Nice To Meet You.

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© B-NET

Ce jour-là, Lena n'avait la tête à rien, un peu perdue, un peu ailleurs, elle tenait à ne rien faire de particulier. Elle pensait à Niels, au fait qu'il ait sans aucun doute survécu et pas elle... Elle était triste de cet état de fait. Elle n'était peut-être pas éperdument amoureuse de lui mais il avait un charme certain et il faisait partie de ces gens qui savent vous faire comprendre que vous êtes importante pour eux. Elle l'appréciait, c'était certain et l'air de rien, il était l'un des seuls qu'elle connaissait sur ce navire.
La sensation de se sentir seule n'avait rien de très agréable, surtout pour quelqu'un comme Lena.

Finalement, la jeune femme décida de sortir de sa cabine tout de même ; rester enfermée n'aidait en rien. Elle prit avec elle deux crayons et son carnet de croquis et elle commença à se promener sur le pont. Ce qu'elle voulait le plus possible : éviter de rencontrer trop de monde car elle n'avait pas réellement envie de devoir expliquer ce qui n'allait pas.
Elle passa une fois devant les portes du jardin exotique sans s'arrêter mais, après quelques pas, elle se stoppa net et fit demi-tour pour pousser les portes de ce petit paradis de verdure.
C'était assez rare qu'elle y aille et cela faisait donc très longtemps que ça n'avait pas été le cas. Elle se demanda d'ailleurs si elle y avait mis les pieds depuis le naufrage...

Lorsqu'elle entra, elle fut ravie de voir tous les végétaux. Ils semblaient assemblés dans une harmonie calculée qui rendait le tout des plus agréables à vivre. L'air de rien, cela lui remontait presque le moral. Elle alla s'installer à une petite table à l'écart d'un couple qui se trouvait près de l'entrée. Elle ouvrit son carnet de croquis et commença à crayonner. Aussi surprenant que cela puisse paraitre, ce ne fut pas une robe qui apparut sur la papier après ses premiers coups de crayons ; en revanche, ce fut un visage qui commença a se profiler... Un visage masculin ... Celui de Niels et, inspirée par l'environnement qui l'entourait, elle commença à faire un fond à base de végétaux. Mais alors qu'elle s'apprêtait à dessiner une orchidée tropicale, elle se sentit observée et se stoppa net, relevant la tête.
Une jeune femme se trouvait non loin et observait visiblement ce qu'elle faisait. Amy n'osa rien dire à cette personne mais elle ne poursuivit pas son dessin pour autant.
Être observée quand elle dessinait des robes ou des costumes, cela ne la dérangeait pas le moins du monde mais là ... ça tenait du domaine du personnel et bizarrement, c'était soudain plus gênant pour elle.
Allez savoir pourquoi ... !

Elle s'adossa donc à sa chaise et fit comme si de rien n'était, ignorant presque la jeune femme même si, elle le savait bien, cela n'était pas franchement poli. Mais après tout, si elle avait quelque chose à demander à Amy, elle viendrait le faire non ?!

nice to meet you.

Ces journées interminables se répétaient de plus en plus. Aucun but précis à atteindre, aucun lieu spécifique où aller, aucune personne à qui parler. Toutes ces journées se ressemblaient de plus en plus, et j'étais fatiguée de les passer seule. Je suis une jeune femme au tempérament plutôt curieux, et j'avais pour habitude étant petite de fixer les gens s'en m'en rendre compte. Je les scrutais, je scrutais ce qu'il faisait. Cela pouvait être très gênant, et ma mère ne cessait de me le répéter. Avec l'âge, cette mauvaise habitude m'étais passée, mais je sens qu'elle réapparaît. La solitude, la culpabilité et la tristesse me pèsent et je me remets à regarder les gens autour de moi avec insistance. Ce n’est pas fait exprès, et je suis moi-même tellement gênée quand je me voie le faire. Peut être est-ce à cause de cette impression de « barrière » que je ressens entre moi et les autres. Je suis sûre que je ne suis pas la seule à ressentir cela, mais j’ai la sensation que je ne peux pas me comporter de façon normale. Mais ça passera avec le temps, c’est évident.

