Une matinée ensoleillée sur le promenoir des secondes et troisièmes classes [Ambre&Jack]

Jack Cooper & Ambre Roux
Une matinée ensoleillée sur le promenoir des Secondes et Troisièmes classes

Par une belle matinée ensoleillée, Jack et sa sœur, Lydia s'était aventure du côté des promenoirs des secondes et troisièmes classes. La plupart des passagers étaient encore en train de prendre le petit déjeuner, que le frère et la sœur s'installaient sur les transats située le long du pont. Ils prirent place confortablement au milieu des transats déserts exceptés un, occupé par une jeune femme, dont Jack ignorait le prénom mais savait simplement qu'elle était aveugle.

Le jeune homme ferma les yeux laissant le soleil lui caresser le visage: il appréciait le calme et la plénitude que lui offrait ces matins ou il pouvait admirer l'horizon à perte de vue.
Ce fut a ce moment la que sa chère sœur prononça le nom "Heloise". Le blondinet ouvrit immédiatement les yeux et poussa un soupir excédé. Ces derniers temps, Lydia avait le chic de l'énerver en évoquant les points sensibles. À chaque fois, une douleur sourde lui vrillait l'estomac.

"Lydia... On ne va pas encore parlé d'elle. Tu sais très bien que cela me rend furieux d'évoquer ce sujet."

Se massant l'arrière du cou, il écouta la réponse de sa chère sœur bien décidée à évoquer tout ce qu'il n'avait pas envié d'entendre. Il coupa Lydia en pleine argumentation lui faisant comprendre de se taire une bonne fois pour toute.
C'est ainsi que la dispute éclata entre eux... Depuis un an maintenant, leurs relations s'étaient dégradées au plus haut point. Comme il refusait d'affronter Heloise, Jack restait sourd aux conseils de sa sœur de couper les ponts totalement vis à vis de sa "fiancée".
Lorsque sa sœur finit par lui dire qu'il était décidément bien faible, le côté impulsif de Jack explosa:

Bon sang, Lydia, ça suffit maintenant! À vouloir contrôler ma vie, tu oublies que je t'ai aider à sortir de l'enfer du bordel ou tu étais. Sans moi, tu serais une de ces prostituées sans sentiment, vouées à se donner aux pires espèces d'hommes!

A peine les paroles furent sorties, que Jack les regretta. Il ne réagit pas quand sa sœur se leva de son transat et lui tourna le dos. Le jeune homme se mordilla les lèvres, culpabilisant de ces horreurs qu'il venait de dire à la personne qui lui était plus précieuse que n'importe qui en ce moment.

C'est à ce moment la, qu'une voix mélodieuse, presque chantante le sortir de ses pensées d'âme torturée.
C'était la jeune femme aveugle qui lui parlait.

L'évènement à la piscine, être tombée à l'eau, l'apparition de ces revenants qui annonçait aussi le terrible retour d'Edward et l'absence de Dimitri avaient chamboulé le fragile monde d'Ambre. Jusqu'ici sa cabine était son refuge. Elle pensait qu'il nous pourrait rien lui arriver si elle y restait cloîtrée. Des jours entiers s'étaient écoulés sans qu'elle n'en sorte. Quelques amis et membres de l'équipage étaient venus s'enquérir de son état et la faire sortir de là. Toutefois, elle parvenait toujours délicatement à les repousser. Elle avait besoin de rester enfermée avec elle-même et sa musique, avec ses souvenirs et avec sa douleur. Elle ne parvenait que très rarement à résonner son esprit. Elle avait peur. Les quelques moments heureux de sa vie étaient balayés et chassés par les horreurs de son passé. L'ombre prenait le dessus sur tout et il l'attirait inexorablement à lui. Elle ne parviendrait pas éternellement à se débattre contre les ténèbres qui l'étreignaient.

Cependant, elle parvenait à se raccrocher à la lumière grâce à sa voix et grâce encore au faible espoir de retrouver Dimitri à bord du Titanic. Bientôt un an qu'elle était à sa recherche. Il lui semblait que tout cela devenait bien vain, mais pourtant elle se raccrochait à cette seule et mince bribe d'espoir. Elle le devait pour ne pas sombrer. Sa cabine la rassurait, malheureusement, elle l'empêchait aussi de mener à bien ses recherches.
Après avoir fait les cent pas dans toute sa chambre, elle finit finalement par décider d'en sortir. Lors de l'évènement à la piscine, elle avait perdu sa précieuse canne. Mais dépourvue d'appuie, elle tenait quand même à sortir d'ici et seule.

Avançant à tâtons dans les ténèbres qui voilaient ses yeux, elle se dirigea hors du couloirs des cabines des premières classes. A l'aide de ses souvenirs, elle tentait de se diriger vers ce qui lui semblait être le pont des premières classes. Cependant, son chemin était tout autre. Elle se retrouva bientôt sur la promenade des deuxièmes et troisièmes classes sans le savoir. Elle se servait du bastingage pour se guider et continuer d'avancer. Mais elle fut bien vite éreintée. Voilà des jours qu'elle ne parvenait pas à trouver le sommeil et cette lutte dans le noir l'épuisait.

Finalement, elle parvint jusqu'à un transat qui se trouvait là, vide d'occupant. Le doux soleil du matin effleurant délicatement sa peau lui laissait présager qu'il était tout juste le matin. Peu de personnes se pressaient sur le pont. Ce dernier était calme, apaisant. Ambre se laissa alors bercer par la charmante mélodie des vagues et s'assoupie quelques instants.
Quand elle fut tirée de son sommeil par des exclamations à son côté. C'était une voix d'homme et une voix de femme. La discussion qu'ils entretenaient semblait houleuse et source de conflit. Elle avait pour sujet une jeune femme du doux prénom d'Héloïse, une personne qui était inconnue à l'aveugle.
L'homme ne voulait apparemment pas évoquer ce sujet douloureux mais la jeune femme insistait. Excédé, le dénommé Jack finit par exploser et lança une affreuse réplique à celle qui semblait être sa soeur, dont Ambre fut choquée. Un silence suivit à ces paroles et elle put entendre la jeune femme se retirer dans la seconde. L'homme ne tenta pas de la retenir et restait plutôt muet.

Ambre se redressa alors sur son propre transat. La vision de cet homme était bien voilée pour qu'il ait pu lancer pareilles insultes. Toutes les femmes de joie n'étaient pas ainsi. Elles n'étaient pas sans coeur et l'aveugle ne pouvait laisser l'homme penser une chose pareille. Elle prit alors la parole d'une voix douce.

" Veuillez m'excuser mais je n'ai malheureusement pu qu'assister à votre échange. Je sais que cela ne me regarde en rien mais je pense que vous avez été dur et blessant envers votre soeur."

Ambre marqua une petite pause avant de reprendre. Elle revoyait dans son esprit tous les beaux visages de ses femmes qui avaient fait son bonheur pendant quatre ans.

" Je pense que votre vision de ces femmes de joie est faussée. Je suis persuadée que vous n'êtes pas sans savoir que les femmes choisissent malheureusement cette profession par dépit, parce qu'elles n'ont pas le choix, mais cela ne fait pas d'elles des êtres sans coeur. Bien au contraire. Sachez que j'ai été élevée par des femmes de petites vertus dont la bonté n'avait pas de limite. Elles m'ont rendue si heureuse. Et ma mère aussi en était une et l'on m'a toujours assurée qu'elle était l'un des êtres les plus délicats qui soient. Donc ne jugez pas trop vite monsieur." le ton d'Ambre n'était pas teinté de reproche mais seulement de conseil. Elle voulait juste lui ouvrir les yeux pour ne pas blesser sa soeur une nouvelle fois.

La voix melodieuse provenait du transat à côté du sien. Une jeune femme très belle s'y trouvait. Jack ignorait son nom mais la seule chose qu'il savait, pour l'avoir vu faire, c'est quelle était aveugle. Dernièrement, il avait eu vent des événements qu'elle avait subi sur la bateau. Toutefois, le comportement humain, égoïste par nature, faisait que le jeune homme n'avait jamais été la voir. Histoire de s'assurer qu'elle allait bien, qu'elle n'avait besoin de rien. Mais accaparé par ces propres problèmes, il n'avait jamais fait quoi que ce soit pour ce pauvre jeune femme.

Jack était impressionné de voir que quelque chose d'aussi beau se cachait en elle : sa voix. Si mélodieuse, si chantante et douce: c'était ce genre de voix que l'on aimait avoir à son chevet lorsqu'on était malade. Un timbre qui rassure, qui donne envie d'être dorloté. Elle rappelait à Jack sa chère mère, aujourd'hui disparue, et ces chansons italiennes qu'elle chantait chaque soir quand, enfant, il était l'heure de se coucher.

Plongé dans ses souvenirs, Jack, surpris, entendit la jeune femme lui indiquait que les femmes issues des maisons closes étaient dotées de sentiment. Elle marqua une pause et indiqua qu'elle avait été élevé dans un de ces endroits dont sa sœur avaient été durant quelques années. Le jeune homme manqua de s'étrangler lorsqu'elle ajouta que sa mère était une prostituée . Gêné, il ne sut que répondre et un silençe s'installa entre eux. Le ton donné n'était pas négatif, il s'agissait simplement d'une information, et Jack le perçût, même, comme un conseil pour les tensions entre lui et sa sœur.

"Chère Madame... Pardonnez ma maladresse. Je suis extrêmement confus d'avoir pu dire des horreurs envers vous et votre mère."Il prit une inspiration profonde avant d'ajouter:"Dans tous les cas, sachez que je ne le pensais pas, car il s'agit de ma sœur et qu'en faisant cela pendant des années, elle nous a permis de rester en vie, de me nourrir surtout."

Jack se leva de son transat et s'accouda a la balustrade. Admirant le paysage, il se sentait serein. Il se mît a penser à ce que sa jeune voisine ne pouvait voir et fut soudain peiné pour elle. Aussi, il se retourna et adossé contre la rambarde, il la regarda, si immobile et si seule. D'ailleurs, n'avait elle pas un passager avec elle, a moins qu'il naît eu la chance de survivre au naufrage de l'an passé... Elle n'avait donc personne qui soir capable de la conduire quelque part, de décrire le paysage qu'elle ne pouvait voir. Aussi, Jack éprouva le besoin de se justifier encore plus:

"J'étais tellement en colère contre moi même, de voir exercer ma sœur ainsi. Je me sentais impuissant, incapable de faire quoi que ce soir. Pour moi, quand je voyais ces hommes, répugnants, la jaugeaient comme si c'était un vulgaire objet de brocante, je me sentais haineux envers tous ces gens faisant partis de ce milieu...
Mais en ce moment, ma sœur et moi avons extrêmement de tension entre nous et parfois les mots dépassent la pensée"

Le jeune homme s'avança de quelque pas et s'accroupit a côté du transat ou la jeune femme se trouvait.

"Je m'excuse, sincèrement, et j'espère ne pas vous avoir causé de trop grande peine..."

Ambre se revoyait encore toute petite fille. Ses délicates boucles brunes retombant de part et d'autre de son minois radieux. A cette époque ses yeux étaient encore pétillants et reflétaient la vie, le bonheur. Un sentiment bien fugace dans son existence. Sa mère Adeline avait été une prostituée d'une maison close populaire de Paris. Elle était morte si jeune ! A peine vingt ans... Décédée en couche, elle avait attendu durant des mois la venue de son bien-aimé parmi tous ses clients mais il n'était jamais venu, en dépit sa promesse.
Au terme d'un accouchement des plus difficiles et au combien douloureux, Adeline était morte, refusant de vivre sans cet homme lâche qu'elle aimait pourtant. Et pourtant, elle avait donné naissance à une petite fille en bonne santé qui avait aspiré sa première goulée d'air en même temps que sa mère expirait un ultime souffle. Froid et funeste...
Mais malgré tant de malheur et l'affliction que cette mort tragique avait causé aux femmes de la maison, elles avaient tenu à garder la petite fille avec elle. Elles auraient très bien pu la mettre au premier orphelinat de la ville, après tout, il n'en manquait pas à Paris. Mais non. Elles avaient élevé Ambre comme si elle était l'enfant de chacune d'elle avec une bonté difficilement imaginable. Elles l'avaient choyée, dorlotée, aimée. Elles lui avaient apportée tout l'amour dont un enfant a besoin.

