, et, normalement, de sécurité. Et pourtant, il a bel et bien sombré. Ma famille ne me verra plus, et je suis moi-même séparée d’eux, à jamais...
Cette première année sur le Titanic, après le naufrage, je m’accordai peu de plaisirs. Je ne participai à aucun bal et autres réjouissances, je passai mon temps cloîtrée dans ma cabine, à composer des poèmes sordides sur mon foyer perdu. Je ne mangeais plus, dormais peu, somnolant beaucoup, mais pour être à chaque fois réveillée par de terrifiants cauchemars.
C’est alors qu’apparut l’Île. Cet Archipel, splendide de mystère et de nouveautés, seul évènement à même de pouvoir me tirer de ma torpeur sépulcrale. Vais-je enfin pouvoir faire le deuil de mon ancienne vie, pour mieux vivre ma mort ?