On était en début d’après midi, et je venais de déjeuner au café parisien du bateau, un endroit que j’affectionne tout particulièrement dû à mes origines françaises de part ma mère. Désormais j’avais envie de végétation, de nature, de respirer l’air frais d’un jardin comme j’avais l’habitude de le faire à Londres, chez mes parents. Cette envie me mena au jardin exotique du pont A, je n’y étais allée qu’une fois depuis la tragédie, et je me demande pourquoi. C’est un endroit très agréable où l’on peut encore apercevoir quelques couples d’amoureux insouciants, loin de ce qu’il se passe sur le Titanic, ainsi que des artistes. Ils viennent y chercher l’inspiration pour leurs peintures, leurs dessins voir même leurs sculptures. J’aime me dire que le Titanic est un petit Londres. Les artistes y sont divers, les classes sociales sont toutes représentées et arrivent même à cohabiter, les lieux sont diversifiés, et on arrive même à retrouver un peu de Paris. La vie ici n’est pas si mal, mais si seulement j’avais un peu de compagnie…

J’arrivai au jardin exotique, et y vit déjà quelques personnes. L’une d’entre elle était adossée à une chaise, et semblait dessiner quelque chose sur un calepin. Ma curiosité me piqua et je me mis sur la pointe des pieds pour tenter de voir ce que cette jeune femme dessinait. J’essayai de regarder par-dessus son épaule, quand je la vis tout arrêter. Elle posa son crayon sur le bord de la table, et s’y accouda, faisant en sorte de cacher son dessin. Elle avait légèrement tourné la tête, peut être assez pour me voir, moi qui étais toujours sur la pointe de pied. Je me rendis compte de l’absurdité de la situation, et regretta tout de suite mon comportement. Pourquoi avais-je fait cela ? Certes ce n’était pas bien grave, mais ce n’est pas du tout le genre de comportement que j’ai d’habitude ! Je me sentais toute bête, et extrêmement gênée. La jeune demoiselle devait l’être encore plus que moi. C’était évident qu’elle s’était arrêtée à cause de moi. Le dessin, et même l’art en général est une science qui m’est inconnue, et voir cette jeune femme qui semblait dessiner avec tellement de passion m’avait renvoyé à la mienne. Aider des gens, les soigner, les écouter, les épauler. Là était ma passion. Passion que j’avais bafouée et déshonorée en prenant ce navire, en fuyant mes responsabilités, après avoir enlevé cette vie.
Je décidai de l’aborder, voulant m’excuser de mon attitude, espérant au plus profond de moi qu’elle ne m’en tiendrait pas compte et m’excuserai…

« Bonjour, désolé de vous déranger, mais je souhaitais m’excuser de vous avoir observé ainsi, c’était inapproprié de ma part, je suis vraiment confuse. »

Amy s'était donc arrêtée et se retrouvait à ne rien faire à part regarder dans le vide. Elle n'aimait pas ça. Elle était si inspirée quelques instants auparavant que devoir s'arrêter aussi vite ne lui avait pas réellement plu. Surtout que rien ne pouvait prédire que l'inspiration serait toujours là quand elle aurait la possibilité de reprendre son art.
De plus, se retrouver avec le regard dans le vague laissait la possibilité à ses pensées de reprendre le dessus et ça, ça n'avait clairement rien de bon ... Dommage, elle commençait à se sentir mieux.

C'était assez méchant mais au fond d'elle, elle espérait que la jeune femme ne reste pas plus longtemps à la regarder ainsi pour qu'elle puisse enfin reprendre son dessin et du coup arrêter de se morfondre sur tout et n'importe quoi. Enfin ... le n'importe quoi se résumait finalement à son histoire d'amour qui n'aura pas eu lieu et qui n'aurait jamais lieu... N'avoir jamais connu le grand amour était quand même d'une tristesse affligeante !