Son premier public avait d'ailleurs été les femmes de joies de cette Maison. C'était elles qui l'avaient encouragée à chanter en entendant une pareille voix chez la petite fille. C'était plus qu'une voix mélodieuse, c'était un don et elles lui avaient fait comprendre. Ambre avait vraiment aimé chanter pour elles, pour ces femmes qu'elle aimait tant. Elles étaient sincères, généreuses, aimantes et elles désiraient un bel avenir pour la fille d'Adeline. Elles voulaient l'éloigner de la Maison.
Quatre années... quatre années magiques et teintées de bonheur. Du vrai bonheur, des éclats de rire pures et cristallins et des sourires radieux peints sur les visages. Pour Ambre, c'était les plus beaux instants de sa vie avec ceux qu'elle avait pu vivre avec Dimitri. C'est pourquoi, il ne fallait pas que cet homme soit dans le faux et ne voit que le mal. Il fallait lui ouvrir les yeux.

Ambre ne pouvait le voir, mais elle sentait une certaine tension chez elle. Elle devinait aisément qu'il devait être extrêmement gêné et confus. Puis enfin, il retrouva l'usage de la parole et s'excusa bien poliment des horreurs qu'il avait pu proférer et qui visaient aussi la mère d'Ambre et des prostituées de son enfance. Il avoua ensuite qu'il ne pensait pas tout ce qu'il avait dit et que sa soeur Lydia avait fait cela pour qu'ils puissent rester en vie. Elle reprit alors d'une voix douce.

" Voyez-vous monsieur ? Le cas de votre soeur n'est en rien isolé. Pensez que ce sont peut-être ces mêmes raisons qui ont poussées toutes ses pauvres filles qui n'ont pas eu forcément d'autres choix dans leur vie. Ne sont-elles pas courageuses ? N'avouez-vous jamais pensé à cela ?"

Puis elle l'entendit se lever et s'éloigner un peu. Ambre crut alors qu'il partait car cette discussion l'incommodait, mais elle entendit bientôt sa voix. Dans son ton, il lui semblait entendre un besoin pressant de s'expliquer, de se justifier et une rédemption. Ambre écouta tout ce qu'il avait à dire, ses yeux sans regard perdu dans l'océan bleuté. Elle comprenait ce qu'il ressentait, toutefois, il fallait le mettre sur le bonne voie.

" Il n'est pas bon de reprocher à quelqu'un qui vous aime les sacrifices qu'elle a pu endurer. Je pense que votre soeur a été très courageuse et que de telles paroles n'étaient pas à lui adresser. Les monstres sans coeur dont vous avez parler ne sont ces femmes mais bien les hommes qui osent les acheter. Ceux sont eux qui n'ont pas de coeur et aucun scrupule."

Ambre repensait avec amertume à celui qui avait été son père et aux terribles agissements qu'il avait eu. Par peur, il avait osé abandonner Adeline et son enfant à leur propre sort. Puis il s'était enfoncé dans l'alcool, car il avait été fauché par les jeux d'argents. Il n'était revenu à la maison close que parce qu'il pensait qu'Adeline et l'enfant (qu'il espérait être un garçon) lui viennent en aide. Malheureusement, la femme était morte. Mais l'enfant était toujours là et c'était pourquoi il l'avait arrachée aux femmes de joie. Et il n'avait pas eu honte de l'exploiter et même de lui infliger des mauvais traitements durant des années. Oui, c'était bien les hommes qui achetaient les femmes qui étaient des monstres sans coeur, non l'inverse.

Soudain, elle entendit les pas de l'homme se rapprocher et il s'accroupit près d'elle, pour s'excuser une nouvelle fois avec une sincérité qui l'émue. Elle prit alors ses mains dans les siennes.

" Vos excuses sont acceptées monsieur... Toutefois, je pense que la peine qui vous avez pu causer n'a été faite qu'à votre soeur. C'est à elle qui vous devriez demander le pardon, fit Ambre avec un pâle sourire, puis comme elle avait cru saisir le sujet de leur dispute, elle ajouta. Ne faites pas la bêtise de perdre encore un être qui vous est cher."

Les dernières paroles de la jeune femme aveugle plongèrent Jack dans un tourbillon de souvenir. la dernière réponse de cette demoiselle lui rappela que par les mots, il avait perdu l'être aimé. Lorsque le mercenaire était arrivé pour récupérer son argent, il se souvenait, avec une clarté effrayante, comment la voix de sa sœur avait révélé le vrai de nom de sa belle : Heloise de Neuville.
Le monde s'était alors écroulé sous ses pieds. Il s'agissait d'une menteuse de surcroît coupable du meurtre de son propre père. En effet, le jeune homme avait vaguement entendu cette histoire par le journal à cette époque. Il ne s'était même pas inquiété de quoi que ce soit, ne se doutant un seul instant que sa belle et douce Heloise pouvait être une tueuse.

Une fois, la véritable identité de sa fiancée connue, Jack était resté muet comme une tombe abandonnant sa belle a son propre destin avec ce truand si peu rassurant. Il ne souhaitait même pas la sauver. Devant cette trahison, il avait été si déçu qu'il avait été incapable de réagir. Or, aujourd'hui, son silence et son inactivité lui avaient coûté cette belle histoire d'amour. D'abord, il ne pût la sauver du truand et ensuite, il ne pût la rattraper de la corde dont elle se tenait durant le naufrage.

Se taire ou parler, cela pouvait causer des erreurs et des pertes. Mais le plus grave était le silence. Et Jack, après cela, s'était juré de toujours dire ce qu'il pensait. Il avait encore tant apprendre et la jeune aveugle semblait lui montrer que la franchise et l'ignorance ne faisait jamais bon ménage.

Une fois ses excuses prononcées, le jeune homme fut surpris d'entendre la jeune femme lui pardonner et saisir ses mains, et lui préciser, également, de faire attention à ne pas perdre un autre être cher. Cela donna eut une curieuse impression à Jack: on aurait dit que cette jeune femme connaissait son histoire. À moins qu'elle n'ait compris le principal point de discorde entre les deux membres de la famille Cooper.
Surpris, le jeune homme fixa alors les mains de la femme à la voix chantante.

"Je vous remercie d'accepter mes excuses. C'est bien étrange! Je vous ai déjà vu sur le bateau, mais je ne sais même pas quel est votre nom et prénom. Et pourtant, vous, vous avez une perspicacité déroutante... J'ai l'impression, quand vous parlez, que vous connaissez déjà ma misérable vie. J'ai cette impression que vous avez deviné, ce pourquoi, ma sœur et moi, nous nous disputions."

Puis, Jack se souvint furtivement qu'elle était a côté de lui et sa sœur lorsqu'ils se disputaient. Elle était aveugle mais pas sourde, aussi, avait-elle sans doute saisi des bribes de conversation, peut être même avait-elle entendu le prénom de Heloise fusé dans tous les sens.

"Je ne sais pas si vous avez eu un frère ou une sœur. Mais dans la fraternité, il y a ce lien immuable qui fait que même après des mots durs, l'amour reste. Et même si, ma sœur est partie, vexée, qu'elle doit être en train de détruire un oreiller par ses larmes. Je sais qu'un jour, elle ne me tiendra pas rigueur car elle sait qu'en ce moment, j'endure énormément de chose. Beaucoup de souffrances me tuent a petits feux. Mais le pire de cela, c'est que cela sera éternel. La douleur sera toujours à mes côtés. Et cela, ma sœur, a du mal à comprendre. C'est pour cela que parfois j'ai des mots si durs. C'est pour cela aussi que ma sœur vise toujours mon point sensible."

Le jeune homme se tut, les mains de l'aveugle étaient toujours sur les siennes. Alors, Jack ferma les yeux et d'une voix étrangement enrouée, il ajouta, tout en serrant les mains de la jeune femme:

Si vous saviez, à quel point, Elle me manque..."

Avec une émotion qu'Ambre cerna dans le timbre douloureux de sa voix, Jack témoigna sa reconnaissance qu'elle accepte ainsi ses excuses après toutes les affreuses paroles qu'il avait proférées. Mais l'aveugle ne lui en tenait pas rigueur. Elle savait très bien que les mots pouvaient dépasser la pensée quand le coeur saignait. Elle voyait la souffrance de cet homme, le combat douloureux qui se jouait au fond de lui. Comment pouvait-elle lui en vouloir alors qu'il souffrait ? C'était surtout envers sa soeur qu'elle devrait des excuses. Mais un être qui vous aime ne peut que vous pardonner.

Puis le jeune homme voulut connaître son identité. Il se souvenait l'avoir vu à plusieurs reprises sur le bateau, ce qui ne l'étonnait que peu. Combien de fois avait-elle parcouru les ponts et les couloirs du paquebot à la recherche de son cher et tendre ? Toutefois, il ne connaissait pas son nom et c'est ce qu'il requérait. D'autant qu'il semblait pris d'un sentiment étrange. Il voyait en l'aveugle un don d'empathie qui le déroutait et forçait son admiration.

" Vous m'octroyez un don que je ne possède point. Seulement, j'étais présente lors de votre dispute avec votre soeur et je pense avoir saisi certains aspects qui m'ont mis sur la voie. Je ne prétendrais pas que je connais votre vie, toutefois elle se lit dans votre voix, dans vos attitudes et dans la tension de votre corps. Il souffre, fit Ambre en resserrant un peu plus ses doigts sur ceux de Jack. La vie est une épreuve dont on ne sort pas toujours vainqueur."

La gorge de l'aveugle se noua. Une existence douloureuse ? Oui elle connaissait cela. Et l'échec en était encore plus la marque. Même au moment où elle croyait enfin revoir la lumière du jour en retrouvant Dimitri, le Titanic le lui avait repris. Et aujourd'hui, elle n'était plus qu'une âme errante à la recherche pour l'éternité d'un fantôme qui n'était peut-être plus.

" Je me prénomme Ambre Roux, mais je suis plus connue sous le surnom de "Amy", fit la chanteuse en se ressaisissant. Quant à vous, j'ai cru comprendre que votre prénom était Jack."

Puis il lui parla soudain du lien fraternel entre lui et sa soeur. D'un lien si pure et fort que rien ni personne ne pourrait le briser, pas même eux avec des mots et des actes douloureux comme quelques instants plus tôt. C'était un amour invincible, au-dessus de tout. Ambre n'avait eu de frères ou de soeurs, sa mère étant morte en couche de son unique enfant. Son père avait peut-être fait des enfants à d'autres femmes mais la chanteuse n'était pas au courant et elle doutait aussi que son père le soit. Elle n'avait donc jamais connu ce lien dont parlait Jack avec un frère ou une soeur et pourtant, cela lui rappelait étrangement les sentiments qu'elle ressentait à l'égard de Dimitri depuis qu'elle était enfant. Ils étaient tous les deux persuadés que rien ni personne ne pourrait les séparer. Que leur lien et leur amour était plus fort que tout. Et que même la mort ne pourrait être un obstacle et pourtant...

Il continua ensuite à se justifier en disant que ses mots n'étaient dû qu'à une atroce souffrance. Il était un homme en proie à une grande douleur mais cela, Ambre l'avait déjà senti. Elle était aveugle depuis de très nombreuses années et sa cécité avait déployé chez elle une sorte de sixième sens qui lui permettait parfois de saisir des choses que les autres ne voyaient pas aussi clairement, telles que des émotions. Et celles du troisième classe étaient un tourbillon de douleur. Il se tut pendant quelques instants, serrant les mains de la jeune femme encore plus fort. Les mots qui sortirent de sa bouche étaient comme étranglés, franchissant difficilement la frontière de ses lèvres.

