Depuis mon arrivée sur le Titanic, mon quotidien n’était guère palpitant pour l’heure. La découverte de ma nouvelle condition de… revenante me semble-t-il ? était quelque chose que j’avais très mal vécu et cette acceptation des choses avaient été plutôt chaotique. Je n’avais, au départ, cru qu’à un long rêve qui s’était écoulé. Le naufrage, les quelques mois que j’avais passé avec mon frère Malik en Amérique… tout cela ne pouvait être qu’un songe. C’était pour moi une explication bien plus logique que ce funeste statut de fantôme que nous étions. Certes, le rêve était ce qu’il y avait de plus vraisemblable, mais après tout, ce n’était pas totalement impossible. Malheureusement, j’avais dû me résoudre à la violente vérité : nous étions tous morts, soit sur le Titanic, soit à une époque antérieure, mais en tout cas, nous avions tous embarqué sur le paquebot. Et d’une manière inexpliquée, nous y étions enchaînés dans la mort. J’avais passé de longues heures dans ma cabine à évaluer le pour et le contre, à m’interroger réellement sur ce que je pouvais ressentir vis-à-vis de cette situation inédite. Je n’arrivais pas à me positionner et tous mes états d’âmes avaient manqué de me rendre folle. Puis j’avais enfin réalisé une chose. Une chose simple mais qui avait toute son importance. Nous allions enfin parvenir à être réunis tous ensembles. Quatre enfants. Deux filles, deux garçons qui avaient fait autrefois une promesse à leur mère de rester toujours unis quoi qu’il advienne. Malheureusement, le destin, la vie, n’avait pas permis que nous soyons ensembles pour toujours. Malik et moi avions perdu Yasmine et Tristan. Les années et nos efforts nous ont rendu notre frère. Mais bien douloureusement, notre tendre petite sœur nous avait été arrachée, sans aucun moyen de la retrouver. Elle ne nous connaissait même pas. Elle n’avait aucune idée de qui nous étions, ayant été adoptée trop jeune mais nous, nous souffrions de son absence. Par chance, nous avons appris qu’elle embarquait sur le Titanic et de ce fait, nous l’avions suivie sur le paquebot. Nous étions prêts à être réunis de nouveau, comme nous l’avions promis à notre mère lorsqu’elle s’est éteinte quelques instants plus tard. Mais le naufrage avait happé Tristan. Nous avions perdu Yasmine et nous étions seuls, Malik et moi. Nous n’avions plus la volonté de nous battre car le mur de la mort nous séparait de notre frère, et peut-être de notre sœur. De ce fait, nous n’avons pas vu l’intérêt de continuer à nous battre.
Ensembles. C’est le dernier mot que j’ai prononcé et il résonnait tout à coup à mes oreilles comme une vérité. La mort nous offrait enfin une chance d’être réunis tous les quatre. Malik. Tristan. Yasmine. Et moi, Aurore. J’avais attendu ce jour tant d’années mais je n’aurais jamais pu envisager un seul instant que ces retrouvailles se feraient dans la mort. Alors les jours s’écoulaient en songeant qu’au détour d’un couloir, je retrouverai sans nul doute mes frères, ma sœur que j’apprendrai à connaître. Et qu’en était-il de mon fiancé ? Sans doute était-il à bord… toutefois, je ne pouvais me rendre aussi aisément dans les premières classes. Ma vie n’était donc guère trépidante, bien que j’aie lié quelques amitiés intéressantes. Puis je m’amusais de retrouver des gens que j’avais connus de ma vie d’avant. Le monde était vraiment petit.
Et d’ailleurs, il était si petit que j’avais une retrouvaille à laquelle je ne m’attendais pas, il y a quelques jours. Et à vrai dire, cela me fit énormément plaisir de la retrouver. Céleste Lacour ! Il y a encore quelques années, je travaillais pour sa famille adoptive et je l’avais souvent côtoyée. C’était une jeune femme que j’appréciais énormément et que j’avais eu plaisir à revoir. Et par un heureux hasard, je le retrouvais aujourd’hui au café parisien. J’aimais beaucoup l’atmosphère qui se dégageait de cet endroit et j’avais plaisir à y venir pour profiter de son climat. Je rentrais à peine dans le café que Céleste vint à moi, avec une bonne humeur communicative. Immédiatement, un sourire parut sur mes lèvres et je la suivais à la table qu’elle avait choisie. «
Avec un grand plaisir Céleste. » répondis-je alors qu’elle m’offrait un verre. «
Je prendrais avec plaisir un thé. » Je vis rapidement sur son visage que quelqu’un chose n’allait pas complètement. «
Que fais-tu ce soir ? Cela te dirait que nous dinions ensemble ? Sur le paquebot ou bien faire un pique-nique sur l’île. J’aimerai fuir mon époux ce soir. Et puis, cela sera l’occasion de faire une sortie entre femmes. » Je comprenais enfin quelle était la raison de ce léger malaise que je ressentais chez elle. «
Je suis aussi libre qu’une femme non mariée peut l’être ! » dis-je avec un petit sourire fier. Enfin, aussi libre qu’une jeune femme pouvait l’être en 1912. «
Je serai honorée de t’arracher aux griffes de ton époux pour ce soir. Et puis dîner avec une première classe, je ne peux pas décliner une pareille offre. » je lui glisse d’un petit air espiègle, ne croyant pas à la différence sociale entre nous. Après tout, nous étions amies. «
Aujourd’hui, je préfère rester sur le bateau, nous n’avons qu’à boire un thé ici qu’en dis-tu Céleste ? » proposais-je, car l’heure de manger n’était pas encore venue.
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