Elle n'avait envisagé, pour se sentir mieux, aucune autre possibilité que le départ de la jeune femme et pourtant, cette dernière avait visiblement pensé à autre chose : venir voir Lena. Elle en fut d'ailleurs des plus surprises. Si l'observatrice avait ressentit le malaise de la jeune styliste, elle devait se douter que venir la voir amplifierait le phénomène... Mais elle vint tout de même et adressa la parole à Amy qui releva la tête vers elle pour l'écouter aussi poliment que possible.
Elle était loin d'être une asociale mais il y avait des moments mieux choisis que d'autres. Là ... ce n'était pas vraiment un bon moment mais elle ferait tout son possible pour se montrer agréable. Après tout, elle n'avait pas de réelle raison de se montrer méprisable avec cette demoiselle qui avait en plus la décence de venir s'excuser. Il y avait à coup sûr assez peu de personnes qui l'auraient fait.
Lena fit donc un sourire à la jeune femme qui s'excusait tout en la regardant dans les yeux.

« J'accepte vos excuses et vous présente les miennes à mon tour. Vous tourner le dos et vous ignorer alors que vous aviez l'air intéressée était également déplacé de ma part. » Elle ne retira pas pour autant les mains posées sur son dessin et qui cachaient le visage de Niels. « Mais comprenez qu'il parfois assez troublant de se sentir observée quand on ne s'y attend pas réellement. »

Elle aurait pu ajouter "et qu'on est en pleine transe artistique" ou quelque chose du genre mais elle se tut sur ce point. Elle préférait ne pas aborder le thème du dessin dans l'immédiat pour éviter qu'on ne lui demande de montrer son œuvre. Face à un tel dessin, quel serait l'idiot qui ne demanderait pas à qui appartiennent ces yeux ténébreux et ce sourire sombre ? Et à l'instant présent, elle n'avait pas réellement envie de fournir une réponse à cette question car elle ne saurait pas comment la tourner. Bien que "mon fiancé" suffirait amplement mais, dans la précipitation, elle ne répondrait sans doute pas aussi vite et aussi simplement...

Aller voir la jeune femme fut une action très délicate pour Rose. Elle se devait de s’excuser, c’était normal après tout. Qui oserait observer une jeune artiste ainsi, avec si peu de discrétion, et partirait ensuite comme une voleuse, ou comme si c’était la chose la plus naturelle possible ? Rose n’était pas comme ça, elle était une jeune femme polie et bien élevée. Avoir fuis ses responsabilités en montant sur le Titanic, ne pas avoir assumé son acte, tout ceci ne collaient pas à la personnalité et à l’éducation que Rose avait reçu. Elle s’était trop déçue récemment, et elle ne pouvait pas continuer de vivre à travers ce comportement qui ne lui ressemblait pas.
Elle s’était alors approchée de la jeune femme, et lui avait présenté ses plus plates excuses. Celle-ci en sembla très surprise, visiblement étonné de l’attitude de Rose. Peut-être était-elle encore plus excédée par le comportement de Rose qui osait venir, et la dérangeait une fois de plus. Mais la jeune femme savait qu’elle faisait la meilleure chose à faire : s’excuser était le remède presque miracle.