" De qui parlez-vous ainsi ? De cette jeune fille, Héloïse c'est cela ?"

"Heloise"...

Ce prénom prononcé par Ambre, dont il connaissait désormais l'identité, fit exploser la boule à l'estomac qui le tenaillait depuis ce matin. Il était étrange de voir combien un mot pouvait apporter autant de souffrance. Celle ci était décuplée pour Jack. Depuis un an maintenant, elle était devenu sa partenaire de jour et sa compagne de nuit. Cette douleur ne se rapportait qu'à "Elle":

"De cette jeune fille, Heloise, c'est cela?" Oui, c'était bien de cette personne que parlait Jack avant d'engager cette étrange conversation avec la jeune femme. Elle était vraiment douée. Il fallait le faire, deviner la raison du malheur du jeune homme. Jack ferma les yeux quelques secondes et laisser les souvenirs surgirent. Il revoyait la première fois ou il l'avait rencontré: le jeune homme n'avait même pas remarquer sa presqu'abscence de vêtement. C'était surtout ce visage qu'il l'avait captivé. Ces yeux bleus, ce regard plongeant qui vous pénètrait jusqu'à l'âme. Sa beauté parfaite plut de suite au jeune homme qui en tomba fou amoureux des les premiers instants. Elle n'était pourtant qu'une inconnue mais la magie du coup de foudre avait opéré.
La suite de son histoire avait été un rêve. Ils s'étaient aimés follement avant de se perdre quelques années après sur le Titanic.. Jack ouvrit les yeux après ces quelques secondes de flashback et regarda Ambre avant de dire:

"Ambre, vous avez parfaitement raison. Il s'agit d'Heloise. Elle était l'unique amour de ma vie et je l'ai perdu à bord de ce stupide bateau. Et pourtant, elle se trouve encore sur le Titanic.
Mais voilà, j'ai fait des erreurs trop grave pour arriver à me pardonner un jour. La culpabilité me ronge tellement que je n'arrive même pas a la regarder en face."

Jack se tut et prit le temps de regarder Ambre. En dehors de sa cécité, c'était une femme très belle. Elle avait cette même douceur apparente comme Heloise. Avec cette voix si envoûtante et si chantante, elle avait réussi à faire parler le jeune homme sur un sujet qu'il n'abordait jamais en dehors de sa sœur, qui le forçait plus à parler qu'à le conseiller. Le jeune homme fut envahi par un sentiment de tendresse envers la jeune aveugle, comme elle acceptait de l'écouter, lui avait envié quelle soit son amie, qu'elle ne soit pas seule.
cest alors qu'ill se leva, car la position accroupi avait finit par avoir raison de ses genoux, sa main toujours lié à celle d'Ambre, il lui saisit le coude de son autre main. Et avec beaucoup de douceur, il la fit se mettre debout. Un sourire sincère illumina le visage de Jack et il prit à nouveau la parole:

"Pardonnez moi, Chère Ambre, de vous faire lever sans votre autorisation. Mais je ne vois pas de canne auprès de vous et j'ai bien envie de me promener avec vous le long du pont.
Vous avez une telle bonté dans votre voix, votre gentillesse envers le misérable que je suis, que j'ai cette envie, au fond de moi, de vous venir en aide. Alors s'il vous plaît, acceptez ma requête, cela m'apportera un peu de réconfort, si je peux me permettre d'être égoïste..."

Jack marqua plusieurs minutes d'un silence douloureux et pensant. Le regard d'Ambre sombra. Elle avait beaucoup de peine et d'empathie pour ce jeune homme qui semblait souffrir autant que l'aveugle de l'absence de sa belle. Mais si Jack ne pouvait approcher cette Héloïse alors qu'elle était sur le Titanic, Ambre n'avait pas la satisfaction de dire que seuls des sentiments les séparaient. Il y avait bien plus que cela. Dimitri semblait comme s'être évaporé depuis le naufrage, comme si son âme avait regagné le Paradis à l'inverse de la chanteuse. Était-elle la seule des deux à être condamnée à rester sur ce paquebot fantôme ? Qu'avait-elle fait pour mériter cela ? Était-ce parce qu'elle n'avait pu sauver le jeune homme une seconde fois ? Mais comment aurait-elle pu ? De quelle manière aurait-elle pu savoir qu'Edward avait un revolver entre ses doigts et qu'il s'en servirait avec autant de froideur envers cet innocent ? Après tout, qu'avait-il fait à part essayé de la sauver de ce terrible meurtrier ? Oui c'était donc peut-être cela. Dimitri était un être bon, sans aucune zone d'ombre, un être pur qui avait directement eu accès au Paradis. Quant à Ambre, elle ne devait certainement pas mériter un tel privilège. Elle ne devait pas en être digne... Sans doute avait-elle commis des erreurs impardonnables comme Jack.

Ce dernier se lamentait d'être rongé par la culpabilité après le terrible acte qu'il avait commis. Mais qu'avait-il pu bien faire pour être ainsi exempter de pardon ? Qu'avait-il pu faire à cette jeune fille, Héloïse ? Il avait dû certainement commettre l'irréparable mais douleur et ce désir de rédemption qu'il démontrait touchait Ambre et l'empêcher d'avoir de mauvaises pensées de Jack. Il souffrait de ce qu'il avait fait. Tout comme Swan qui avait fini ses jours rongé par la culpabilité. Coupable d'avoir tué un enfant, d'avoir rendu Ambre aveugle, d'avoir exploité une innocente et de l'avoir réduite au silence pour toujours. Et cette culpabilité lui avait coûté la vie. Edward l'avait tué, lui était son propre frère, et cela, sans aucun remord. Lui était un monstre, un être impardonnable, mais pas Jack. Elle ne voulait y croire. Toutefois, elle cherchait des réponses à ses questions.

Mais avant qu'elle n'ait pu ouvrir la bouche, elle sentit l'homme se relever, conservant toujours ses mains serrées dans les siennes. Puis une main se plaça soudain sous son coude et la redressa à son tour, très délicatement. L'aveugle se laissa faire sans protester, toutefois, son visage exprimait l'étonnement. Jack prit alors la parole et expliqua qu'il désirait se promener avec elle sur le pont et qu'il serait son guide puisqu'elle était démunie de canne. Elle avait en effet perdu son appui en passant par dessus bord le jour où une fête avait été organisée à la piscine. Depuis, il lui était très difficile de se déplacer comme bon lui semblait. Elle était donc très reconnaissante à Jack.

" Je vous remercie de cette attention Jack. J'ai malheureusement égaré ma canne dans les eaux en tombant dedans."

Puis Jack poursuivit avec beaucoup d'émotions et de bienveillance dans sa voix. Il remerciait Ambre pour sa bonté et sa gentillesse envers lui. L'aveugle eut soudain un doux regard de compassion. Ce jeune homme semblait si fragile et coupable que la moindre attention le touchait au coeur. C'était soudain comme s'il avait besoin de la présence de la chanteuse et elle ne pouvait lui refuser.

"Ce sera avec grande joie que je me promènerai avec vous sur le pont Jack, fit-elle en accrochant ses bras au sien."

Ambre lui sourit aimablement. Elle avait beaucoup d'affection pour ce jeune homme torturé. Elle avait tant envie de lui venir en aide mais pour cela, il lui faudrait obtenir plus d'information à son sujet et connaître les raisons d'une telle douleur.

"Vous me trouverez certainement très impolie, commença-t-elle d'une petite voix. Mais qu'avez-vous fait à cette jeune femme pour penser une telle chose ? Est-ce si horrible pour que vous en souffriez autant ?"

En prononçant ses paroles, Ambre rougit de gêne. Elle espérait ne pas avoir froissé, ni offensé cet homme par ses questions. Elle désirait seulement comprendre et peut-être même, lui venir en aide.

Avec un espoir non dissimulé, Jack se tut une nouvelle fois lorsqu'il proposa a Ambre de se promener en sa compagnie. Il était réellement gêné de l'avoir fait se lever sans son autorisation. Elle pourrait très bien se mettre à crier d'indignation. Mais quelque chose dans la posture et la voix de la jeune femme, démontrait qu'il pouvait se permettre cet écart. Elle était de ces personnes qui semblaient avoir vécu des atrocités dans le passé. Aussi, la proposition d'une promenade par un troisième classe ne pouvait, en aucun cas, l'affecter, du moins, Jack le voyait de cette manière.
Aussi, et sans réelle surprise, il entendit alors la jeune femme acceptait avec plaisir de se balader le long du pont. Cela remplit le jeune homme d'une joie immense et un sentiment que ces horribles paroles prononcées au début de la rencontre étaient désormais oubliées. Puis, avant de prononcer quoi que ce soit, il l'aida se redresser. Une fois que Jack fut sûr qu'elle se en tenait bien a lui, ils commencèrent à marcher lentement:il fallait en effet qu'Ambre se calque sur le pas de Jack et de même, le jeune homme ne souhaitait pas l'effrayait ou la faire tomber.

Ce fut Ambre qui rompit le silence qui s'était installé. Un nœud se formant dans son estomac, Jack écouta attentivement la question de la jeune femme, question dont il s'était attendu, surtout au vu des paroles qu'ils avaient pu échanger précédemment.
Une douleur sourde grimpa alors au niveau du cœur du jeune homme. Comment aborder cette histoire si douloureuse au final? Comment parler sans avoir, a un moment donné, la voix qui tremble, sans craquer et s'effondrer? Depuis le naufrage, il n'avait jamais réellement craqué enfouissant au fond de lui ce qu'il refusait d'admettre. La seule qui pouvait lui faire monter facilement les larmes aux yeux, c'était Heloise. Aussi, il l'évitait depuis refusant d'affronter la culpabilité qu'il le rongeait. Il regarda alors la jeune aveugle tout en continuant à marcher. Il finit par ouvrir la bouche afin de ne pas faire installer un silence pesant.

"Eh bien..." Commença t-il, mais la gorge sèche et l'anxiété ne lui permirent pas d'en dire plus. Mais, il devait a Ambre une explication. Elle le lui avait posé la question et cela était la moindre des corrections d'y répondre.
Toutefois, Jack était réellement hésitant. Après tout, il avait appris que la femme de sa vie n'était autre que la meurtrière du Comte de Neuville :elle avait tué son propre père. Et cette grave information, Jack ne savait si Ambre, moralement, le supporterait. Bien sur, le jeune homme avait pensé qu'elle avait vécu des choses bien tristes dans sa vie mais cela il en était pas sur.
Une autre pensée traversa également l'esprit du blondinet : et si Ambre et Heloise étaient amies?Et si la jeune femme dénonçait alors sa bien aimée?

Jack était perdu, puis il regarda a nouveau le visage de la jeune femme : elle avait un air si doux, elle était d'une telle gentillesse. C'est alors, le cœur lourd qu'il parla à nouveau, rompant le silence qui s'était installé après sa première tentative de prise de paroles.

"Ambre... Vous m'inspirez confiance et je désire ardemment répondre a votre question...Mais..." De sa main valide, il prit alors une des mains de la jeune aveugle pour la serrer, et ajouta : " Mais si je vous raconte... Vous devez me promettre que vous ne le raconterez à personne et qu'en aucun cas, vous en tiendrez rigueur à la personne qui m'est la plus chère dans ce monde, ni a moi... Car il y a des choses qui ne sont pas roses dans mon histoire . "

Il détourna les yeux de Ambre et contempla a nouveau l'océan dont les eaux étaient baignés par le soleil et il attendit la réponse de sa compagne de promenade.