Tandis que Rose était toute gênée de son attitude passée, elle fut très surprise lorsque la demoiselle s’excusa. « J'accepte vos excuses et vous présente les miennes à mon tour. Vous tourner le dos et vous ignorer alors que vous aviez l'air intéressé était également déplacé de ma part. » Elle n’avait pas à le faire ! Ce n’était pas elle la fautive de cette situation. Rose se dit qu’elle devait avoir un bon fond pour s’excuser d’une chose qui n’était clairement pas de sa faute. Elle remarqua cependant qu’elle gardait ses coudes sur le dessin, faisant en sorte de le cacher. Elle comprit que se devait être quelque chose de privé, et se rendit compte de la gêne qui commençait à s’installer entre elles. C’est alors que la jeune femme reprit la parole, « Mais comprenez qu'il est parfois assez troublant de se sentir observée quand on ne s'y attend pas réellement. » faisant ainsi comprendre le plus poliment du monde à Rose ce qu’elle pensait. Rose était véritablement mal à l’aise, jamais elle n’avait agit de la sorte, hormis quelques fois lorsqu’elle était jeune. Elle ne pouvait pas continuer d’importuner la demoiselle, visiblement pressée de continuer son dessin. Rose ne lui en voulut pas le moins du monde, et comprit que sa présence était de trop. Elle n’allait pourtant pas partir sans une dernière parole, ne voulant pas lui laisser une mauvaise impression d’elle. Peut-être se recroiseraient-elles ! Rose était friande de nouvelles rencontres, et cette personne semblait des plus intéressantes. « Je m’appelle Rose Myles, je suis enchantée de faire votre connaissance malgré la situation qui nous y a poussé. » s’exclama-t-elle tout en lui serrant la main. « Je vais vous laisser, en espérant que nous nous reverrons. Je ne voudrais pas vous laisser cette image de moi. » finis-t-elle par dire, un sourire timide aux lèvres.

Se doutant bien que la jeune femme ne partirait pas suite aux paroles qu'elle avait prononcé, Amaranth ne bougea pas les mains. Elle imaginait bien qu'elle avait l'air ridicule à rester ainsi mais elle n'était pas encore prête à bouger et, son esprit étant toujours dirigé vers son dessin, elle n'arrivait pas à l'oublier assez pour retirer ses mains de façon inconsciente. Peut-être que ça viendrait mais pas dans l'immédiat.

En revanche, elle ne s'était pas attendu à ce que la jeune femme ne se présente. Certes, c'était un minimum de politesse mais elle pensait qu'elle partirait sans rien ajouter. Elles ne se connaissaient pas et Lena n'avait pas été spécialement agréable.
Étrangement, cette présentation la détendit un peu et elle parut alors moins crispée sur sa feuille. Elle eut cela dit un énorme moment d'hésitation quand, suite à sa présentation, la jeune femme tendit la main vers elle. Il serait impoli au possible de ne pas serrer cette main tendue mais en même temps, ça dévoilerait une partie de son croquis. Elle baissa les yeux un instant mais respira profondément et serra enfin la main de ladite Rose. Elle fit aussi vite que possible pour cacher à nouveau le dessin mais si la jeune femme l'avait voulu, elle l'aurait vu sans soucis ; ou du moins elle en aurait vu une moitié.

« Enchantée également Rose. Je me présente à mon tour : Amaranth Marlet. »

Suite à cela, la jeune femme sembla dire qu'elle allait à présent laisser Lena seule. Non que cela lui parut dommage mais, maintenant que les présentations étaient faites, autant continuer la conversation non ? Après tout, la styliste avait un sentiment de solitude et ce n'était pas en s'enfermant dans ses dessins qu'elle irait à l'encontre de celui-ci.
Aussi rapidement que possible, elle retourna sa feuille, le dessin face contre la table. Elle ajouta alors à l'encontre de Rose :

« Si vous souhaitez rester un peu, cela ne me gène pas le moins du monde. » Elle fit un sourire léger avant d'ajouter : « Je ne suis pas aussi asociale que j'en ai l'air ! »

Elle s'installa plus confortablement sur sa chaise et fit un signe de main vers la chaise se trouvant face à elle pour indiquer à Rose de s'installer avec elle si elle le souhaitait. Elle ne savait pas vraiment ce qu'elle pourrait raconter à cette jeune inconnue ni même si elles auraient des choses à se dire mais essayer ne coutait rien. Et puis, elle n'avait pas l'air méchante et Lena ne doutait pas qu'elle pouvait être intéressante.