Jack avait relevé Ambre avait délicatesse et ils progressaient désormais lentement sur le pont. L'aveugle tenait fermement le bras du jeune homme dans le sien et imprimait son pas sur celui de Jack. La chanteuse voyait cela comme une délicate attention qui faisait de lui un parfait gentleman. Il avait des attitudes tout à fait plaisantes, bien loin des stéréotypes qui avaient pu être fondés sur les troisièmes classes. Ils pouvaient très être bien éduqués malgré le fait qu'ils n'en aient jamais reçu. Tout cela n'était qu'une affaire de valeurs. Jack était charmant et possédait de nombreuses qualités, toutefois, il était évident qu'il avait commis des erreurs dans sa vie. Il n'y avait qu'à voir les réactions qu'il avait lorsque l'on faisait mention du passé ou encore plus précisément de la jeune Héloïse qui occupait vraisemblablement toutes ses pensées. Mais tout cela ne paraissait que faire subsister de la douleur, de la souffrance, de la rancœur et des regrets. Des regrets qui le rongeaient de l'intérieur et torturaient son esprit.

Suite à la question d'Ambre, un long silence s'étira et l'aveugle craignit soudain qu'il ne se referme sur lui-même. Avait-elle été trop indiscrète ? Allait-il se rétracter ? Pourtant, la discussion avait débuté sur le ton de la confidence entre les deux jeune gens. Ils semblaient avoir suffisamment souffert tous deux pour pouvoir se comprendre et se venir en aide avec des mots qui atteignaient directement leurs plaies et leurs cœurs. Leurs douleurs résonnaient entre elles et permettaient une communication plus profonde. Peut-être était-ce cela qui poussait Jack à penser qu'Ambre avait une empathie surnaturelle. Cela ne s'appliquait qu'à son cas. Car lorsqu'elle avait reçu Sacha dans sa cabine, elles n'étaient pas rentrées dans la confidente. Tout comme Mary-Ann qui s'était enfuie plutôt que de se confier. La chanteuse était d'ailleurs très peinée que leur entretien se soit achevé ainsi. Elle n'avait pas voulu lui rappeler des évènements pénibles avec ses questions.
Sa réaction avait été aussi inattendue que blessante et elle craignait maintenant qu'il ne réagisse ainsi. Surtout qu'il avait commencé à parler mais qu'il s'était aussi ravisé, étirant un peu plus le silence le silence pesant qui s'était créé entre eux.

Jack mit finalement fin à son calvaire. Il lui dit qu'il désirait répondre à sa question car Ambre lui inspirait confiance, mais il lui fallait promettre de ne souffler mot de tout cela à personne. Tout en prononçant ces paroles, il lui prit la main comme pour former un pacte tacite entre eux. Elle sentait son regard peser sur elle tandis qu'il ajoutait qu'il ne faudrait pas tenir rigueur du comportement d'Héloïse ou du sien. Manifestement, ça paraissait être une histoire bien complexe et bien douloureuse.

Il demandait à Ambre de garder le secret sur ce qui allait être dit. Certainement n'aurait-il pas pu trouver meilleure personne pour dissimuler ses fautes. Car elle avait vécu toute sa vie dans la dissimulation. Elle ne connaissait que le secret. Les affreux évènements qui restent dans l'ombre et on ne laisse éclairer que le beau. Oui elle savait faire cela. On l'y avait forcée. Les frères Darcy avaient fait montre de beaucoup de menaces pour intimider la petite fille qu'elle était le jour où ils l'avaient enlevée. Elle ne devait parler de cela à personne, tout comme les raisons de sa cécité. Elle n'avait cessé de mentir. Elle avait aussi menti sur son succès, sur les raisons qui l'avaient poussé à devenir chanteuse, à la joie que cela lui apportait, même sur son nom. Personne ne devait savoir qu'elle se nommait en réalité Ambre Roux. Elle s'était dissimulée sous un pseudonyme grossièrement donné par les frères Darcy. Puis plus tard elle avait dû cacher le fratricide d'Edward. Et la seule fois où elle avait voulu faire éclater la vérité pour que l'homme paye la mort de son fère, de Dimitri et de toutes les choses qu'il lui avait fait subir, elle l'avait payé de sa vie. Et c'est pourquoi elle se retrouvait désormais ici, privée de Dimitri et terrorisée à l'idée qu'Edward apparaisse parmi les revenants.

Elle savait donc garder un secret et la dissimulation avait été presque un adage durant sa vie. C'est ainsi qu'elle adoucit sa voix et sourit à Jack de manière encourageante.

"Vous pouvez parler toute liberté. Vous n'avez pas à craindre que votre secret soit ébruité, pas plus que je vous juge. La vie ne nous laisse parfois pas toujours le choix et nous sommes forcés de faire des choses qui vont à l'encontre même de nos principes. N'ayez pas peur de vous ouvrir Jack. Vous en avez grandement besoin."

Ce fut presque un soulagement lorsque la jeune femme le rassura. Jack pouvait donc compter sur elle, son secret ne serait jamais dévoilé. Il n'y avait donc aucune crainte a ce que son histoire soit un jour raconté. De cette manière, l'affection qu'il ressentait pour la jeune femme aveugle fut renforcée. Il avait vraiment eu de la chance de tomber sur elle ce matin même ou il pensait que cette journée serait bien lugubre. Depuis tant de temps qu'il gardait ses secrets enfouis au fond de son être, depuis tant de temps, peut être, qu'il mourrait d'envie de parler, de se confier, de dire ses joies et ses peines. Et cette personne, qu'il ne connaissait pas, se proposer de lui offrir cet infime échappatoire.
C'est ainsi que Jack commença alors son récit, en tenant toujours avec douceur la jeune femme afin de ne pas interrompre la marche :

" J'ai rencontre Heloise un soir dan un bar ou elle travaillait comme danseuse et moi je jouais au poker. Lorsque nous nous sommes regardés, ce fut immédiatement le coup de foudre. Cette fille m'a tout simplement rendu fou. Elle était belle comme un cœur, drôle, intelligente. Bref, Heloise était et reste la femme de ma vie. "

Jack s'interrompit en repensant à cette rencontre. Ce fut une des plus belles choses qui furent arrivés dans sa vie. Et pourtant, a l'heure d'aujourd'hui, tout était pratiquement gâchée. Il reprit donc en laissant échapper un soupir douloureux:

" Nous avons emménagé ensemble dans une maison que je leur ai fait construire à Heloise et ma sœur. J'avais emprunté de l'argent à un homme que je connaissais. Mais j'ai eu des soucis pour le rembourser. Et il a commencé à se montrer désagréablement insistant, au point de me menacer en brûlant ma maison. " Puis, le jeune homme se mît a raconter comment il avait pris la fuite avec sa sœur et sa fiancée Heloise a bord du Titanic avec le reste de ses économies. Mais ce n'était sans compter que le créancier les avait suivi à bord du bateau. La rencontre finit alors par se faire. Jack repensa combien ce moment avait été douloureux pour lui. Il se souvenait parfaitement de cette scène si bouleversante qu'il finit par raconter à Ambre :

" Le truand était devant nous trois. Je n'avais d'autre choix que de donner ce qu'il me demandait. Mais je n'avais plus rien sur moi... C'est alors ... C'est alors que ma sœur a proposé de faire un échange, il nous laissait tranquille et en échange, nous lui laissions Heloise de Neuville. Oui, cette femme que j'aimais, en réalité, était la meurtrière de son propre père. Et elle ne m'en a même pas parlé..." Un silence s'installa. Puis, lentement, le jeune homme expliqua ce qu'il avait ressenti alors.
Il était resté tétanisé sur place se rendant compte de ce qu'il ignorait sur Heloise. Il est vrai qui, n'avait pas été franc non plus en cachant ses soucis d'argent, mais le degré de mensonge n'était sans doute pas le même.
Le jeune homme était hébété et il n'avait plus aucune réactivité. Il avait donc laissé le truand récupérer Heloise. De même, il avait également eu une absence de réactivité lors du naufrage. Sous ses yeux, il l'avait laissé mourir.

" Au lendemain du naufrage, lorsque je me suis réveillé mort, la culpabilité a commencé à me ronger au plus profond de moi. J'étais incapable de regarder ma bien aimée dans les yeux. Et bien qu'elle m'ait tout le temps sollicité, je l'ai repoussé car je ne suis qu'un lâche." le jeune homme se fut, une larme roulant sur sa joue qu'il essuya avec la paume de sa main. Par chance, sa compagne ne pouvait voir cet élan de faiblesse face à une blessure mal cicatrisée. Il ajouta enfin dans un sanglot semi étranglé :

" Je ne suis qu'un incapable ..."

Continuant de se promener paisiblement sur le pont, Jack entama finalement son récit. Bien entendu il commença par leur rencontre qui semblait avoir été un réel coup de foudre. Ambre sourit en l'entendant parler sa belle avec tant d'amour. Il lui conférait évidemment toutes les qualités. Elle semblait même être la femme parfaite mais la suite ne laissait pas présager que la fin possède une même magie à l'image de leur rencontre. Apparemment, Jack était un homme qui jouait, certainement étaient-ce des jeux d'argents. L'aveugle ne put s'empêcher de penser à son propre père qui jouait lui aussi. Cette affreuse addiction pouvait autant vous enrichir que vous appauvrir. Un tel fléau qui touchait surtout les hommes. Ils ne parvenaient plus à s'arrêter et tout cela les conduisaient lentement à la ruine. Son père était devenu un alcoolique violent qui se faisait de l'argent grâce au don de sa fille. Argent qu'il allait tout de suite dépenser en boisson ou en jeux. Ambre ne doutait dont pas que le jeu soit le source de quelques embêtements dans la vie du jeune homme.

Et le laissa poursuivre et ce qui suit confirma en effet sa thèse. Il avait emprunté un argent qu'il ne put rendre, trop confiant de sa réussite dans les jeux. Toutefois, elle trouvait admirable toutes ses attentions pour sa soeur et son aimée. C'était un homme bon.
Malheureusement, beaucoup l'était beaucoup moins et il avait pâti de la monstruosité de son créancier. Ce dernier avait brûlé sa maison.

"C'est affreux !" ne put s'empêcher de lâcher Ambre véritablement choquée.

Puis comme il ne pouvait rembourser l'homme, ils étaient tous les trois partis sur le Titanic où le truand les avait poursuivi. Ambre retenait son souffle en attendant la suite des évènements. Il était évident que tout cela avait vraiment dû mal se finir pour qu'ils se retrouvent tous les trois morts sur le Titanic. Les avaient-ils tous descendus ? Était-ce pour cela que Jack se sentait fautif ? Malheureusement, c'était bien plus compliqué que ça.

Ambre resta estomaquée quand il parla de cette histoire d'échange. Héloïse de Neuveille... Cela lui disait quelque chose. Ce ne fut que quand Jack expliqua qu'elle retrouva la mémoire. Elle se souvenait de cette histoire de meurtre qui avait ébranlé tout Londres. Edward et Swan étaient les premiers à en parler, d'autant qu'ils connaissaient le Comte qui appréciait la chanteuse et ses oeuvres. Elle avait d'ailleurs déjà eu l'occasion de le voir. Toutefois, personne n'avait vraiment jamais su si c'était elle qui l'avait assassinée ou si quelqu'un d'autre l'avait fait puis avait enlevé la jeune fille.
Le mystère ne semblait toujours pas être levé mais au moins n'était-elle pas morte. Elle avait donc fui et vécu toutes ses années dans l'anonymat.
La voix de Jack s'enrouait à mesure qu'il avouait ses terribles actions. Il n'avait rien fait pour empêcher le truand d'emmener Héloïse, ni même pour la sauver lors du naufrage alors qu'il en avait l'occasion. Ambre resta muette à cette annonce, pensant à tout ce poids qui devait peser sur ses épaules. Les choses n'avaient pas joué en sa faveur.
Il acheva en parlant d'après le naufrage, puis il eut un sanglot désespéré.

Ambre fut émue par sa détresse et arrêta leur marche. L'homme était bien plus grand qu'elle mais elle le prit quand même dans ses bras pour le réconforter.

"Ne vous jugez pas aussi durement. Vous n'êtes certainement pas seul fautif dans cette histoire. Mais cependant vous n'auriez pas dû étirer un si long silence. Pourquoi n'avez-vous pas cherché à savoir si elle était réellement la meurtrière que l'Angleterre prétendait ?"

Les larmes roulaient sur les joues de Jack. Il n'avait pu les empêcher d'arriver, la boule dans sa gorge avait eu raison de lui. C'est presque de la honte qu'il ressentit de se montrer de la sorte face à une inconnue qu'il connaissait pratiquement pas. Pourtant, Jack ressentait comme une confiance en cette belle femme et le fardeau qu'il portait en lui était, désormais, trop dur à porter. Comment un homme pouvait-il porter le poids du mensonge, de la culpabilité, de la lâcheté. Bien qu'il était mort maintenant, aucun humain ne pouvait supporter pareille douleur. Un silence s'installa, le jeune homme se demanda si Ambre avait entendu ses pleurs, sa respiration devenue saccadée et les sanglots qui avaient entrecoupés sa gorge? Il était certain qu'elle n'avait pu "voir" mais entendre... Aussi, Jack préféra rester muet laissant le chagrin s'en aller par ce flot de larmes. Ce ne fut sans compter la réaction d'Ambre...
La jeune femme s'arrêta de marcher et pris Jack dans ses bras histoire de le réconforter. Devant ce geste de tendresse et de compassion, il en fut bouleversé. C'est naturellement qu'il lui rendit son étreinte la serrant délicatement dans ses bras afin de ne pas l'étouffer ou l'effrayer.
Puis, Ambre parla ce qui eut le don d'apaiser un peu plus Jack. La jeune femme comprenait ce qu'il ressentait, toutefois, et Jack ne pouvait qu’acquiescer, son comportement n'avait pas été exemplaire. Il avait réellement fait souffrir Heloise à l'ignorer de la sorte et il s'en rendait compte. Mais avant cela, Jack avait été rongé par une culpabilité sans nom. De même, il avait énormément souffert de son côté et surtout ce sentiment d'être un homme trahi avait alors fait irruption quand il avait su que sa bien aimée n'était que la meurtrière de son propre père.
Toutefois, cela n'excusait pas un an d'ignorance. S'essuyant le visage du revers de sa main, il prit alors la parole d'une voie étrangement enrouée:

" Je sais que j'ai mal agi en l'ignorant durant cette année. J'étais alors envahi par tant de mauvaises pensées: le fait de me sentir trahi, dupé par la personne que j'aimais le plus au monde. Je n'arrivais pas à croire qu'elle ait pu me cacher tant de chose..." Disait-il en regardant à nouveau la jeune femme, puis, il prit alors la main de Ambre et la serra doucement tout en ajoutant; " Après, je n'ai jamais cherché à savoir si elle avait tué son père ou non, car à l'époque, je n'étais au courant que vaguement de l'affaire... Pas un seul instant, j'aurais pu croire que mon ange blond pouvait alors avoir commis quelque chose d'aussi horrible. Le fait que lorsque j'ai su son vrai nom, elle n'a pas alors cherché à nier ce qui m'a fait comprendre qu'elle avait bien tué son père..."

Le jeune homme se rappelait parfaitement de cette scène tragique. Lorsque sa soeur avait prononcé son nom de famille, les rouages s'étaient alors mis en place pour tout le monde. Il se souvenait qu'à ce moment, Heloise s'était tournée vers lui et s'était excusée en lui demandant de l'écouter avant de croire autre chose. Jack avait été envahi par une léthargie, comprenant qu'il avait l'objet d'un énorme mensonge. Le sentiment d'être trahi avait alors rendu le jeune homme presque inerte jusqu'à la fin du naufrage.

" J'en suis sûre que lorsqu'elle essayait de me parler, c'était pour, certainement, m'expliquer les raisons de son geste envers son père." disait Jack en ajoutant, ensuite: " Le souci, c'est qu'alors je venais de prendre conscience que j'avais conduit Heloise à la mort également, ne serait c e qu'en la faisant embarquer sur le Titanic et également, en ayant pas eu le courage et la volonté de la sauver lorsqu'elle était en péril... "
Enfin, Jack ajouta afin de répondre totalement à Ambre, et qu'elle comprenne tout ce qu'il ressentait: " Parfois, j'aimerais vraiment être mort. Celle là, m'use à petit à feu, mais je sais qu'elle ne me laissera jamais en paix, me condamnant à assumer mes actes pour l'éternité... "

Ambre pouvait entendre la respiration hachée du jeune homme, les sanglots qui étreignaient sa voix, les pleurs qui envahissaient son visage. Elle pouvait sentir la tension de corps fort mais cependant torturé par la douleur de son coeur, la douleur de son être tout entier, ses mains qui se crispaient à mesure que son récit progressait. Il n'était que souffrance, un être qui aurait perdu sa raison d'exister, un marin sans phare, une pauvre âme en peine qui n'a plus rien à quoi se raccrocher, pas même la vie puisque celle-ci lui avait été enlevée voilà de cela une année. En ce sentiment, Ambre se sentait très proche de lui et c'est pourquoi qu'elle l'avait pris dans ses bras, presque naturellement. L'étreinte que lui rendit le jeune homme la consola autant que cela consola Jack. Elle était émue par cette souffrance parce qu'elle résonnait avec la sienne et qu'elle non plus n'en avait jamais parlé. Ambre était une femme secrète qui avait appris à ne jamais parler et qui se confier donc très peu. Elle restait enfermée dans un monde d'obscurité et de douleur. Jamais elle n'avait parlé du terrible spectacle qui se jouait derrière le rideau de sa carrière, de l'exploitation des frères Darcy, de l'assassinat de Swan, de la folie d'Edward, du meurtre affreux de Dimitri et de la mort affreuse qui l'avait emporté sur ce bateau et non plus de la douleur un peu plus vive chaque jour de ne pas retrouver son âme soeur sur le bateau. Quelle chance avait-elle de le revoir désormais ? Une année allait s'écouler demain et toujours aucune trace du jeune homme. C'était à désespérer. Elle sentait son coeur et son âme se fendre un peu plus chaque instant. Une douce et insidieuse folie la gagnait comme un lent poison. Ambre repensa au moment où elle avait voulu se suicider quelques jours plus tôt. C'était une charmante jeune femme nommée Ann-Elizabeth qui était arrivée à temps pour la sauver de cet acte désespéré. Mais depuis quelques temps, elle ne se sentait plus la force nécessaire pour avancer, pour affronter le monde qui l'entourait. Elle n'était plus qu'une épave dans les ténèbres comme le Titanic au fond des abysses.
Imperceptiblement, elle resserra leur étreinte. Elle eut un léger vertige qu'elle parvint aisément à maîtriser pour ne pas alerter le jeune homme. Depuis combien temps n'avait-elle pas mangé ? ou bien dormi ? Elle ne le savait même plus et cela l'importait peu, mais sa faiblesse encourageait sa folie et sa détresse. Elle aurait voulu pleurer contre la poitrine de Jack mais elle ravala bravement ses larmes. Le temps n'était pas à ses lamentations. Elle n'était pas la seule âme en peine ici. Si elle ne pouvait pas s'aider elle-même, au moins devait-elle porter assistance à autrui. D'ailleurs, le jeune homme lui aussi retenait ses larmes et les balayer d'un revers de manche tout en desserrant leur étreinte.

Il admettait avoir mal agi et c'était tout à son honneur. Toutefois, il excusait son comportement par les flots confus de sentiments qu'il avait eu à l'égard d'Héloïse et qui pouvaient tout aussi bien se comprendre. Qu'aurait-elle fait si ça avait été Dimitri à la place de la blonde ? Certainement aurait-elle douté. Puis il lui prit les mains et lui expliqua les raisons qui l'avaient amenées à penser que c'était bien chose réelle qu'elle ait tué son père. Mais Ambre avait à objecter à cette partie de l'affaire.

"Certes n'a-t-elle pas démenti être Héloïse de Neuveille mais qu'en est-il du meurtre ? Êtes-vous sûr qu'elle l'ait commis ? Après tout, l'hypothèse de l'enlèvement avait été évoquée dans cette histoire. En effet vous l'avez connu libre à Southampton mais peut-être dans hommes lui avaient-ils fait du chantage pour qu'elle ne dise rien et change d'identité. Voilà pourquoi elle ne vous aurait rien dit durant tout ce temps. Pour ne pas vous mettre en danger. Et pensez, peut-être est-ce ce qu'elle veut vous dire depuis un an bientôt."

Il n'y avait aucun reproche dans sa voix mais Ambre fut tout à coup confuse de ce qu'elle venait de dire. Ces propos pourraient être mal-venu et elle ne voulait pas plus accabler le jeune homme. Seulement, elle espérait toujours qu'il y ait du bon en les gens et que leurs mauvaises actions n'étaient pas de leur unique ressort. Elle voulait juste exempter la jeune fille d'un pareil crime et de son péché de silence.

"Je suis vraiment désolée Jack. Je ne veux pas plus vous peiner mais n'avez-vous jamais pensé qu'il aurait fallu connaître l'entière vérité avant de prendre une décision ? Les apparences ne sont pas toujours ce qu'elles sont."

Et cela Ambre ne le savait que trop bien. Qui aurait pu penser sous les apparences que derrière Amy se cachait en réalité une pauvre petite française enlevée par deux vils hommes, qui auraient pu penser que ses chansons n'étaient dédiées qu'à un seul être qu'elle croyait mort, que sa cécité était due à une opération et non une mauvaise naissance. Qui aurait pu deviner que la chanteuse la plus célèbre de l'Angleterre était en fait exploitée par ses managers depuis des années et qu'elle devait obéit au moindre de leur désir, et que ce n'était pas le Titanic qui avait causé sa perte mais Edward lui-même ? Non personne ne pouvait le soupçonner et c'était de même pour le jeune homme et sa belle.

Ce dernier comprenait ses erreurs et voyait bien que la fille voulait lui parler afin de lui expliquer les raisons de son geste. Toutefois, il s'était toujours dérobé à elle par honte d'avoir causé sa mort. Il s'en voulait à tel point qu'il aurait préféré mourir plutôt que de vivre cela. Une situation qui le tuait à petit feu. Ambre sentait plus que jamais leurs coeurs mortifiés battre à l'unisson. Une pareille situation l'usait aussi à chercher en vain Dimitri. Et voilà que quelques jours plus tôt, elle aurait préféré mourir que de vivre un jour de plus dans la souffrance. Cependant, elle se sentait dans l'obligation de remettre le jeune homme dans le droit chemin.

"Je vous en prie ne parler pas plus de mort, il n'y en a assez comme cela. Héloïse est si proche de vous, prête à vous parler à seulement un signe de vous. C'est une chance inespérée que vous avez là. Vous avez le pouvoir de changer les choses Jack, il ne tient qu'à vous de prendre les choses en mains. De grâce, il vous faut aller la voir." Puis en pressant la paume de sa main contre le coeur du jeune homme, elle ajouta "La rédemption est possible pour vous et elle vous fera le plus grand bien. Vous n'avez besoin que d'être absout de vos actes."

Les paroles d'Ambre étaient plus que rassurantes. Petit à petit, Jack, par un flot de paroles continues, par cette conversation sur la promenade ensoleillée, guérissait les maux qui l'affligeaient tant. Toute cette souffrance s'éloignant, quittant son corps torturé. Au fur et à mesure que tous deux marchaient sur le paquebot, Jack finissait par retrouver cette paix intérieure qui lui avait tant fait défaut cette année. Le blondinet était plus que reconnaissant envers cette jeune aveugle et une onde de tendresse l'inonda, se prenant d'affection pour cette belle femme. Sa honte, sa culpabilité l'avait empêché de s'ouvrir aux autres passagers, préférant l'enfermer dans un monde empli de noirceur funeste. Attentif, il écouta les conseils d'Ambre qui semblait vraiment décider à venir en aide, le guider vers une nouvelle manière de vivre, d'apaiser son remords pour envisager une rédemption. Oui, le mot qu'Ambre venait d'employer qualifiait bien le futur de Jack. Voilà ce qu'il devait faire vis à vis d'Héloise. Dieu qu'il avait pu parfois se montrer stupide! Alors qu'il avait l'amour de sa vie devant ses yeux, lui suppliant de l'écouter, de lui pardonner, il avait passer son temps à faire comme s'il ne la voyait pas, comme si elle était transparente et qu'un sentiment n'avait été ressenti tandis qu'en ce moment même ou il la croisait, surgissait cette scène horrible. Celle ou il la voyait, encore et toujours, tentait vainement de s’agripper au bateau qui sombrait jusqu'à ce qu'elle lâche prise et meurt dans les eaux froides de l'Atlantique. Ces images avaient détruit le jeune homme qui n'eut alors trouvé d'autre moyen que d'éviter sa chère et tendre.
Lorsque la jeune femme aveugle pressa sa main sur son cœur lui suppliant presque de retourner vers Heloise, Jack réalisa ce qu'il avait pu faire endurer à ceux qu'il aimait. De même, il réalisait combien il avait été un incroyable ignorant. Il en payait le prix d'une horrible année passée, déambulant tel un zombie, tel une âme en peine ne trouvant le repos.

Réalisant au fur et à mesure, la peine de Jack s'apaisa. Tels étaient les hommes. Une fois que le message était passé, ils leur en fallaient peu pour changer d'émotion, passer du coq à l'âne comme disait l'expression.
Désormais, Jack se sentait requinqué, un homme nouveau. Se doutant que la tâche ne serait pas aisé, il se sentait tout de même prêt à affronter sa peur, à assumer ses actes et à tout faire pour que sa Heloise soit de nouveau à ses côtés. A l'idée de pouvoir de nouveau être blotti contre elle, de pouvoir la serrer dans ses bras, de sentir la douceur de ses lèvres contre les siennes, tout ce qui lui avait manqué durant un an, acheva de faire afficher un sourire sincère pour une fois, celui d'un homme heureux. Il prit alors la main de sa compagne et lui dit alors, tout en lui pressant la paume:

" Ambre, ne vous inquiétez pas, vous ne me peinez nullement. Si vous saviez combien vos paroles me réconfortent. Personne n'est pratiquement au courant de notre histoire, de ce que je peux ressentir... Je crois bien que vous êtes la première personne à qui je m'ouvre autant et ce, bien que je ne vous connait pas. Mais.. " Le sourire de Jack s'élargit alors lorsqu'il acheva sa phrase: " Vos paroles m'ont apporté un réconfort important et le plus important surtout, est que j'ai enfin ouvert les yeux. Et que, je me rends compte que j'étais incroyablement con et que.... BORDEL DE DIEU! Je suis fou d'Heloise, je ne veux qu'elle! " Dit alors le jeune homme en se jetant au cou de la jeune aveugle, sans se soucier si la vulgarité de ses propos choqueraient Ambre ou les autres passagers ayant pu entendre son juron, la serrant, les mots ne pouvant exprimer combien il lui était reconnaissant. La gorge nouée de constater qu'il y avait parfois des gens sur Terre capable de tant d'empathie et de compassion, Jack ne put qu'ajouter :

" Merci pour tout.... "
Certes, il réalisait tout de même qu'avoir ouvert les yeux ne pouvait suffire à réparer le mal en un seul geste, en une seule parole. Toutefois, il était sûre d'une chose: son mental était devenu suffisamment fort pour enfin assumer ses actes et tout faire pour que la situation redevienne comme avant, chose qui serait bien loin d'être aisée.

A chaque fois qu'Ambre avait tenté de fuir par la passé, l'issue en avait été toujours fatale, effrayante comme une punition cruelle. Lorsqu'elle avait fui des mains de son père, elle avait rencontré les frères Darcy, les futurs bourreaux des deux enfants. Puis c'était en fuyant les deux anglais que Dimitri était mort pour la première fois et qu'Ambre avait été enlevé.
La petite fille avait essayé de fuir une seule fois quand elle avait été en Angleterre, malheureusement son évasion n'avait pas porté ses fruits et Edward l'avait rapidement retrouvée. Elle avait été vivement réprimandée pour cela et dans la semaine, elle avait été chez ce docteur douteux qui l'avait rendue aveugle pour toujours. Ce fut aussi lorsqu'elle voulu échapper à un Edward devenu totalement fou avec Dimitri, que son ami d'enfance avait été affreusement assassiné.
Il semblait alors à l'aveugle qu'à chaque fois qu'elle avait été lâche et qu'elle avait tenté de s'enfuir, un événement abominable se produisait et rendait de moins en moins supportable. Edward allait-il revenir la hanter si jamais elle venait à fuir à nouveau quelque chose ? Allait-on lui faire payer une autre escapade désespérée ? Ambre était épuisée de tout cela.

Cependant, sachant que la fuite n'était pas une solution et même un comportement néfaste au bonheur, la jeune chanteuse avait pris pour devoir de mettre en garde Jack. Elle appréciait grandement ce jeune homme et si elle ne pouvait pas s'aider elle-même, alors elle l'aiderait lui. Devait-elle porter assistance à tout le navire pour qu'enfin elle soit récompensée ? Elle ne le savait pas, mais son cœur lui criait d'aider cette personne car il n'était pas comme tous les autres hommes, Ambre pouvait le sentir. Elle n'avait connu que des hommes mauvais, hormis Dimitri et elle avait donc une mauvaise vision du sexe masculin, cependant ce Jack la faisait quelque peu revenir sur sa décision.

Tout à coup, les paroles de Jack se transformèrent en effusion d'espoir et même peut-être de joie. L'aveugle étouffa un cri de surprise lorsqu'il se jeta à son cou. Elle ne s'y attendait pas, mais la chaleur reconnaissante de son étreinte fit qu'elle n'en prit pas ombrage, et même elle l'enlaça à son tour. Dans son caractère passionné, elle retrouvait le jeune homme qu'elle avait aimé au premier regard et qui l'avait envoûté par la complainte de son violon. Elle s'imagina quelques instants que c'était Dimitri qu'elle tenait qui la tenait entre ses bras puissants et protecteurs. Son état maladif la faisait à nouveau délirer et elle devenait peu à peu persuader qu'elle se trouvait en compagnie de l'élu de son cœur et qu'elle venait enfin de le retrouver après une année de dure recherche.

"Tu es enfin là, sanglota-t-elle, la gorge douloureusement nouée. Je t'en prie ne me quitte plus jamais. J'ai failli mourir sans toi."

La tête lui tournait. La folie, en même temps que la fièvre la gagnait. Elle mourrait d'être seule, elle mourrait d'être sans Dimitri, elle mourrait de penser qu'elle allait passer l'éternité aux côtés d'Edward. Son corps entier était transis d'un froid glacial. Elle mourrait bientôt de chagrin car il ne lui restait plus que cette alternative à tous ses malheurs et cette fois, personne ne pourrait empêcher cette issue car c'était son esprit qui se mourrait et non ce corps qui n'était plus vraiment le sien.

Le temps s'était figé sur le paquebot désormais silencieux. Jack n'entendait plus le bruit du vent, les remoux des vagues contre la carcasse du Titanic. La seule chose qui lui venait en tête c'était qu'il venait d'étreindre la jeune femme aveugle. Derrière ce geste, se trouvait tant de mots qu'il n'arriverait sans doute pas à dire. Le jeune homme, pourtant de nature réservé, avait ouvert son coeur à cette belle femme. Il ne la connaissait pas et pourtant, elle avait réussi là ou beaucoup d'autre avait échoué, à savoir: lui ouvrir les yeux. Lui faire réaliser que ses actes immatures ne le mènerait qu'à de vastes souffrances sans fin.
De par ses paroles, Jack était reconnaissant et il ne pouvait que serrer ce corps frêle contre lui. Il sentit les mains d'Ambre remontait le long de son dos et l'étreindre également. Un sourire apparut alors sur ses lèvres, comprenant qu'il avait trouvé une "alliée", quelqu'un en qui, il pourrait avoir confiance à l'avenir.
Depuis un an qu'il endurait un réel calvaire, peut être que les jours s'embelliraient par la suite. Le jeune homme s'imaginait déjà revoir sa belle Heloise, lui parler, racheter ses fautes qui jamais ne s'estomperont mais lui rappelerait une seule chose : l'amour ne tient qu'à un fil et c'est par des erreurs qu'on pouvait le solidifier.

Jack fut alors tiré de ses pensées heureuses en remarquant un changement dans le comportement de son amie. Ses mains sur son dos se firent plus sensuelles, intimes, les doigts de l'aveugle s'enfoncèrent dans sa peau tandis qu'elle se collait un peu plus à lui dans une étreinte qui devenait un peu trop intimiste. Jack pouvait sentir chaque parcelle du corps d'Ambre contre son torse... Quelque chose ne tenait pas la route. Et son interrogation quand la jeune femme éclata en sanglot et bredouillant:

"Tu es enfin là. Je t'en prie ne me quitte plus jamais. J'ai failli mourir sans toi."

Ce "tu" contrastait de manière fulgurante le "vous" donné durant toute la promenade. Fronçant les sourcils, Jack commença à dire:

" Ambre... Mais de qui... " Et il s'interrompit. A son avis, la jeune femme ne parlait pas de Jack mais d'une personne auquel elle devait sans doute beaucoup tenir. Une personne avec qui Ambre était suffisamment proche pour avoir une étreinte aussi intime. Avisant alors un transat, et avec une infinie douceur, Jack se détacha de la jeune femme et lui saisit les mains. Puis, il la fit asseoir sur le transat et prit place à ses côtés. Le visage de la belle semblait être inondé de larmes, elle avait également un teint pâle, elle devrait sans doute avoir de la fièvre et peut être même délirait-elle en ce moment même. Il prit alors son mouchoir afin d'essuyer les larmes roulant sur ses joues. Le silence s'était installé, presque mortuaire. A cet instant, le jeune homme ne savait que dire, que faire, ayant peur de mal agir.
Soudain, il lui prit sa main et tenta de réchauffer ses doigts glacés, elle semblait vraiment mal en point. Puis d'une voix douce, il s'adressa à la jeune aveugle:

" Ambre... Vous faites erreur sur la personne... Je suis votre ami ... Jack. Y a t il quelque chose que je puisse faire pour que vous puissiez retrouver votre ami?
Voulez vous plutôt que je vous conduise vers un endroit au chaud ou voulez vous que je vous emmène un thé?

Le jeune homme était perdu et il ne savait que faire pour tenter de réconforter son ami. Et pourtant, il lui devait tant. Grâce à elle, il ferait tout pour récupérer Heloise. En ce moment, il était désormais désemparé devant cette soudaine détresse. Désireux de vouloir l'aider, il espérait que la jeune femme lui expliquerait son histoire, de qui elle parlait... Le jeune homme attendait donc la réponse, scrutant chaque parcelle de son visage

Durant un instant, le temps sembla comme se figer. Ambre se retrouvait à nouveau dans les bras de Dimitri. Elle pouvait sentir la chaleur de sa peau, son cœur battre à travers sa poitrine et le suave parfum que dégageait ses cheveux. Elle n'aurait pu être plus heureuse de se retrouver dans ses bras, pour toujours. Désormais l'éternité ne lui ferait plus peur, pas plus qu'Edward. Elle était avec Dimitri, elle ne craignait plus rien. Pourtant, un étrange murmure dans sa tête l'astreignait à ouvrir les yeux, à regarder la vérité en face mais elle repoussait de toutes ses forces ce chuchotement. Elle ne voulait pas quitter ce rêve, ces sensations, ce sentiment de plénitude qu'elle ne ressentait que dans les bras de son âme sœur. Elle ne voulait plus le laisser partir. Elle avait cette horrible impression que si jamais elle ouvrait les paupières, Dimitri s'évanouirait comme de la fumée entre ses doigts. Elle ne pourrait supporter une nouvelle perte. Elle mourrait sur le coup comme elle se mourrait désormais depuis un an. Chaque jour était une déchirure de plus, une épreuve insurmontable qui la faisait sombrer un peu plus dans la folie. Elle avait l'impression d'être semblable au Titanic qui s'enfonçait dans les profondeurs abyssales du néant. Elle tombait dans les ténèbres et rien, ni personne ne pourrait la sauver hormis Dimitri.

Et il était enfin là. Elle l'avait retrouvé et plus rien ne les séparerait désormais. Elle s'accrochait désespéramment à lui comme à un rêve perdu. Ses retrouvailles ébranlaient son corps de sanglots. Elle ne pouvait plus contenir ses larmes de soulagement. Il était si bon de le revoir, d'être à ses côtés.
Puis tout à coup, elle entendit comme un murmure lointain. Elle crut un instant que c'était Dimitri qui lui parlait mais ce n'était pas sa voix. Elle en était certaine. Elle décida alors de faire taire cette voix dont elle ne saisissait pas les paroles. Certainement une personne qui venait les importuner sur le pont.
Puis le jeune homme desserra leur étreinte. Ambre voulut continuer de s'y raccrocher mais il était d'une telle douceur qu'elle se laissa faire. Dimitri lui prit délicatement les mains et la fit asseoir sur un transat. Elle sentit tout à coup qu'il essayait le visage baigné de larmes de l'aveugle avec un mouchoir, mais plus ils les faisaient disparaître, plus elles affluaient sur ses joues. Finalement, Dimitri enlaça ses doigts dans les siens et elle put sentir la chaleur de sa peau sur ses mains glacées. Son regard vacillait, comme perdu dans une autre réalité. Il semblait qu'elle ne faisait plus parti de ce monde et même elle doutait d'être toujours à sa place. Ce rêve avec Dimitri était bien trop beau.

Puis tout à coup, le murmure s'imposa réellement à elle et Ambre reconnut cette voix. C'était celle de Jack. Le monde se déroba sous elle. Elle avait l'impression d'être irrémédiablement aspirée vers les ténèbres. Son cœur sombra dans sa poitrine et de nouvelles larmes assaillirent ses yeux.
Comment avait-elle pu faire la confusion. Ce n'était évidemment pas Dimitri qui se tenait devant elle mais bien son ami. La jeune femme retira vivement ses mains de celles de Jack, puis les porta à sa bouche pour contenir un gémissement d'horreur. La douleur devenait insupportable. Son esprit venait même la tourmenter dans cette dure épreuve en lui imposant des mirages. Ne finirait-elle donc jamais d'être torturée ?
Sa gorge était douloureusement étranglée de sanglots, si bien que lorsqu'elle voulut prendre la parole dans un élan de confusion, ce ne furent que des plaintes qui franchirent la lisière de ses lèvres. Elle ne savait plus comment réagir, perdue entre sa douleur et l'embarras dans lequel elle avait plongé le jeune homme. Comment allait-elle se justifier ? Il devait très certainement l'avoir prise pour une folle. Mais n'était-ce pas ce qu'elle devenait ? La folie la rongeait à chaque instant. Elle s'insinuait sournoisement dans son esprit et son âme pour ne faire d'elle qu'une épave à la dérive. Bientôt, elle n'aurait peut-être même plus de conscience et elle se retrouverait comme tous les aliennés des hôpitaux psychiatriques. Pourtant elle ne voulait pas perdre son intégrité mais tout souffrait en elle. Son âme, son corps, son esprit, son cœur... Elle ne trouvait plus d'issue à une telle douleur que dans une douce et lente folie. C'était un peu comme être enivrée, au fut et à mesure, on finit par tout oublier.
"Jack... je... souffla-t-elle d'une voix blanche, tout n'était plus que confusion dans son esprit. Je... je suis désolée. Je ne voulais pas."

Un nouveau flot incontrôlé de larmes assaillit ses yeux rougis et bouffis d'avoir trop pleuré. Il semblait qu'elle ne pourrait plus jamais s'arrêter. Elle plaqua une nouvelle fois sa main contre ses lèvres pour les garder closes alors qu'elle étouffait un gémissement. La douleur était insupportable.

"Je ne voulais pas, je ne voulais pas, ne cessa-t-elle soudain de répéter comme une démente. Jack je vous en prie. Il faut m'excuser. Je ne voulais pas être un fardeau pour vous."
Ambre se sentait si honteuse, si désespérée. Elle aurait souhaité ne jamais avoir quitté sa cabine aujourd'hui. Il valait mieux qu'elle sombre seule et qu'elle ne cause de problème à personne.

"Je ne voulais pas vous importuner Jack... je crois que je ferai mieux de partir."

Elle se leva tant bien que mal, au mépris des vertiges qui l'étreignaient et la faisaient vaciller. Oui elle devait regagner sa cabine. C'était encore la meilleure solution. Elle devait retourner à l'endroit où elle était encore le plus proche du jeune homme. L'endroit où il avait perdu la vie, l'endroit où elle était morte elle-même, lovée dans ses bras. Elle cherchait du réconfort dans ses petites parcelles de lieu qui le ramenaient à lui mais qui lui déchiraient aussi le cœur. Lentement, elle s'engagea sur le pont, se tenant faiblement au bastingage.

Fixant la jeune femme, Jack sentait son cœur se serrer au fur et à mesure qu'il voyait les larmes de la demoiselle coulait dans un flot continu. À travers ses yeux mouillés et là ou elle ne pouvait plus voir, le jeune homme arrivait à dénicher un bonheur profond en elle. Une joie de retrouver un être cher perdu. Toutefois, il ne comprenait ce revirement de situation: comment une jeune femme aussi douce, si sûre d'elle et avec des conseils sages et avisés pouvait, tout d'un coup, prendre Jack pour une autre personne. Cela n'avait pas de sens. Mais le jeune homme avait bon cœur et parfois des interrogations sensées et il comprenait que derrière ce masque d'acier, se trouvait une grande souffrance, un mal être qui la rongeait du plus profond d'elle même. Certainement, pleurait-elle tous les soirs, seule dans sa couchette, cet être si proche et si important pour la jeune aveugle. Éprouvait -elle la même solitude que Jack avait pu ressentir de nombreux soirs, coincé sur ce foutu rafiot, incapable de parler à la femme qu'il aimait? La voir dans cet état de tristesse lui brisait le cœur... Il n'était qu'un monstre pour oser lui briser cet instant de bonheur volé, ce petit instant plongé dans des souvenirs heureux. Il s'en voulait énormément de lui rappeler qu'il n'était que Jack et non la personne qu'elle attendait. Toutefois, il ne voulait pas non plus lui donner de faux espoirs... Aussi comme elle ne parlait toujours pas, il dit à nouveau d'une toute petite voix:

" Ambre... ? " Petit à petit, il vit le visage de la jeune aveugle se décomposer, défaillir réalisant qu'elle avait fait une confusion. Retirant ses mains de celle de Jack, Ambre semblait encore plus dévastée que jamais. Le jeune homme se sentait plus que mortifié à l'idée d'avoir encore plus augmenter ses larmes. Ne sachant que faire par peur d'aggraver encore plus son cas, le blondinet la regarda perdre ses moyens, se confondre en excuses. Il s'agissait d'un moment très gênant pour elle et Jack la comprenait bien qu'il souhaitait ardemment lui faire comprendre qu'il ne lui en voulait nullement. Elle se sentait un fardeau mais Jack n'était pas d'accord, aussi se permit-il de la contredire en lui tapotant le coude:

" Ambre... Pour ce que vous avez fait aujourd'hui, vous n'êtes en aucun cas un fardeau. Et de même, nous avons tous parfois un moment d'égarement. Ce n'est pas grave... " Toutefois, perdue dans ses excuses, cette honte qui la dévorait, elle parut ne pas l'entendre et c'est d'un bond mal assuré qu'elle se leva tout à coup, vacillant légèrement, les yeux baignés de larmes tout s'excusant de l'importuner et préférant quitter les lieux. Médusé, Jack resta interdit le temps de quelque secondes tandis qu'il la regardait essayait de retrouver son chemin, s'accrochant fébrilement au bastingage du bateau. Savait-elle ou était sa cabine, car durant leur promenade, elle s'était accroché au bras de Jack, ainsi avait elle réellement tous ses repères? La pitié envahissait le jeune homme en cet instant. Tout comme une détermination sans faille l'envahissait également. Ambre avait pu lui faire ouvrir les yeux. Et bien tant qu'à faire, les yeux de Jack deviendraient les siens. Il voulait qu'elle puisse avoir confiance en lui, qu'elle ait un ami à qui se confier car elle semblait si seule, si mal et triste. D'un bond, et d'un pas alerte, Jack se leva et à grandes enjambées, il rejoignit alors la jeune aveugle qui avait lentement. Lui saisissant le bras avec une infinie douceur, il l'arrêta tout en essayant de la réconforter:

" Ambre, s'il vous plaît, ne partez pas... Vous n'avez pas à vous excuser. Notre vie sur le bateau est tellement difficile pour tout le monde que nous avons le droit d'avoir quelqu'un à qui se confier. " Jack tout en lui parlant, en profitant pour lui saisir l'autre bras de telle sorte qu'elle se tenait face à lui, puis il continua de parler, toujours d'une voie douce, de celle qui permet de bercer un enfant avant de s'endormir: " Vous venez involontairement de me faire comprendre que vous avez besoin que quelqu'un soit avec vous, non pas pour prendre la place de votre canne, loin de la. Non, vous avez besoin de quelqu'un pour vous protéger et vous écouter quand vous aurez besoin d'une oreille attentive. Et je suis là. Je suis prêt à être votre ami, prêt a vous rendre la vie un peu plus belle. Acceptez vous ou bien refusez vous? A ce moment là, je vous raccompagnerais à votre cabine... "

Disparaître. Ambre n'avait plus que ce mot à l'esprit. Elle voulait partir, s'enfuir peut-être ne plus faire parti de ce monde. Cet instant d'égarement venait de lui renvoyer en plein visage le fait que Dimitri avait disparu et ce, certainement pour toujours. Il avait disparu et elle voulait disparaître avec lui. Faire de chaque endroit sur le Titanic qu'elle avait foulé avec lui un lieu de recueillement, chanter toutes les chansons qui la ramenait à lui, étreindre la moindre parcelle de souvenir qu'elle avait avec lui. Elle ne vivait que pour lui, que pour son âme-sœur et s'il n'était plus là, elle ne pouvait subsister. Ce voyage était sans fin, épuisant, éprouvant. Il ne menait qu'à sa propre désolation et à sa chute certaine dans des ténèbres immuables. Elle avait peur d'être seule, peur de se retrouver avec Edward. Ses pires cauchemars n'étaient hantés que du souvenir de cet homme abominable qui lui avait arraché Dimitri. Il ne l'avait pas simplement tué, il l'avait fait disparaître à tout jamais et cela, elle ne pouvait le supporter, encore plus depuis que ce jour venait de lui rappeler que sa quête était vaine. Elle était seule, seule face au diable, face à la mort et face à elle-même alors qu'elle se perdait un peu plus chaque jour.

Ambre s'agrippait désespéramment au bastingage, profitant de l'équilibre précaire que lui offrait la barre métallique. Elle n'avait plus sa canne pour la guider et elle n'était même pas sûre de savoir où elle était mais elle voulait s'en aller le plus loin possible de cet endroit avant que Jack ne l'arrête mais c'était bien peine perdue pour l'aveugle. Il l'arrêta en la saisissant délicatement par le bras. Ambre n'eut pas la force de protester, bien trop affaiblie pour esquisser un geste. Il lui parlait, il la suppliait même. Elle ! Qui l'avait déjà supplier par le passé ? Dimitri peut-être.

Jack parlait de confident, de peine à confier, de personne sur laquelle s'épauler. Discuter, se confier, presque avouer même. Tout cela elle ne pouvait pas. Elle ne le pouvait plus depuis qu'elle avait vécu aux côtés des Darcy. Le secret, le mensonge, la dissimulation. Une vie qui n'en était pas une, montée de toute pièce pour être ensuite savamment racontée aux autres afin qu'ils y croient crédulement. Tout n'avait été que jeu, mise en scène et pièce de théâtre pour créer la nouvelle identité de celle qu'ils avaient renommé "Amy". Cette personne qu'Ambre avait dû apprendre à connaître pour mieux en incarner le personnage, allant même jusqu'à en oublier son propre prénom. De toute manière à quoi bon puisque personne ne l’appelleraient plus ainsi. La vraie Ambre était morte le jour même où elle avait cru que Dimitri avait perdu la vie. Elle n'était plus que l'ombre d'elle-même, enchaînée à un nouveau personnage, un nouveau destin. Et désormais qu'elle se retrouvait sur le Titanic, loin d'Edward, sans destinée et sans avenir, elle ne savait plus qui elle était. Elle n'était plus l'Ambre de son enfance, elle n'était pas non plus cette "Amy". Elle n'était plus rien, livrée à une éternité d'errance, sans nom et sans but. Cela avait-il seulement un sens ?

Ambre ne savait que répondre. Elle ne savait que dire. Parler, livrer la moindre parcelle de ses secrets lui étaient viscéralement impossible. La dissimulation faisait partie intégrante de son être. Elle ne pouvait avouer, ni même seulement parler de Dimitri car elle avait peur qu'il ne devienne alors plus qu'un souvenir, un fantôme qui n'avait pas sa place dans ce monde. L'aveugle détourna le visage pour échapper à ses yeux qu'elle savait braqués sur elle. Elle murmura alors d'une voix brisée, presque inaudible.

"Je ne veux pas parler des morts. Je n'en parlerai pas, je ne peux pas." Puis elle s'accrocha soudain à ses bras de toutes ses maigres forces, relevant son visage vers le jeune homme. "Je vous en prie. Ramenez-moi dans ma cabine, Jack."

En dehors de sa soeur, Jack n'avait pratiquement pas eu d'ami ou de confident. La plupart était considéré comme des connaissances, ou bien de bons copains sur lequel le jeune homme aurait pu compter en cas de coup dur. Mais pour ce qui était de la confidence, le blondinet restait quelqu'un d'assez réservé et secret, il n'avait pas pour habitude de parler de ses problèmes préférant faire apparaître un sourire éclatant comme seul les Cooper avaiten le secret. Le fait qu'il s'ouvre à Ambre et expose sans aucune pudeur son histoire de coeur, prouvait qu'elle était un être "spéciale" aux yeux de Jack. Elle était, pour lui, une personne sur lequel on pouvait facilement plonger dans ses bras pour y trouver une source de réconfort. Il voyait en elle comme une mère, prête à aider son prochain. Et pourtant, il ne la connaissait que depuis une heure seulement. Comme quoi, les passagers du RMS Titanic étaient tous liés par cette alchimie créant des liens aussi facilement que le paquebot s'était déchiré sur les rebords d'un iceberg. Repensant à sa vie d'avant, le jeune homme, plongeant dans ses souvenirs, ne voyait pas de personne auquelle il aurait pu se confier sans crainte et ce, sans même connaître l'intéressé. En dehors de Lydia et Heloise, les deux femmes de sa vie, Jack ne s'était confié à personne d'autre quant il vivait à Southampton.

La voix de Ambre brisa le silence dans lequel il venait d'être plongé après avoir essayé de la réconforter. Elle ne désirait pas parler des "morts". Levant un sourcil interrogateur, le blondinet ne mit pas longtemps à réaliser que cette personne qui était "revenue", comme avait dit la chanteuse, était sûrement morte avant le naufrage. En effet, deux hypothèses étaient possibles: soit la personne était décédée avant que Ambre embarque ou pendant, mais avant le naufrage toujours, soit elle avait survécu et pourrait éventuellement revenir en tant que "revenant". Jack avait vu ces êtres se réveillaient un beau jour, réalisant qu'ils se trouvaient sur le Titanic. Quelle ne fut leur surprise et celles des passagers lorsqu'ils se virent coincés dans leur corps de 1912. Et pourtant, la véritable date de leur mort était bien après la disparition du paquebot. Jack voulut la réconforter à nouveau mais cette dernière termina sa phrase en lui demandant de la ramener à sa cabine. Poussant alors un soupir de regret, le jeune homme lui prit alors le bras et, tout en lui demandant le numéro de sa cabine, il commença à marcher, lentement, car la démarche vacillante d'Ambre ne permettait pas d'avancer plus vite.

Durant tout le trajet, ils ne dirent mot, Jack jetant un coup d'oeil à sa compagne de temps à autres. Il s'en voulait énormément de l'avoir mise dans cet état: après tout, elle avait commencé à délirer lorsque ce dernier s'était jeté à son cou. Plusieurs, il ouvrit la bouche pour s'exprimer mais la referma instantanément, par peur d'en faire trop, de la faire pleurer à nouveau. Les larmes d'Ambre s'étaient stoppées mais ils restaient encore les vestiges des précédentes. Ainsi, jusqu'à la cabine de la jeune aveugle, aucun mot ne fut prononcé. Ils arrivèrent alors au numéro de la cabine qu'Ambre lui avait indiqué. Jack en profita pour lui ouvrir la porte et la fit entrer. La cabine était lumineuse pour une deuxième classe mais il y régnait un désordre non pas bordélique mais plutôt celui d'une personne qui restait souvent confiné dans sa cabine, et ce, durant des heures. De là, Jack comprenait pourquoi la jeune femme avait eu cet accès de folie... A force de se plonger dans la noirceur de la disparition d'un être cher, le cerveau de la jeune aveugle avait fini par devenir malade et à imaginer les désirs les plus chers qu'Ambre pouvait ressentir, il lui créait des hallucinations. Encore plus triste que jamais, Jack, la fit assoier dans un fauteuil puis tira la couverture du lit qu'il enveloppa autour d'elle. Puis, pensant qu'il était alors temps pour lui de partir, il s'agenouilla et lui serra l'avant bras tendrement tout en disant:

" Si jamais vous avez besoin de moi, Ambre. N'hésitez pas à demander à un membre de l'équipage de venir me chercher chez les troisièmes classes. " Puis, Jack se releva et lui fit un sourire que malheureusement ses beaux yeux ne voyaient plus: " D'ailleurs, ce sera avec plaisir que je referais volontiers une balade avec vous sur le pont. " Puis, poussant une inspiration et quittant la pièce et par la même occasion, Jack arriva à la hauteur de la porte puis avant de partir, il lui dit à nouveau:

" Prenez soin de vous... " Et dans un grincement, le blondinet referma la porte.

Ambre s'accrochait au bras de Jack. Il était sûr et rassurant et elle pouvait sans peine garder cet équilibre qui lui manquait tant. Tout corps affaibli n'était que plus ravagé par de puissantes vagues de vertiges. Si le jeune homme n'était pas là, elle ne pourrait certainement jamais regagner sa cabine. Mais heureusement il était présent pour elle. C'était une chose plutôt rare. Du moins le sentait-elle différemment. Après tout, il était vrai que beaucoup de personnes venaient en aide à une aveugle, surtout qu'elle avait perdu sa canne. Elle faisait partie des premières classes et elle était donc secourue par beaucoup de gens quand elle était dans le besoin. Sur cela, elle avait toujours pu compter sur la gentillesse des membres de ce bateau. Jusqu'ici personne ne l'avait abandonnée à son terrible sort.

Cependant, elle était intimement convaincue au fond d'elle-même qu'une chose différente se passait entre Jack et elle. Un lien spéciale se nouait entre eux et pourrait sans nul doute leur ouvrir de nombreuses portes. Peut-être même, parviendrait-il à lui faire abaisser sa défense et à la faire parler. Mais elle avait tout de même peur de cette perspective. Elle craignait de parler. Elle craignait que si jamais Edward venait à revenir et était amené à savoir que Jack était au courant de leur histoire, il n'en vienne à lui faire mauvais parti et cela elle ne pouvait le supporter.

Jack était un homme bon. Certainement l'un des plus gentils qu'elle connaisse. Il n'était pas comme les autres. Si différent et pourtant il n'était pas exempt d'erreur. Toutefois, ce qui faisait sa beauté, c'était surtout de reconnaître ses erreurs. Il savait qu'il avait mal agis et il s'en voulait tellement. Si seulement la femme qu'il aimait pouvait le voir. Elle lui pardonnerait certainement sur le coup. Après tout, elle aussi avait fait des erreurs. L'homme en commet toujours, c'était une chose à laquelle il ne pouvait échapper.
Tout en marchant, elle pensait à Jack. Elle voulait qu'il soit heureux. Il le méritait, vraiment. Maintenant qu'il allait pouvoir parler à sa belle, elle espérait de tout son cœur que tout s'arrangerait. Après tout, il fallait bien que le monde sourit enfin à quelqu'un sur ce paquebot fantôme. Tout ne semblait que désolation et vaine conquête d'un avenir meilleur. Malheureusement il n'y avait pas d'avenir à bord et Ambre en prenait conscience un peu plus chaque jour. Il n'y aurait pas de lendemain pour elle.

Jack s'immobilisa soudain et elle comprit qu'ils étaient désormais arrivés devant sa cabine. Il ouvrit la porte et la fit entrée. Enfin dans cet environnement, elle parvenait à retrouver ses marques. Elle se sentait dans un cocon plus réconfortant. Un lieu où Dimitri avait été avec elle, même s'il était mort ici le soir du naufrage, tout comme elle.
Le jeune homme conduit l'aveugle jusqu'à un fauteuil et la couvrit d'une couverture. Jamais quelqu'un n'avait fait cela pour elle. Personne n'avait eu toutes ses délicates attentions comme Jack les avait aujourd'hui. Il lui proposa même de le faire appeler si jamais elle avait besoin de lui. Il aimerait même la revoir. Ambre ne put empêcher un pale sourire d'apparaître sur sa peau diaphane.

"Merci pour tout Jack."

Il se releva alors et sortit de la cabine, lui offrant encore quelques doux mots avant de partir. Lorsque la porte de la cabine fut refermée, l'aveugle eut cette sensation étrange d'être abandonnée. Elle se retrouvait seule à nouveau. Seule face à ses fantômes. Elle entendit tout à coup la voix de Dimitri et se releva de son fauteuil. Il la tirait à elle, il l'envoûtait comme son violon l'avait autrefois ensorcelée. Elle s'avança d'un pas hésitant vers un endroit précis de la cabine. Elle s'accroupit et plaça ses mains à plat sur le sol de la cabine. Elle pouvait presque sentir entre sur ses doigts le contact chaud du sang qui s'écoulait de la plaie béante et mortelle de l'homme de sa vie. Elle entendait le souffle froid de Dimitri qui s'effaçait peu à peu jusqu'à disparaître complètement. C'est alors qu'elle caressa le visage de son âme-sœur avec ses doigts tremblants. Les larmes l'assaillaient à nouveau.

"Je serai toujours avec toi" souffla-t-elle la gorge étranglée de sanglots.

Puis elle se coucha au sol et se lova dans les bras encore chauds de Dimitri, revenant encore et encore à l'instant fatale où la vie avait quitté son corps et où l'océan glaciale les avait emporté tous les deux.

THE END

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